Excellent communiquant, le patron d’Eurotunnel a endormi tout le monde après l’incendie d’une navette le 11 septembre. De la poudre aux yeux qui pose problème, alors que le tunnel est partiellement réouvert ce week-end.
Après l’humiliation de nos clubs de foot par ceux de la perfide Albion, le gros incendie qui a ravagé le tunnel sous la Manche n’est pas prêt d’apaiser les passions franco-britanniques. « Les pompiers du Pas de Calais l’ont très mauvaise, constate un observateur. Ils sont remontés à bloc contre leurs collègues anglais. Lorsque le feu a pris le 11 septembre dernier, les Anglais les ont bien rejoints en empruntant la galerie de sécurité. Mais ils se sont bien gardés de monter au feu en première ligne. Ce sont les pompiers du Pas-de-Calais qui s’y sont collés, les autres sont intervenus après ». Les hommes du feu Britanniques seraient-ils des dégonflés ? « La polémique n’est pas encore remontée ». Mais on comprend qu’il suffirait d’une petite étincelle…
Sous la Manche en tous cas, là où une navette poids lourd a brûlé, « les dégâts causée par l’incendie sont impressionnants, considérables. Au plus fort, wagons, camions et rail ont fondu », raconte un des rares chanceux qui a pu faire un petit tour dans le four encore chaud. « Quant au béton des voussoirs ( les parois préfabriquées), poursuit-il, par endroit, il a bien explosé sous une chaleur de plus de 1000 ° et on voit largement apparaître les armatures en ferraille ». Ce qui fait dire à un sapeur-pompier de Calais, cité dans Nord Littoral, que la situation est « pire qu’en 1996 », année d’un précédent qui avait littéralement défrayé la chronique dans la presse. La reconstruction pourrait prendre sans doute six mois, avec un tunnel fonctionnant à régime réduit.
Mais le PDG d’Eurotunnel « s’en tire très bien ». As de la communication, Jacques Gounon a réussi à éteindre tout incendie médiatique, obtenant des pouvoirs publics une réouverture partielle du tunnel. De quoi rassurer les banques et les fonds qui ont remplacé les petits actionnaires. Catastrophique en 1996, la destruction d’une section du tunnel par l’incendie d’une navette Eurotunnel passe aujourd’hui presque pour un banal accident d’exploitation.
C’est pourtant le talon d’Achille du tunnel : les wagons porte camion, joliment baptisés « wagons grille pain » étant ajourés pour limiter le poids, tout départ de feu se trouve facilement attisé par la vitesse de la rame. Ensuite, « lorsqu’un feu prend dans un tube étroit avec des parois en béton qui font office de brique réfractaire, il n’y plus grand chose à faire », souligne fataliste un expert. Ce que se sont peut-être dit les pompiers anglais finalement plein de sagesse et d’expérience…
En tous cas, en l’absence de victimes, Gounon a fait diversion. Juste après l’incendie, il s’est permis d’engueuler les chauffeurs routiers rescapés. Dans le wagon spécial dans lequel ils voyagent, ces derniers ont vu leurs dernières heure arrivée lorsque le train a été contraint de s’arrêter et que la fumée a commencer à s’immiscer. Logiquement, ils ont cherché à sortir pour rejoindre la galerie de sécurité. Mais la porte du wagon étant fermée – Eurotunnel explique qu’il procédait au désenfumage du tunnel avant de les laisser sortir - , ils ont brisé une vitre pour se sauver. « S’ils avaient respecté les procédures, ils ne se seraient pas intoxiqués » a doctement expliqué Gounon. Ce que la boîte n’a pas crié sur les toits, c’est que son chef de train à bord était totalement paniqué et incapable de canaliser les transporteurs.
Tout le monde est maintenant impatient de connaître les premières conclusions de l’enquête judiciaire. A priori, en l’absence d’impact d’une charge sur les parois, les enquêteurs ont pour de bon écarté la thèse de l’attentat et « planchent sur l’hypothèse d’un court circuit sur un camion », indique une source, « mais vu ce qu’il reste du camion ce sera difficile à déterminer ». Eurotunnel pavoise presque car la perte de revenus liés à la baisse de trafic ainsi que les coût des travaux seront largement couverts, jusqu’à hauteur de 900 millions d’euros, par ses assurances. Lesquelles avaient payé toutes les conséquences de l’incendie de 1996. Reste à savoir si les assureurs ne vont pas chercher des chicaneries, pour savoir si par exemple le feu était déjà allumé lorsque le train a pénétré dans le tunnel.
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