Les malheurs de Gorgui

Elles arrivent, elles arrivent les élections sénégalaises. Et le vieux président Wade ne cesse de le répéter à son bon peuple et à ses courtisans, elle se tiendront à la date fixée, le 26 février prochain. Législatives comme présidentielles. Parole de « Gorgui ». Reste encore à graisser quelques rouages et à empêcher que n’éclatent de vieilles querelles.

A commencer par la Casamance, la grande et belle région sud du Sénégal. Travaillée depuis 1982 par un irrédentisme dont la violence s’est atténuée ces dernières années, la verte province voit resurgir ses vieux démons [1]. Habituellement, en fin d’année, les rebelles maquisards, sans le sou et ventre creux, font des raids dans la capitale de la région, Ziguinchor, histoire de faire de menus pillages. Une sorte de tradition dont personne ne s’est inquiété depuis des années. Petit souci cette fois, l’excursion de fin d’année s’est transformée en épopée sanglante. En plein Aïd El Kebir, le président du Conseil Régional El Hadj Oumar Badji, a été assassiné par quatre rebelles… Le président a promis 50 millions de FCFA à quiconque aiderait à les retrouver. Une chance, la police n’a eu besoin de personne. Toujours ça d’économisé. Quatre suspects ont rapidement été arrêtés mais l’assassinat fait un peu tâche. En 2000, sitôt élu, Wade avait assuré qu’il ramènerait la paix en Casamance en 100 jours. Et de mauvais esprits pourraient bien s’en rappeler au moment d’évoquer son bilan…

Autre petit souci, le slogan actuel qui court à travers la Téranga : « Oui à Wade, non au Parti démocratique sénégalais ». Une dissociation entre le « Vieux » au crâne luisant et son parti qui fait son chemin depuis 2000. L’accession à la magistrature suprême de l’infatigable Abdoulaye a transformé son parti en tonneau des danaïdes de la scène politique sénégalaise, engloutissant parti sur parti. La coalition née de sa victoire, la Cap 21 (convergence autour du président pour le XXIe siècle) s’est muée en anti-chambre de l’absorption par le PDS. Dans un pays où la transhumance politique tient lieu d’idéologie, nombre d’hommes ou de partis entiers l’ont rejointe. Et il a bien fallu nourrir cette cour pléthorique, en fonction, poste et diverses attributions [2].

Autant de soutiens coûteux et peu efficaces qui ont renfrogné les vieux barons du PDS, et une grande partie de la population, las de voir s’agiter ces courtisans autour d’un président qui conserve une forte côte de popularité. Refrain connu, « ce n’est pas notre président qui est mauvais c’est son entourage »…

Dernière crise provoquée par ces frictions courtisanes, l’exclusion du parti de l’ancien ministre de l’environnement, ex-porte parole du gouvernement et animateur de meeting aguerri, Modou Diagne Fada. Fâché de ne pas être désigné tête de liste aux législatives dans le département natal du président, Fada a créé sa propre liste indépendante, Waar-Wi. Et s’est fait immédiatement exclure du parti. De petits malins avaient oublié de lui glisser que s’il n’avait pas été présenté à Kébémer, c’est qu’il était en 10e position sur la liste nationale du PDS. Mesquin ! Du coup, Fada se réclame toujours du PDS, soutient Wade mais présente sa liste…

Plus que les présidentielles, ce sont d’ailleurs bien les législatives qui agitent les neurones des proches du président. Le mécontentement de la population face aux pénuries alternées d’électricité ou de carburant est largement relayé dans les journaux de la place, et risquent de se répercuter lors du scrutin législatifs, histoire de nettoyer la cour de Wade.

Le véritable objectif d’Idrissa Seck, l’ex-Premier ministre-fils préféré-Brutus, n’est d’ailleurs, comme l’avait révélé Bakchich, pas tant la présidentielle que les législatives. Et c’est à cette aune que s’expliquent les rencontres de Wade de décembre dernier avec divers leaders de l’opposition dont Moustapha Niasse, leader de l’alliance des forces de progrès (AFP) et également ancien Premier ministre du président.

Le bon Abdoulaye ne serait plus tout à fait contre une cohabitation. «  Si à une époque il a affirmé qu’il quitterait le pouvoir si il « perdait » les législatives, le passé est le passé et il s’est ravisé », glisse d’ailleurs un conseiller.

Cible d’une partie de l’opposition et d’une large frange de la presse, Karim Wade, fils de et néanmoins bras financier de la campagne paternelle ainsi que président de l’agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) [3] est d’ailleurs en excellents termes avec Niasse et son allié, le nounours à la voix cristalline et au verbe facile, Amath Dansokho. « Karim les tutoie et les appelle tonton », susurre même un proche de M. Fils.

Et la famille, c’est sacré…