Vendredi 5 mars s’est ouverte pour dix jours à Pékin la grande messe annuelle de l’Assemblée Nationale Populaire.
Selon la Constitution de la République Populaire de Chine – adoptée en 1982 et révisée dernièrement en 2004 pour incorporer le droit de propriété privée – la séparation des pouvoirs est ainsi définie : le pouvoir législatif est entre les mains de l’Assemblée nationale Populaire (Chapitre 3, section 1, article 57 « L’Assemblée populaire nationale de la République Populaire de Chine est l’organe suprême du pouvoir d’État »), le pouvoir exécutif dans ceux du Conseil des affaires d’Etat (chapitre 3, Section 3, article 85 « Le Conseil des affaires d’État, c’est-à-dire, le Gouvernement populaire central est l’exécutif de l’organe suprême du pouvoir d’État, c’est l’organe administratif suprême de l’État »), et, enfin le pouvoir judiciaire dans celles de la Cour Populaire Suprême (Chapitre 3, section 7, article 127 « La Cour populaire suprême est l’organe judiciaire suprême. »).
Bien entendu, ce qui saute aux yeux dans un premier temps, c’est que le Parti Communiste Chinois (PCC) n’est pas cité dans la constitution ! De là, à en déduire qu’il n’est pas légal, il n’y a qu’un pas…
Quoiqu’il en soit, l’ANP, cet étrange « organe suprême du pouvoir d’état » est composée d’environ 3.000 « députés » « élus » au suffrage indirect tous les 5 ans et qui se réunissent en Congrès une fois par an. Ils représentent les 23 provinces, les 5 régions autonomes, les 4 municipalités autonomes et les forces de l’Armée Populaire de Libération (Chapitre 3, section 1, article 59 « L’Assemblée populaire nationale est composée de députés élus par les provinces, les régions autonomes, les municipalités relevant directement de l’autorité centrale et les régions administratives spéciales, ainsi que par les forces armées. Les minorités nationales doivent toutes y être représentées dans une proportion adéquate »). L’ANP en Congrès doit principalement voter les lois et surtout appointer le président et le vice-président de la République populaire. Il semble certain que la fronde anti parti ne viendra pas de cette honorable assemblée, pas à cette session en tous cas… Personne n’est dupe et ne l’a jamais été, ni le PCC, ni les habitants du vénérable empire du milieu, gouvernés par ce pouvoir qui tait sa légalité.
Mais tout le monde s’est moque car l’ANP doit siéger. Elle doit siéger pour voter. Des lois écrites par d’autres certes, mais des lois quand même. Et les sujets de discorde sont légion :
la hausse des prix de l’immobilier qui jette un peu plus chaque jour de « braves » travailleurs à la rue,
la nécessaire réforme du Hukou – le permis de circuler intérieur – qui place les travailleurs migrants venus des campagnes et force de développement de la Chine à la merci des entrepreneurs véreux et autres mandarins d’un système vérolé à tous les niveaux
la possible réforme ou tout du moins l’assouplissement de la loi de l’enfant unique (adoptée en 1979) qui n’a que trop bien portée ses fruits au risque d’une déstabilisation démographique importante pour la zone dans les années à venir. En effet, si en 1971, l’indice de fécondité était de 5,44 enfants par femme ; ce dernier n’est plus que de 1,7 8 en 2009 sur l’ensemble du pays et ce avec une très nette différence entre la Chine rurale et la chine urbaine…Et c’est cette différence qui commence à inquiéter les caciques du régime, car quid de la reproduction de la force de travail dans ce pays usine pour les décennies à venir ? Enfin, tous ces débats qui ont lieu derrière les murs feutrés du Palais du peuple – et non ouvert au public – se tiennent alors que le « bon peuple » attend sagement sur la place Tiananmen. Sagement, le mot est vite écrit, car les pétitionnaires sont de plus en plus nombreux chaque année à « monter » à Pékin pour faire entendre leurs voix… et faire légèrement monter la pression sur les épaules de « leurs » députés. Mais, jusque là, tout va bien madame la marquise…
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