Quelques jours avant les élections américaines, Arte remet le doigt sur le grand ratage américain en Irak. Et son pinacle, le procès de Saddam Hussein.
Les Etats-Unis auront décidément tout raté en Irak, même le procès de Saddam Hussein. Ce fiasco monumental filmé par Esteban Ulyarra en 2007 était diffusé par Arte vendredi soir. Capturé en décembre 2003, l’ex-dictateur choisit une défense qu’on nommerait chez nous « de rupture ».
Se situant sur le terrain politique, rappelant sans cesse que l’Irak était sous occupation militaire l’accusé récusa le gouvernement et son administration de la Justice. Bien calé sur cette vérité indiscutable, Saddam, qui ne se faisait aucune illusion sur sa condamnation à mort, pouvait se passer d’arguments juridiques -établissement des faits, procédure etc. - et donc d’avocats.
Il en avait pourtant, et même une demi-douzaine. Mais ils préférèrent la plupart du temps boycotter les débats : ils ne servaient à rien. En pleine forme physique et morale, le verbe haut, l’ex-dictateur avait choisi la bonne tactique : en portant le fer sur le terrain patriotique, en dénonçant l’ingérence américaine, il obligeait le gouvernement irakien à intervenir de plus en plus ouvertement et grossièrement dans le déroulement du procès. Et les officiels irakiens tombèrent dans le piège. Le premier juge désigné n’était pas assez ferme pour clouer le bec de l’accusé ? Remplacé ! Les témoins appelés par la défense étaient suspectés d’avoir menti ? En taule immédiatement et avis aux amateurs à qui viendraient l’idée de déposer en faveur de Saddam Hussein…
Au fil des semaines, le procès prit l’eau de toute part et se réduisit à un échange d’insultes entre le président de la cour et l’accusé principal qui hurlait « vive l’Irak ! ». Le degré zéro de la justice…Officiellement Saddam était accusé de massacres commis dans des villages. Il fallait quand même un minimum de preuves, de traces, de cadavres exhumés : ce travail compliqué fut assuré par des techniciens… américains.
Pour donner un vernis légal à cette parodie de procès, Washington avait envoyé sur place deux « conseillers », très jeunes, l’un pour aider la défense, l’autre pour aider l’accusation. Parfaite symétrie…Mais ces deux gringalets ne faisaient pas le poids et apparurent vite pour ce qu’ils étaient : des alibis. C’est d’ailleurs la faiblesse principale de ce documentaire de s’être focalisé sur ces deux pieds tendres tout pétris de légalisme, qui croyaient pouvoir assurer la légitimité d’un procès dans un pays sous occupation militaire. Ces naïfs découvrirent tardivement qu’ils avaient été embringués dans une sinistre comédie au dénouement lamentable.
Car le meilleur est à la fin. Après la sentence de mort, le premier ministre de l’époque n’attendit même pas la fin de la procédure d’appel (automatique selon la loi irakienne) pour annoncer que l’accusé sera pendu. Enfin l’exécution du dictateur tint du règlement de comptes au coin d’un bois : insultes, bousculades furent filmées et diffusées dans le monde entier. Cerise sur le gâteau : le cadavre de Saddam fut amené en « zone verte » (le périmètre de sécurité de Bagdad), dans la résidence du premier ministre, où fut organisée une fête entre amis pour fêter la pendaison. Les Américains auront été incapables de « tenir » leurs alliés irakiens. Le clan installé au pouvoir a cédé à ses pulsions de vengeance. Dansons autour du cadavre ! Champagne pour tout le monde, caviar pour les autres !
Et malgré tout cela, Saddam n’est même pas considéré comme un martyr… ! Il a dû exagérer quelque part.