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Lavis Noir : les épisodes 45 et 46 de notre feuilleton de l’été

Roman / vendredi 8 août 2008 par Briscard, SP. Truptin
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« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour un feuilleton. Et c’est aussi une galerie de personnages - Miche la Gratouille, Toussaint l’Haïtien, Fabio le Calabrais…- qui vous feront vibrer tout au long de l’été. Aujourd’hui, les épisodes 45 et 46 .

45. Farce

Episode 45, Farce - JPG - 20.7 ko
Episode 45, Farce
© SP Truptin

Fabio avait invité Loïc à s’asseoir dans un fauteuil à peine moins profond que le gouffre de Padirac, et lui-même s’affala sur le canapé de trois mètres de long qui faisait son intéressant au milieu du salon. Il proposa à Loïc un rafraîchissement à base de vodka ou de gin, mais ce dernier préféra s’abstenir, en attendant de savoir à quelle sauce Fabio comptait l’accommoder. Car ce putain de rital avait un art consommé de tourner autour du pot, de causer sans dire et de parler sans raconter… Ce qui fait qu’après un quart d’heure, Loïc savait à peu près tout ce qu’il faut savoir pour confectionner un Caruso, du choix du vermouth en passant par le délicat dosage du gin - « si tou en mets trop, tou toue lé goût, et pas assez, ma, c’est pas assez ! « -, mais rien sur les raisons de cette invitation surprise, dont au sujet de laquelle il appréhendait le motif, mains moites et futal mouillé. Enfin, au bout d’un long moment de silence pendant lequel Fabio contempla son verre de gin sec et Loïc le verre de gin sec à Fabio , ce dernier commença à s’expliquer :

- Ma, Lékervelec, zé sais qué toi et moi, on a pas touzours été amis… Mais tout ça, c’est des histoires qué lé bizness il s’en fout, lé bizness… Per que si zé veux qué zé travaille avec toi, zé peux m’entendre avec toi, OK ?

- Ben… oui… c’est sûr… Mais, pourquoi ? T’as du travail pour moi ?… Loïc était interloqué ; il était persuadé que le calabrais allait lui causer de sa visite aux flics, et du pourquoi du comment ils avaient su pour le lavis confié par Miche ; ou alors, pire, si Lulu lui avait balancé l’origine de l’autre Van Dongen, il voulait en savoir plus sur la provenance de ce miraculeux doublon. D’une certaine manières, Fabio lui causa bien lavis… Mais pas du tout comme Lekervelec le redoutait :

- Oui, zé oune travail per te, mais oune travail un peu particolare…

- Particolare ? italianisa Loïc

- Si, molto particolare… Ecce : zé souis en possession dé deux pièces d’art qué zé n’arrive pas à autenticare. Ma, c’est dé la peintoure, qué zé né souis pas touzours aussi campionissimo qué pour les objets d’arte et la scultura. Et zé bésoin d’oune avis dé l’homme dé l’arte, zoustement… Voilà dé qué il s’agit… Fabio saisit alors une enveloppe kraft sur la table devant lui, et en fit délicatement glisser les deux superbes faux lavis réalisés par Loïc Lekervelec himself. Sa colonne vertébrale se transforma instantanément en colonne réfrigérante, et ses boyaux se contractèrent en une boule pas plus grosse qu’une crotte de nez roulée. Loïc chiait dans son bène. Le rital poursuivit :

- Tou vois cé deux dessins ? Cé des lavis… pét-être dé Van Dongen et pét-être pas… Zé bien régardé lé papier : c’est bien dou papier antico, ma lé lavis, cé dé l’eau et l’eau cé pas dou pigment : tou peux pas lé dater. Alorra, qué zé mé souis dit qu’oune homme de l’arte, il pourrait mé dire léquel il est oune faux… Per que l’oune des deux cé oune faux, inevitabilmente. Et si toi tou mé dit quel est lé vrai, zé té paye bien, et moi célui qui m’a réfilé lé faux, zé lé toue ! Loïc n’en revenait pas : ni Lulu Hortec, ni Miche la Gratouille n’avaient mentionné son nom… Et s’ils avaient convoqué Fabio, les flics non plus, n’avaient pas évoqué les points de jonction qui auraient pu se transformer en points de friction fissa. Et voilà qu’il se retrouvait à devoir expertiser ses propres pipeauteries… Loïc se surprit à sourire : vraiment, la vie était farce.

