Un juge d’instruction de Nanterre a renvoyé en correctionnelle 5 personnes, dont Thierry Gaubert, un ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy. Il est soupçonné de malversations autour de la collecte du "1% logement" dans les années 80-90.
Thierry Gaubert, ancien président d’un collecteur du "1% logement", Habitation française, a été renvoyé en correctionnelle par le juge d’instruction de Nanterre Richard Pallain.
Dans son ordonnance de renvoi rendue le 4 novembre, il lui est reproché "abus de confiance", "prise illégale d’intérêt", "escroquerie", "recel d’abus de bien sociaux" et "faux" dans une affaire de malversations présumées autour du "1% Logement" dans les Hauts-de-Seine.
En dehors de Thierry Gaubert, qui fut chef adjoint de cabinet de Nicolas Sarkozy lorsque celui-ci était ministre du Budget sous Balladur (1993-1995), quatre personnes comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Nanterre.
Dont l’ancien directeur général d’Habitation française et le commissaire aux comptes d’une association satellite, Habitation pour tous, Didier Lamy. Didier Lamy est renvoyé pour "faux" : il lui est reproché d’avoir certifié les comptes de cette association comme -à tort- ceux d’un organisme collecteur du "1% logement".
A la fois expert-comptable/commissaire aux comptes que grand spécialiste des pratiques du 1% logement – les fonds affectés par une majeure partie des entreprises, via des organismes collecteurs, au logement social –, Didier Lamy était un pivot du secteur. Cette manne qui tombe chaque année, soit plus de 3,5 milliards d’euros, il en connaît par coeur les dessous puisqu’il a même publié il y a quelques années un livre sur le sujet. En tant que créateur, en 2001, avec son épouse d’un site dénommé Aidologement.com, l’intéressé s’est retrouvé au centre de plusieurs rapports de la Cour des comptes, qui tentaient de décortiquer l’usine à gaz.
Grâce à son site, le premier à délivrer en ligne les aides au 1% logement, que ce soit une avance gratuite du dépôt de garantie pour une location, des prêts pour réaliser des travaux ou des avances en cas de difficultés à rembourser un emprunt, les locataires devaient plus facilement trouver le coup de pouce financier attendu qu’en se noyant dans le maquis administratif.
« Malgré l’ancienneté du 1% logement, créé en 1953, ces aides restent méconnues du grand public, et donc un peu inaccessibles », racontait Lamy en mars 2001 au magazine Transfert. Un logiciel spécialement créé, baptisé du nom évocateur de Jéricho, devait permettre au public de remplir les formulaires en ligne. En échange de quoi, comme plusieurs « relevés d’observations provisoires » de la Cour des comptes datés de juillet 2008 le précisent, Lamy touchait de belles rémunérations dans des conditions parfois floues. D’autant plus que les locataires ne se sont pas toujours pressés au portillon pour utiliser son site… Les magistrats administratifs, qui ont lancé une série d’enquêtes – non achevées à ce jour – sur des organismes chargés de collecter auprès des entreprises l’argent du 1%, feront probablement la lumière.
Christine Boutin, alors ministre du Logement, avait déclaré la guerre au « 1% » logement. Alors qu’il n’y a souvent pas assez de logements sociaux dans la plupart des communes, elle avait décidé que désormais serait prélevé chaque année un bon quart de l’argent versé par les entreprises par le 1%. Soit quelque 850 millions d’euros, qu’elle souhaite affecter à l’Anru (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine), c’est-à-dire la rénovation des quartiers.
Mais le secteur du 1%, qui tenait à garder sa cagnotte intacte, a résisté et s’est lancé dans un lobbying intense auprès du gouvernement et des parlementaires.
Ces structures de collecte, les comités interprofessionnels du logement (CIL), auraient-elles versé trop d’argent pour pouvoir utiliser ce fameux site ? C’est ce que se demandait la Cour des comptes. Normal : Didier Lamy était le seul à proposer ce type de service et bénéficiait d’un quasi-monopole.
Exemples : concernant les collecteurs Cilgere ressources et Cilgere Entreprises, quelque 2,2 millions d’euros auraient été dépensés pour bénéficier du service d’Aidologement, comme acheter le fameux logiciel. Le collecteur Solendi aurait, lui, versé 620 000 euros ainsi que 2,4 millions destinés à un GIE « dont les dépenses sont presque exclusivement destinées à rémunérer les prestations », selon la Cour, d’Aidologement et de la société de Lamy.
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