Les délices de bouche s’entremêlent avec les plaisirs de couche… aujourd’hui, le fruit dé-fendu.
Cette fois-ci, l’Oncle Bernard vous propose de déguster un fruit (défendu ?) d’une saveur alléchante et d’une physionomie assez évocatrice, la figue (p.90).
Selon Platon, la figue reste la nourriture la plus propre aux athlètes. Egalement aux athlètes du lit !
Si l’on parle beaucoup du figuier dans les textes bibliques, il ne faut pas s’imaginer qu’il est si simple d’en déguster le fruit. Car le fruit du figuier est une petite drupe monosperme, ovaire des fleurs femelles fécondées. Ce que nous mangeons en réalité est le capitule creux formé par le réceptacle de l’inflorescence dont l’extrémité libre est terminée par un petit orifice ombiliqué, œil portant des fleurs mâles à l’entrée et des fleurs femelles au fond.
Que la figue soit très nourrissante, surtout séchée, est incontestable. Mais encore ?
E.A. Herbodeau souligne que nos premiers parents se servaient de la feuille du figuier pour couvrir leur nudité : est-ce pour cela que le sexe féminin devint une figue en argot ? Et il ne serait pas déraisonnable de penser qu’au Paradis Terrestre le fruit défendu ait été la figue plutôt que la pomme, si l’on en croit quelques récits anciens :
La figue a pour vertu de réveiller les maris endormis. Et Je chante la figue, dit-elle, Dont les amours sont cachées.
Le folklore anecdotique nous apprend encore que l’empereur Frédéric obligea les Milanais à aller chercher de la dent une figue enfoncée dans le derrière d’une mule, d’où l’aversion des Lombards pour ce fruit.
Heureusement, la figue est délicieuse. Répétant avec le Prophète Mon âme a désiré en vain des figues printanières, nous lui dédierons ces recettes qui passent pour propices aux jeux de l’amour :
Anchoïade corse
piler des figues fraîches pelées avec une pointe d’ail et des filets d’anchois dessalés.
étendre la pâte obtenue sur des tranches de pain humectées d’huile d’olive. Recouvrir d’oignons crus hachés et poudrer de muscade râpée.
Vin de figues
mettre en tonnnelet 1 kg de figues, 18 baies de genièvre et 10 L d’eau. Laisser macérer 8 jours. Filtrer et mettre en bouteilles.
laisser reposer quelques jours avant de servir.
On ne saurait passer sous silence une variété de figue, celle de Provence, qui porte le nom délicieux de couille du Pape.
La légende rapporte qu’en l’An 800, une femme nommée Jeanne se serait fait élire « Papesse » en se grimant en homme. C’est pour cette raison qu’en Avignon, alors Cité des Papes, on prit soin depuis de vérifier les attributs du futur souverain pontife avant l’élection. Le prétendant s’asseyait sur un trône percé, et un cardinal, en présence de religieux, effectuait un contrôle par en dessous, s’exclamant en latin : il en a une belle paire et elles sont bien pendantes comme nos figues.
Ainsi, dès le XIVème siècle, les botanistes donnèrent à ces figues locales, le nom de couilles du Pape ou précieuses du Pape.
Francis Miot, remarquable confiturier et confiseur d’Uzos, près de Pau, en a fait une gourmandise du même nom : la figue est confite, fourrée de pâte d’amende et de noix, aromatisée d’écorces d’orange confite et de rhum.
Et les couilles du Pape (comme celles des autres d’ailleurs) allant par deux, peut-être s’agit-il de figues au… paire !
Un gros coup de fatigue ! Il est acide, Rodrigue !
Il n’est plus l’amant prodigue !
Oublié le temps où il leur écartait la gigue,
Pour mieux leur sucer la figue…
Par Dominique Toulousy – Les Jardins de l’Opéra – Toulouse
Figues rôties au banyuls, Farcies de glace à la vanille
Pour 4 personnes : 12 figues fraîches 30 cl de banyuls 30 g de sucre quelques grains de poivre et de cardamone 1 tranche de citron 1 tranche d’orange ¼ de L de glace à la vanille
verser le banyuls dans une casserole ; ajouter les tranches de citron et d’orange, le sucre, le poivre et la cardamone ; porter à ébullition et laisser cuire 5 minutes
ajouter les figues pendant 3 minutes ; retirer du feu et laisser refroidir les figues dans leur jus ; les égoutter et les placer au réfrigérateur
faire réduire le jus de cuisson pour obtenir un sirop
juste avant le service, faire un trou sous la figue et la remplir de glace vanille ; passer rapidement sous le gril du four pour chauffer légèrement l’extérieur
napper de sirop bien chaud et servir aussitôt
Je connais cette variété depuis très peu de temps et en confiture seulement.
C’est un régal. L’origine de l’appellation est drôle et l’insolite donne du piquant à la dégustation.
Toutefois il est assez difficile d’en trouver en confiture alors en fruit frais ???
Les "figues de Barbarie" sont les fruits de cactus à articles en forme de raquettes du genre Opuntia (le nom scientifique est Opuntia ficus-indica, c’est à dire "figuier d’Inde", au sens d’Amérique, ce qui est bien leur origine, comme pour l’oiseau (poule d’Inde, devenu Dinde). Ce sont des fruits comestibles dont la structure ressemble assez à celle des figues : une enveloppe charnue relativement fine qui enveloppe de nombreuses petites graines apparemment en vrac à l’intérieur, sans oublier une ouverture à l’opposé du pédoncule (queue) comme chez la figue fleur. Sans être frappante, la similitude me semble beaucoup plus nette qu’entre la pomme de terre et le fruit du pommier ! A noter qu’il existe aussi une "figue des Hottentots", toujours comestible et de structure un peu comparable, fruit d’une plante grasse rampante originaire d’Afrique du Sud mais acclimatée autour de la méditerranée : le ficoïde comestible (ficoïde signifie : qui ressemble à une figue !) ou "griffe de sorcière", Carpobrotus edulis, de la famille des "mésem" (mésembryanthémacées) qui donne de nombreuses plantes grasses d’ornement. Par contre la "figue de mer" est le nom "parisien" (pour touristes) d’un animal de la famille des ascidies (Microcosmus) consommé comme fruit de mer autour de la Méditerranée et connu sous les noms de "violet" ou de "biju" en Provence et Languedoc.
Remarque pour l’auteur de l’article : les papes s’installent à Avignon au 14e siècle. En l’an 800, il siègent bien sagement à Rome.