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Le parti de dieu, la part du Diable

Liban / vendredi 15 juin 2007 par Uriel Da Costa
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Le pays du Cèdre connaît un printemps si joyeux que la population s’attend à un fort bel été.

Bakchich l’a dit avant tout l’monde : l’ancien ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, Bandar bin Sultan, a fait la visite des principaux camps palestiniens en distribuant des fonds aux organisations salafistes seulement deux mois avant que n’éclate l’affaire de Nahr el-Bared, dans la région de Tripoli. Cette affaire de Nahr el-Bared constitue la figure paroxystique du danger d’irakisation qui menace toute la région.

La guerre : Un engrenage tout simple…

L’origine des affrontements entre l’armée libanaise et le groupe Fateh el-Islam retranché dans le camp de Nahr el-Bared est parfaitement connue. Le 19 mai 2007, suite au braquage d’une succursale de la Banque Méditerranée dans le village d’Amioun (au nord dans la région de Koura) par des activistes de Fatah el-Islam, les FSI (forces de sécurité intérieure) fidèles au gouvernement de Fouad Siniora, identifient et localisent les auteurs du délit, retranchés dans un appartement de Tripoli. Elles préviennent téléphoniquement les chefs du groupe islamiste qu’elles s’apprêtent à donner l’assaut de l’appartement. Durant la conversation, le commandement de Fatah el-Islam menace de s’en prendre directement au poste militaire situé à proximité du camp de Nahr el-Bared. Les FSI attaquent s’en avertir l’armée libanaise de leur opération et tuent Abou Yazan, le numéro deux du groupe islamiste. Comme annoncé, Fatah el-Islam riposte contre le poste de l’armée en tuant neuf soldats, le 20 mai dernier.

Les rouages de l’engrenage sont en place. La violence se propage au camp de Aïn el-Eloué, dans la banlieue de Saïda (au sud du pays), relayées par une organisation affiliée à la nébuleuse al-Qaïda, à savoir Jund el-Cham, recrutant principalement des combattants de retour ou en partance pour l’Irak. Un deuxième groupe de la même mouvance, mais qui n’a pas pris part au combat - Osbat al-Ansar – va jouer le rôle d’intermédiaire pour l’arrêt des hostilités entre l’armée libanaise et les qaïdistes de Jund el-Cham. Plusieurs dizaines de ses militants participent à la force d’interposition déployée aux abords du camp de Aïn el-Eloué et se retrouvent ainsi dans une fonction de médiation, gagnant par la même le statut d’interlocuteur obligé du gouvernement Siniora.

Pour parfaire l’opération, plusieurs attentats sont commis dans les quartiers chrétiens et sunnites et druzes de Beyrouth. Le premier a lieu aux abords du centre commercial ABC du quartier résidentiel chrétien d’Achrafieh ; le deuxième à Aley, petite ville à majorité druze ; le troisième a lieu à Verdun, un quartier de Beyrouth à majorité sunnite. Une quatrième explosion retentit dans le quartier résidentiel chrétien de Zalka, dans la banlieue Est de Beyrouth. Enfin, un cinquième attentat se produit à Zouk, bourgade chrétienne à l’Est de la ville chrétienne de Jounieh.

Installer un joyeux climat de psychose

Chaque fois, le scénario est le même. Des charges explosives de faible intensité sont mises à feu dans des lieux à faible densité de population et à une heure avancée de la soirée, lorsque les gens sont rentrés chez eux. A l’évidence, les commanditaires de ces opérations ne cherchent pas à faire le maximum de victimes, mais semblent, au contraire, vouloir alimenter une ambiance de psychose. Au Liban, il est devenu courant et redondant d’accuser la Syrie et ses alliés à la suite de chaque explosion de ce type. L’objectif poursuivi, selon les accusateurs récurrents, étant de faire pression sur le gouvernement Siniora pour que ce dernier renonce à l’installation d’un tribunal international chargé de juger les assassins présumés de Rafic Hariri. Pourtant, la résolution 1757 des Nations unies qui fonde ce tribunal a été adoptée, par conséquent la question se pose de savoir à qui profite, désormais, la poursuite de ces attentats ?

