Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau des auteurs à « Bakchich », et de « Bakchich » à ses lecteurs. Épisode chaque jour à partir d’aujourd’hui.
Lavis Noir, c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour un feuilleton. Et c’est aussi une galerie de personnages - Miche la Gratouille, Toussaint l’Haïtien, Fabio le Calabrais…- qui vous feront vibrer tout au long de l’été.
Mais Lavis Noir n’est pas seulement un roman noir à tiroirs multiples. Lavis Noir est aussi une aventure fragile et moderne, née de la rencontre Internet de deux « blogueurs ». À l’heure où ces lignes sont écrites, l’auteur et l’illustrateur ne se sont pas encore rencontré physiquement et ne connaissent même pas le son de la voix de l’autre. C’est dire si c’est moderne, limite 2.0 !
Briscard : on sait peu de choses de lui, sinon qu’il a été bistro, situation privilégiée pour observer le monde et ses turpitudes. Cependant d’aucuns supputent que derrière cet avatar et ce pseudonyme grotesque, se cache une personnalité en vue, quelqu’un de bien connu dans certains milieux où on le connait. Certains ont même été jusqu’à dire : « Briscard, c’est une plume… », faisant probablement allusion à la légèreté avec laquelle il consomme la vie. Lorsqu’on l’interroge sur le sujet, Briscard ne manque jamais de répondre : « Faut voir… J’te remets un Picon bière ?… ». Le mystère reste donc entier.
SPT : graphiste, peintre, illustrateur et musicien, S.P. Truptin est l’âme et le portefaix du tyrannique Loïc Lekervelec, peintre virtuel à la production pléthorique mais réelle. Né près de Lamballe, il habite aujourd’hui à Dinan, ou il anime une revue de qualité « Le chic hebdo Dinan ». Dans une récente interview à Ouest France, il déclarait : « Depuis cinq ans, je travaille dans une usine près de Dinan. Je commence à 6 h le matin. J’aime bien ce statut d’artiste prolétarien. Avec un salaire fixe et l’après-midi pour me consacrer à mes créations ». Ça force le respect.
Moi j’dis, dans la vie, y a les hasards et y a les pas d’bol… Celui qui connaît pas la vie, il croit que les pas d’bol c’est comme les hasards. Moi, j’dis, attention, gaffe au misunderstood : les hasards, tu les prends sur le coin d’la gueule, heureux ou pas, c’est selon, mais c’est quand même bien du ressort de l’inattendu ou du fortuit. Tandis qu’le pas d’bol, c’est le plus souvent le truc que tu t’es fourré dedans par inadvertance, genre j’fais pas gaffe, ou par fatalité, parce que c’est ton destin d’avoir la mouise qui t’colle à la vie, comme la merde au cul du chiassieux…
Josy, c’était plutôt, dans la deuxième division qu’elle jouait. La chance, la bonne chance, faut croire qu’elle lui avait été interdite dès la naissance… Son daron s’était inscrit aux abonnés absents dès qu’sa mère s’était retrouvée en cloque… du coup, pour gagner sa croûte, cette dernière faisait serveuse de jour dans un rade de la rue Clignancourt, et piqueuse de fleurs plastoques pour couronnes mortuaires la nuit. Alors, faut bien reconnaître que Josy, elle partait pas vraiment favorite dans la course aux trésors d’la belle vie dorée sur tranche ! C’est pour ça que quand y en a qui racontent que c’est par hasard qu’elle a rencontré c’te grosse enflure de Lekervelec, moi j’dis que non, que le hasard n’a rien à voir, et qu’c’est bien la faute aux pas d’bol qu’elle avait toujours connus depuis toute petite… Lekervelec, c’était son fatum, à Josy, un peu comme pour moi faire bistro : le père bistro, le grand père bistro… Tu croyais quand même pas que j’allais tourner notaire, quand même…
Ben, Josy, pareil, mais en pire ; et qu’est-ce tu veux, quand tu nais la morve au nez, y a pas à tergiverser : t’es condamné à t’moucher toute ta vie !
Moi, Josy, quand j’l’ai connue, elle habitait toujours le p’tit deux pièces pourave, chiottes sur l’palier et loyer d’48, que sa mère lui avait laissé… rue du Roi d’Alger, c’était, du mauvais côté de l’Ornano… Moi j’aurais plutôt dit rue du Clodo d’Alger, vu qu’sa rue, à l’époque, c’était plutôt Taudiland que Suncity ! Mais bon, c’était pas cher, et comme ça elle pouvait s’mettre des p’tits sous d’côté, histoire de s’doter pour le mariage princier qu’elle se concoctait, dans sa p’tite tête de linotte chimérique.
Josy, encore toute gamine, elle bossait déjà un peu pour moi, dans mon premier troquet , un p’tit rade à la papa, rue des Haies, dans l’20ème, là ou Manda jouait du coutelas dans les années 10, où l’OAS faisait sauter les bistros reubeus dans les années 60 et où j’avais pris la succession d’la Mère Germain en 79…
De Simplon à Avron, ça lui f’sait tous les jours une petite demi-heure de trome one way, et ça lui permettait d’améliorer l’ordinaire de son mi-temps chez moi, par un autre mi-temps au Nord-Sud, une grosse brasserie à Jules Joffrin, au pied d’la Butte.
C’est au Nord-Sud, que Josy croisa Lekervelec pour la première fois. Loïc Lekervelec, peintre de Montmartre, qu’il se présentait… Fils spirituel de Picasso et d’Modigliani, qu’il se réclamait, rien qu’ça, quand les deux barbouilleux hantaient encore l’bateau lavoir et la rue des Abesses… Loïc, il revendiquait les premières époques et l’authentique… Les demoiselles d’Avignon ou rien ! De l’absinthe ou macache ! Mais en fait d’absinthe, il tututait du perniflard, et ses demoiselles d’Avignon, c’était les dames du bois d’Boulogne : Loïc Lekervelec dessinait des cartes postales cochonnes pour les touristes largués sur la Place du Tertre ! En bon breton, Loic c’était de l’art et du cochon…
(À suivre)
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