Au parquet de Paris, lorsqu’on ouvre une enquête suite à des écoutes téléphoniques compromettantes, autant nommer un expert… pour analyser les dites écoutes. Et hop, neuf mois de gagnés pour le président du Sénat, Christian Poncelet !
Christian Poncelet, sénateur UMP des Vosges, est un président du Sénat fort chanceux. Visé plus ou moins directement par deux procédures judiciaires embarrassantes, susceptibles de l’empêcher de se représenter en septembre prochain à la tête de la noble et tranquille institution, dont il est le patron depuis 1998, il a reçu un coup de main bien sympathique de la part du procureur de la République, Jean-Claude Marin.
Poncelet, qui pourrait bientôt être entendu par la police judiciaire, à en croire Le Monde (12 avril 2008), à condition quand même que le bureau du Sénat donne son autorisation, apparaît au cours de curieuses conversations avec son ami Jean-Claude Bertoldi, un entrepreneur de travaux publics lié au groupe de BTP Sogea. En ces mois de la fin 2006, début 2007, Bertoldi est écouté dans une autre affaire en raison de poursuites qui le visent. A l’autre bout du fil, les policiers de la BRIF, une brigade de la police judiciaire parisienne, n’en manquent pas une miette.
Les flics entendent ainsi, à propos du marché de la construction de la gendarmerie d’Issy-les-Moulineaux, qui semble énormément l’occuper, Christian Poncelet promettre en décembre 2006 « d’arranger les choses à l’amiable, de réunir à nouveau le jury ». Le sénateur recommande à l’entrepreneur de « garder secret le fait qu’il l’a informé des problèmes » et lui demande « le silence, sinon c’est la rupture totale ». Dans d’autres coups de fil, des projets de business sont évoqués, en France comme à l’étranger. Le 8 février 2007, rapporte Le Monde, qui a publié ces écoutes, une autre conversation est enregistrée, dans laquelle Bertoldi explique que « le petit Poncelet a pris 10 % de 80 000 euros grâce à lui ». Bigre. De quoi faire sursauter les flics.
Avec de telles suppositions murmurées à l’oreille de la police, pas moyen d’empêcher l’ouverture d’une enquête. Une préliminaire - sous le contrôle du procureur - est donc initiée en juin 2007 pour soupçon de trafic d’influence, sur la base de ces fameuses écoutes téléphoniques. Le procureur verse donc à cette nouvelle procédure une copie des écoutes, prises dans l’affaire Bertoldi.
Mais pour éviter d’aller trop vite, mieux vaut gagner du temps. Et voilà que germe au parquet de Paris l’idée de nommer un expert pour analyser les dites écoutes téléphoniques. On ne sait jamais, les flics de la BRIF auraient pu entendre des voix…
Fin mars, le rapport de l’expert a donc été rendu au parquet. Soient 9 mois après l’ouverture de l’enquête. Pour que les phrases soient bien compréhensibles, l’expert les a découpées en onomatopées. Et maintenant que le tout est reconstitué, et que monsieur le procureur Marin a l’assurance que les flics de la BRIF n’ont pas rêvé, les investigations peuvent - enfin - commencer.
Grâce à Christian Poncelet, la justice innove !