Cette stratégie d’une tension de faible intensité montre son efficacité. Au-delà de la Syrie et de ses services, ce sont clairement les différentes composantes de l’opposition parlementaire libanaise qui se retrouvent mises en accusation. A l’heure où nous achevons cet article, la confrontation militaire se poursuit et augmente d’intensité autour du camp de Nahr el-Bared.

L’armée libanaise qui, jusqu’à présent est restée en dehors des affrontements politiques, se retrouve en première ligne. Son capital d’impartialité qui pourrait lui faire jouer un rôle de premier plan en cas de non dépassement de la crise politique est mis à mal. Celle-ci perdure depuis novembre 2006, lorsque les ministre chi’ites ont quitté le gouvernement. Face à l’escalade militaire, neuf Hercules C-130 américains, gorgés d’armes atterrissent sur l’aéroport de Beyrouth et la « communauté internationale » peut appeler au consensus politique autour du gouvernement Siniora en lutte ouverte contre al-Qaïda et le terrorisme planétaire. Désormais, les activistes de Fateh el-Islam menacent de porter la violence dans l’ensemble du pays du cèdre. Le danger, estime les services de renseignement et de sécurité, est de voir ces activistes entrer en clandestinité et alimenter une nouvelle vague d’attentats terroristes.

Vous avez aimez l’irakisation… vous adorerez l’algérianisation !

Au-delà du choc des formules, il faut revenir au réel. Comme toujours, les chemins sont multiples. On peut, en autres, relire avec la plus grande attention « Rationaliser le diable », de Tarek el-Hamid, l’un des éditorialistes du quotidien saoudien Asharq al-Awsat dont chacun sait qu’il reflète assez fidèlement les options de la monarchie pétrolière. L’article dresse un parallèle édifiant entre l’évolution du Hezbollah et celle d’Al-Qaïda. Tarek el-Hamid explique que le parti chi’ite a commencé sa carrière comme une organisation terroriste avant d’entrer en confrontation avec Israël, mutation qui l’a obligé à nouer des alliances logistiques et politiques. Assumant cette mue organique, le Hezbollah, toujours selon l’éditorialiste du quotidien saoudien, s’est ainsi transformé en une organisation essentiellement politique. Et la conclusion coule de source : il faut faire de même avec Al-Qaïda en orientant ses jihadistes contre Tel-Aviv afin que la nébuleuse terroriste se transforme, peu ou prou, en organisation, sinon en partenaire politique. D’une pierre deux coups : la monarchie des Saoud se débarrasse d’Al-Qaïda qui supplante militairement et politiquement le Hezbollah chi’ite.

La Syrie n’y est pas

L’attentat de Manara qui a fait dix victimes, dont le député du Courant du Futur (animé Saad Hariri, le fils de l’ex-Premier ministre libanais assassiné le 14 février 2005) Walid Eido et son fils aîné vient ajouter de la confusion à la scène libanaise déjà passablement troublée. Encore une fois, tous les alliés du gouvernement – mal nommé « pro-occidental » - de Fouad Siniora pointent un doigt accusateur en direction de la seule Syrie. Et le chef du Courant du Futur lui-même a, aussitôt, appelé la Ligue arabe à « assumer ses responsabilités face au régime criminel qui viole la souveraineté du Liban… » Outre le fait que l’entrée en vigueur du tribunal international pour le Liban n’a pas modifié en quoi que ce soit la violence qui y perdure, beaucoup d’observateurs des réalités sécuritaires s’accordent à reconnaître que ce dernier attentat a, surtout, pour objectif de fragiliser la mission préparatoire de l’émissaire français Jean-Claude Cousseran en vue de la conférence de Paris des 29 et 30 juin prochain. Or, la Syrie n’a aucun intérêt à ce que cette conférence ne se tienne pas. Par conséquent, il faudrait, pour une fois, pointer les doigts accusateurs dans d’autres directions que celle de Damas…

