Les Renseignements Généraux, promis à la disparition ou à la restriction de leurs attributions par les gouvernements successifs, sont toujours là, et pleinement actifs.
Le 13 juillet 1994 Charles Pasqua ministre de l’Intérieur annonçait « une révolution culturelle » : « Ce que mes prédécesseurs n’ont jamais fait, je vais le faire ». Et Môssieur Charles d’annoncer la suppression de la section politique ainsi que de la section presse des Renseignements Généraux. Le plus curieux c’est que des années durant nombreux ont cru (ou fait semblant de croire) qu’effectivement les RG avaient cessé de travailler sur le personnel politique ou les journalistes.
C’est le cas de Nicolas Sarkozy, par exemple, qui lors de son arrivée place Beauvau en 2002 réaffirme que « les RG n’ont plus rien à faire dans la politique » et qui dans la foulée annonce la suppression des petites notes blanches anonymes.
L’affaire Bruno Rebelle montre que les choses sont en réalité un tout petit plus compliquée… Officiellement dans l’affaire Rebelle, les RG n’auraient procédé qu’à une « réactualisation » de la fiche de cet ancien dirigeant de Greenpeace et c’est bien sûr pure coïncidence si cette mise à jour est intervenue précisément au moment où le militant écologique rejoignait le staff de Ségolène. Il est par ailleurs piquant de constater que le Ministère des Contraventions, pour établir le caractère tout à fait anodin et routinier de ce travail de mise à jour, ait pris la peine de distribuer à certains journalistes une fiche « bisounours » (cf. Le Monde de Sarko) de M. Rebelle sur laquelle la quasi-totalité des renseignements de base le concernant (situation matrimoniale, numéro de téléphone) sont justement périmés depuis des années !
Voilà donc un travail de réactualisation qui mériterait certainement d’être à nouveau rafraîchi d’ici peu…
Quand les RG jouaient leur rôle de vrais services de renseignement, cela pouvait donner du résultat. Plutôt que de s’intéresser comme récemment aux litiges de Bruno Rebelle, l’ancien de Greenpeace reconverti aux côtés de Ségolène, avec son garagiste, les flics avaient à l’époque suivi de près l’organisation internationale, sujet particulièrement sensible depuis le sabotage du Rainbow Warrior par la DGSE. Ils avaient relevé par exemple la reprise en main de la filiale française de Greenpeace par les dirigeants de l’organisation internationale. La note inédite, datée du 19 février 1997, est titrée : « Greenpeace France : l’envers d’un plan de redéploiement » (voir le document ci-contre). Elle révélait le déficit de l’association (1,4 millions de francs d’alors), annonçait la nomination d’un nouveau directeur et le départ de Pénélope Komitès, alors à la tête de la filiale française, et racontait les dissensions internes entre cette dernière et Yannick Rousselet, alors en charge du secteur stratégique de La Hague. Bref, du vrai renseignement !
Pas de quoi fouetter un chat on en convient même s’il se trouve toujours des esprits pervers pour estimer que le souci du Ministère de « rafraîchir » le spectre de l’extrême gauche répondait surtout à la nécessité -à quelques mois du duel annoncé Jospin-Chirac- de préparer le terrain à une offensive contre le passé trotskyste (et encore secret) du candidat socialiste. Dans les colonnes de Libération (15 février) Bruno Masure lui ne cache pas sa déception. Il rapporte ainsi qu’en 1999 (soit tout de même cinq ans après que Paqua ait eut à supprimer la section presse ! ) il a obtenu sans difficulté l’autorisation de consulter le dossier que détenait sur lui la dite section de la Préfecture de police. Laquelle détient effectivement un fichier- informatisé- de la quasi-totalité des journalistes. « Lecture faite, je ne regrettais pas d’être privé de photocopies car il n’y avait que des renseignements très… généraux » nous dit Masure qui poursuit : « De deux choses l’une. Soit « on » a communiqué mon dossier complet, et il est alors possible de faire de sérieuses économies en supprimant un service de police qui s’en fiche… Soit ce service communique aux magistrats de la Cnil des versions sérieusement « expurgées », et cela poserait un très sérieux problème de fonctionnement démocratique… ».
Allons allons… Que d’imagination ! Bruno Masure a oublié que François Léotard en son temps avait annoncé qu’il était favorable « à la suppression des RG » . M. Arpaillange pourtant ministre de la Justice avait lui dénoncé à l’AFP en 1990 « la campagne de calomnies émanant d’un service de police mandaté par une hiérarchie inconstante ayant pour but de me discréditer ». Pierre Arpaillange a finalement démissionné. François Léotard lui est à la retraite.
Gauche, droite, les indispensables RG eux sont toujours là. L’indice qu’ils doivent bien rendre de temps à autres quelques « services ». Il apparaît que depuis l’affaire Rebelle, la Cnil croule sous les demandes de journalistes et même de parlementaires qui veulent avoir accès à leur fiche. Deux professions où manifestement même en pleine campagne présidentielle, on est pas trop occupé.