Décryptage de la « pensée » de l’omniprésent Bernard-Henri Lévy.
Co-signé par Richard Labévière, journaliste à Radio France Internationale (RFI), et Bruno Jeanmart, professeur de philosophie et psychanalyste, le livre fraîchement paru au Temps des Cerises, Bernard-Henri Lévy ou la règle du Je décrypte rigoureusement la pensée (pourtant complexe !) du "nouveau philosophe". Du grand art !
Encore un livre sur BHL ? Oui, et tant mieux. Parce que, nouveauté, « Ce petit livre se conçoit comme une intervention. Il se veut donc un simple retour aux textes et à l’essentiel (…), expliquent les auteurs. Ce n’est pas l’homme en tant que tel qui retiendra ici notre attention, mais bien plutôt un certain type de rhétorique et de discursivité, qui, à l’image des sophistes de l’Antiquité, distille quelques clichés paresseux sur le monde et ce qu’il devrait être » (p. 13). Aussi, c’est à des analyses assidues d’un certain nombre d’œuvres de M. Lévy que se livrent les auteurs. Par ailleurs, Richard Labévière et Bruno Jeanmart offrent au lecteur l’occasion de comprendre que Bernard-Henri Lévy, « ce penseur chez qui il n’y a pas de pensée » (R. Labévière), cet « essayiste » qui a pu « asseoir une notoriété entre paillettes mondaines et plateau télé » (p. 145) est, comme l’ensemble des « nouveaux philosophes », inscrit dans son temps, l’ère du « quant à soi », de la « règle du Je ». En effet, c’est certes un « choix éthique et pédagogique que de privilégier à tout prix la visibilité sur la discursivité, l’image sur l’idée, le perçu sur le conçu. Mais force est de reconnaître que ce choix et ses incidences correspondent parfaitement à l’âge de l’économie de marché, qui ne connaît qu’une seule loi, qu’avait déjà parfaitement analysée Marx en son temps : celle de la marchandise » (p. 140).
Ah, Karl Marx ! Une des cibles favorites de BHL… lui qui –comme il le confie dans son livre La Barbarie à visage humain (paru en 1977)– a « cru à la Révolution », et qui se « demande maintenant, sentant le sol qui se dérobe et l’avenir qui se décompose, si elle est non plus possible mais simplement désirable » (p.42). Bernard voit dans le marxisme une religion, l’« opium du peuple ». Henri, qui s’efforce de pousser plus loin la réflexion, démontre par une équation complexe que Marx, c’est le Goulag : Marx=marxisme=communisme=goulag ! (p. 43). Et à suivre Lévy, « le marxisme vient justifier en dernier recours le capitalisme, et lui donne du même coup une ultime légitimité » (p.44).
Après Marx, Rousseau. Dans Le Testament de Dieu (1979), BHL s’en prend en effet à l’auteur du Contrat Social, qu’il accuse d’être à la source d’une « scandaleuse régression » (p. 70) : le paganisme. Pour justifier son « idée », il utilise deux techniques, que l’on retrouve fréquemment dans la rhétorique bhl-ienne : « l’usage permanent d’oppositions massives » et « le télescopage de niveaux problématiques absolument étrangers les uns aux autres » (p. 74). Plus qu’aberrantes, les accusations qu’il porte peuvent dépasser l’entendement. Exemple : la France est par essence fasciste, antisémite et raciste. Plus, c’est elle qui est à l’origine des fascismes européens des années 1930. Richard Labévière et Bruno Jeanmart montrent en quoi, dans son livre L’idéologie française (1981), Bernard-Henri Lévy « poursuit implicitement et comme en miroir le même projet totalitaire qu’il prétend justement dénoncer », et en quoi « le projet d’un tel ouvrage (…) n’est ni plus ni moins qu’une forme de révisionnisme » (p. 81). Dans American Vertigo, le reporter BHL exprime, en filigrane, une idée courante chez les puissants mais qui étonnera ceux qui pensent encore, à ce stade de lecture, que Lévy est de gauche : « néoconservatisme et démocratie, même combat et même ennemi commun », le "fascislamisme", ou l’Islam, le bon philosophe ne prenant pas la peine de distinguer les concepts (p. 133).
La « véritable nature » de BHL ? « Incarner une idéologie au service d’une vulgate néo-libérale, pour quelques décideurs pressés d’en finir… avec la philosophie ! » (p.69)
Bernard-Henri Lévy a la vie dure. À l’instar d’un ancien ami dont il console l’ex-femme, sa côte de popularité est en train de baisser : le JDD (25/11) nous apprend que le dernier livre de BHL, Ce grand cadavre à la renverse (Grasset), « se vend un peu moins bien que les précédents ouvrages de l’écrivain ».
Mais il ne faut pas trop vexer l’animal médiatique. Aussi, le JDD poursuit : « Et pourtant, cet essai sur la faillite de la gauche avait tout pour plaire. Les analyses sont finement écrites, ponctuées d’anecdotes et de confidences ».