46. Un problème

Episode 46, Un problème - JPG - 28.9 ko
Episode 46, Un problème
© SP Truptin

L’inspecteur principal Garrin avait un problème. Un sérieux problème. Avec Vladimir Sobanski, dit Vlad, dit le Punk, dit Crestman. Cet animal s’était mis dans la tête de ne pas avouer son crime. Il avait juste admis être passé chez la chanteuse pour lui livrer une commande de son super premium. Mais pour le coup de navaja, que dalle, que tchi, nada : Elo était déjà clamsée - selon lui -, baignant dans son sang, avec le coupe-coupe par terre. Et du coup il avait eu comme des vapes et s’était barré en courant, sans demander son reste, ni prévenir la maréchaussée. Bien sûr, vu ses antécédents à Lariboisière et son penchant pour la santé par les plantes, les flics ne le prirent pas un seul instant au sérieux, et ils s’arrangèrent pour l’arranger, façon tartare, sans échalotes, mais avec supplément câpres et ketchup. C’est donc à un Vlad à la gueule ravagée, que Garrin, posa, pour la centième fois la question rituelle :

- Bon, alors reprenons : comment as-tu procédé ? Tu l’as assommée d’abord ou elle s’est allumée la tronche en tombant et après tu l’as saignée ?…

- Fuck la police, répondit le punk, d’une voix éteinte.

- Fais pas chier, Vladimir, fais pas chier… Parce que tu comprends, vu la fracture du crâne que le légiste a pronostiquée, tu vois, tu aurais saigné une morte, ce qui fait que ton truc, ça pourrait presque être un accident. Sauf si tu l’as cognée…

- Pisse ta gueule, rétorqua le crestman.

- Vladimir, t’es pas sympa, moi je te le dis tout net. Et du coup, j’vais être obligé d’en référer à Monsieur le juge, qui va encore te prolonger la garde à vue… Et tu sais ce que ça veut dire, la garde à vue avec Casse-Trogne… Voilà un homme, père de famille irréprochable, un saint… jamais un mot plus que l’autre… mais, dès qu’on le contrarie, ça l’énerve et c’est tout de suite le débordement… ça l’irrite, et du coup il peut plus s’retenir de la mandale… Et toi tu le contraries.

- Va mourir, concéda enfin Vlad, du bout de ses lèvres tuméfiées. Garrin n’avait même plus le courage de le cogner… Faut dire qu’il n’y avait plus beaucoup d’espace de chair intacte à frapper sur le doux visage de Vlad, tant Casse-Trogne s’était acharné sur le malheureux. Et puis, aussi, une chose le taraudait, Garrin : si on avait bien retrouvé les empreintes de Lekervelec un peu partout dans la baraque, celles de Vlad n’étaient présentes nulle part, même pas sur la porte, qu’il disait d’ailleurs avoir poussé du pied, et même pas non plus sur le cadavre d’Elo… Et, il était quand même un peu dur d’imaginer qu’il ait pu tranquillement trucider la chanteuse, sans même la toucher ni laisser une petite trace par ci par là… Quant à effacer soigneusement ses empreintes, sans être complètement impossible, ça n’était pas trop dans la psychologie frustre et déglingue du punk, telle que se la représentait Garrin. Alors, quoi ?… Etait-il possible que ce ne fût pas Vlad, l’assassin haschichin d’Héloïse Grandchemin ? Mais alors qui ? Lekervelec ? Miche ?Néra le Calabrais ? Hortec le Manouche ? Il y avait décidément trop de gens pas nets qui gravitaient autour de la chanteuse… Et du coup, l’inspecteur principal avait un problème. (à suivre)

Pour lire ou relire les derniers épisodes du roman :

« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour (…)
Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)
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