Avec « La bataille du Grand Nord a commencé… », sorti aux éditions Perrin, Richard Labévière et François Thual se sont penchés sur la terre lointaine du Pôle nord, objet de toutes les convoitises.
« Le plus intéressant dans les cartes, ce sont les espaces vides, car c’est là que cela va bouger ». Exergue au début du dernier livre de Richard Labévière et de François Thual, La bataille du Grand nord a commencé…, cette citation de Joseph Conrad donne le ton. Deuxième plus grande île du monde après l’Australie, le Groenland (et l’Arctique en général) attise toutes les convoitises. Elle exacerbe de surcroît les velléités de souveraineté des puissances limitrophes. « A Washington, Moscou, Ottawa, Oslo et Copenhague, l’Arctique est, désormais, une préoccupation stratégique majeure », notent dans leur introduction les auteurs.
La fonte des glaces due au réchauffement climatique, la présence d’hydrocarbures et la volonté de puissance des nations sont à la base de revendications territoriales de la part des cinq États frontaliers de l’Océan Arctique (Russie, Norvège, Danemark, États- Unis, Canada) et de trois autres États arctiques (Islande, Suède, Finlande). Tous se positionnent dans cette « course aux clochers » glacés. La conquête du pôle Nord géographique vit une nouvelle ère. Peut-être pas pacifique. « En un siècle, l’indolente tutelle des pays souverains est devenue une ombrageuse possessivité en attendant peut-être de virer à la violente jalousie », souligne les auteurs. Ils déclarent : « Cette montée en puissance en fait le dernier grand laboratoire de la mondialisation. Celui-ci concentre tous les défis environnementaux, énergétiques et stratégiques de la planète ».
En ce début de XXIème siècle, R. Labévière et F. Thual considèrent que le réchauffement climatique pourrait entraîner l’ouverture des routes maritimes du Nord-Ouest et du Nord-Est pouvant relier l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, en vingt et un jours et non trente et un. La mondialisation englobe entièrement les questions maritimes. Mais prudents sur leur thèse, ils préviennent qu’ « aux prévisions, pour l’heure fantasmatiques, des nouveaux passages s’ajoute le grand mythe d’un Arctique caverne d’Ali Baba de la mondialisation regorgeant de pétrôle, de minerais stratégiques, d’or et de diamants. Ce mythe et ses promesses, plus ou moins fondées, nourrissent autant de récits et légendes d’un nouvel eldorado du XXIème siècle. »
Le grand intérêt de ce livre concerne l’analyse du « retour » sur la scène internationale de la Russie, avec le discours de Vladimir Poutine du 10 février 2007 à la Wehrkunde annuelle de Munich (table ronde de la défense). Il remet en perspective le rôle prépondérant de la Russie dans l’échiquier international et polaire. L’hyper-puissance américaine joue également ses cartes. Le traité d’Igaliku, signé en 2004 entre le Groenland, le Danemark et les Etats-Unis et qui prévoit le maintien et la modernisation de la base-radar américaine de Thulé, marque d’une main non dénuée d’intérêts stratégique la présence pérenne des Etats-Unis dans la région. Le développement du programme anti-missile américain signe le retour de Thulé comme « épicentre des systèmes de protection de l’Amérique du nord et de l’Europe ».
Attention, l’Union Européenne n’a pas dit son dernier mot. Bien que le Groenland a quitté la Communauté européenne en 1985, il est devenu un PTOM (Pays et Territoires d’Outre-Mer) de l’Union Européenne, l’article 182 du Traité instituant la Communauté européenne en fait foi. En outre, la présidence de la France à l’UE confirme les liens privilégiés entre premièrement le Danemark et le Groenland et deuxièmement l’Europe politique et cette terre du nord. En pleine guerre pour l’Arctique, l’Europe économique divisée ne fait pas le poids.
Pour finir, le « raisonnement de l’ours polaire » met en garde : « la pari polaire, s’inscrivant dans la double perspective d’un développement durable et d’une gouvernance équitable, ne peut être tenté que dans le contexte d’une réforme générale des institutions internationales, sauf à sombrer dans le pur rapport de force, voire dans l’impérialisme déguisé ».
NB : En bonus, cartes et croquis originaux du pôle ont été réalisés par Hugues Dumont. Un brief géographique indispensable !
Chers commentateurs et approximatifs géographes,
Je vous laisse ouvrir un Petit Robert 2 (Noms Propres) ou plus simplement lire sur wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Arctique) la définition de la zone polaire Arctique, de l’océan Arctique, du pôle Nord et du Groenland (l’île) pour de plus amples précisions. Il arrive que certains journalistes fassent des erreurs, qu’ils prennent position pour et/ou contre tel ou tel son de cloche. Mais sur cet article, une chronique bouquin, je ne crois pas avoir perdu le nord. Comme le disait le regretté Pierre Desproges dans un de ses réquisitoires, "faut pas me baiser sur la géo."
Bien à vous