Deux obstacles se dressent face au déroulement de ce scénario saoudien très en phase avec les options d’une partie de l’administration Bush et les plans de gestion de crises du cabinet militaire israélien : le Hezbollah lui-même et la FINUL. De l’avis de plusieurs observateurs militaires en poste dans la région, la force onusienne est, plus que jamais, menacée par un coup de main des activistes sunnites, même si les différents dispositifs sécuritaires du Hezbollah au Liban Sud continuent à fonctionner comme autant de tampons dissuasifs vis-à-vis d’un tel scénario. Mais la marge de manœuvre de l’organisation chi’ite se tend, restant largement tributaire des retombées de la conférence sur le Liban de la Celle-Saint-Cloud des 29 et 30 juin prochains et des perspectives annoncées de la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Ajouté aux effets de l’imposition, sous Chapitre VII, d’un tribunal pénal international chargé de juger les assassins présumés de Rafic Hariri, cette évolution est génératrice d’une dangerosité d’intensité variable. Soit Fateh el-Islam demeure une menace tactique. Ses intrumentalisations à entrées multiples continueront à brouiller la scène libanaise mais laisseront subsister des temps de respirations et des trous politiques durant et dans lesquels il sera encore possible de faire bouger les rapports de force. Soit, le groupe islamiste devient une menace stratégique en « rationalisant le diable », auquel cas il finira par vitrifier toute espèce de marge de manœuvre politique, faisant imploser de l’intérieur les perspectives de refondation nationales du général Aoun et de ses partenaires du Hezbollah.

Dans les deux cas de figure, « reste qu’un conflit interne peut être exacerbé par des acteurs extérieurs comme c’est le cas en Irak où l’occupation américaine et la stratégie communautariste dite « d’instabilité constructive », théorisée par les néo-conservateurs de Washington, a exacerbé les tensions inter-confessionnelles pour faire valoir leurs intérêts géopolitiques », explique le politologue libanais Walid Charara ; « cette stratégie a mené l’Irak à la situation qu’il vit aujourd’hui. Ce que l’on craint au Liban est que les Etats-Unis ne choisissent ce même type de stratégie afin d’affaiblir la résistance libanaise après l’échec de l’offensive israélienne de l’été 2006 » [1].

Après les délices de la « guerre globale contre la terreur », ceux du « Grand Moyen Orient » et de l’ « instabilité constructive », il se pourrait que les Libanais s’initient à ceux de la rationalisation du diable…

[1] L’humanité du 1er juin

Voir en ligne : in Bakchich # 39

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2 MESSAGES

Forum

  • Le parti de dieu, la part du Diable
    le vendredi 15 juin 2007 à 13:23, Régis Audemard a dit :
    Votre théorie du complot libanais, un complot américain concocté de A à Z par les néo-conservateurs américains, ne fonctionne pas… Comment expliquez-vous que la direction de Fatah al-Islam, outre son chef Chaker al-Abssi, un palestinien familier des services secrets syriens ( notamment Asef Shawkat, chef du renseignement militaire et beau-frère du président Bashar al Assad) et de leur officine palestinienne Fatah-Intifada, comprenait des syriens, entre autres Abou Mediene, un officier de renseignement syrien, et Abou Yazan dont vous parlez sans mentionner sa nationalité ? Comment expliquez-vous également le rôle joué par Fathi Yakan, ex-guide spirituel de la Jammaa Islamiyya ( frères musulmans libanais ) et ex-député sunnite, un proche du Hezbollah qui sert d’intermédiaire entre le régime syrien et la mouvance jihadiste sunnite libano-palestinienne ? Si je suis votre raisonnement, seul l’ordre syro-iranien pourrait épargner au Liban son "irakisation". Si c’était le cas, ça se saurait : la Syrie a fait son entrée militaire au Liban le 31 mai 1976 et elle y restée, officiellement, jusqu’au 26 avril 2005 : 29 ans de présence syrienne avec les résultats que l’on sait… Quant au Hezbollah, implanté au début des années 80 par les Gardiens de la Révolution iraniens et autres tenants du velayat-e-faki khomeiniste, il se serait transformé en une organisation "essentiellement politique"… alors qu’il ne cesse de renforcer son dispositif militaire au nord de la rivière Litani et que sa puissance armée est un facteur puissant de polarisation communautaire anti-chiite au sein de la communauté sunnite libanaise. Conclusion, la théorie du complot à sens unique, c’est un peu court pour décrypter l’impasse libanaise !
    • Le parti de dieu, la part du Diable
      le vendredi 15 juin 2007 à 13:41, La redac a dit :
      Tout à fait d’accord avec vous la théorie du complot, à sens unique ou pas, ne fonctionne pas. Et nous n’écrivons pas ça. Nous signalons juste par cet article qu’il est un peu trop simple de dire que la Syrie, bien loin d’être un modèle, est l’unique élément déstabilisateur du Liban.
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