Safia Otokoré, la petite protégée de Ségolène, fait campagne dans les Yvelines où elle vient d’être parachutée. Atterrissage rude dans un troquet de Trappes (78) pour un débat (presque) participatif
C’était samedi dernier, dans l’un de ces bistrots enfumés de banlieue : un sympathique couple de taverniers, d’inamovibles piliers de comptoirs, quelques jeunes… un joyeux brouhaha de week-end. Et dans un coin de la salle : l’avenir de l’Afrique en jeu. Rien de moins ! Retranchés dans leur moitié de salle, une grosse poignée de socialistes locaux et une pincée de citoyens se sont mis en devoir de faire parler la France « comme l’a demandé Ségolène », explique Safia Otokoré.
Et pourquoi n’y arriverait-elle pas la madone noire avec son grand sourire timide, ses jolis petits poignets et sa belle peau d’acajou, à faire parler la France, hein ? « Je ne vais pas vous dire des mots appris par cœur, on est là pour vous écouter », susurre-t-elle. Encore faut-il pouvoir se faire entendre. Gaston Kelman, le Noir qui n’aime pas le manioc, arrivé avec « sa sœur » Safia, tire tout ce qu’il peut d’un micro poussif pour surmonter la cacophonie ambiante. Pas très coopératifs les habitués du samedi après-midi.
Sorti de sa torpeur éthylique par un sursaut citoyen en voici un qui s’emporte : « Arrêtez ! La bolitigue z’est d’la merde ! C’est … » Plus moyen de l’arrêter. « Tonton Gaston » n’en prend pas ombrage, se démène avec les concepts de « Françafrique » et de « développement durable », en fait une grande boulette et en conclusion cite Ségolène pour faire avaler le tout : « Le co-développement c’est l’utopie réalisable ». Safia pendant ce temps est allée s’occuper du braillard éméché, qu’elle connaît déjà bien, dit-elle. Ayant pris ses quartiers à Elancourt (78) il y a quelques mois après avoir été virée du conseil municipal d’Auxerre, mademoiselle Otokoré n’a pas perdu de temps. Actuel membre de l’équipe de campagne de Ségo, co-responsable de l’animation des comités « désir d’avenir » et candidate à la députation dans la 11e circonscription des Yvelines : c’est ce qui s’appelle retomber sur ses pattes. Mais ce département a entièrement passé les armes à droite lors des législatives de 2002. Un saut en terre ennemie en somme. « Le maire d’Elancourt, c’est un sarkoziste, il a refusé de lui donner une salle pour la réunion, c’est pour ça qu’elle du faire ça ici » assure P. sur le ton de la confidence. Et de rajouter l’œil malicieux : « Ben, on verra ce qu’elle fera notre Cosette de Djibouti ! Parce que… C’est plein de FN partout ici, hein ! » Tiens, voilà notre soûlot rebelle qui pleure maintenant dans les bras de la belle. C’est aussi ça la méthode Safia. Un peu de douceur dans un monde de brutes. Pour les idées, on repassera.
L’ami poivrot de Safia a séché ses larmes, elle l’abandonne pour d’autres clients-électeurs. « Pétasse ! » lance-t-il en guise d’au revoir.