Le républicain John McCain s’est embourbé dans une campagne mollassonne et multiplie les gaffes qui font le miel des comiques télé.
Le galop de neuf jours et dans huit pays de Barack Obama a foudroyé son rival, John McCain. Selon un sondage Gallup paru le 27 juillet, le démocrate dispose maintenant d’une avance de neuf points sur McCain, bondissant ainsi de six points pour la seule semaine où il s’est rendu en Afghanistan, en Irak, en Israël et en Europe. Mais les gaffes du candidat républicain et la nullité de sa campagne ont également contribué à booster Obama dans les sondages.
Ces derniers jours, le contraste entre le jeune et dynamique sénateur démocrate et McCain n’a eu de cesse de sauter aux yeux. Le même soir, les journaux télévisés montraient un Obama jouant au basket avec les « boys » en Irak tandis que l’on pouvait admirer McCain déambulant dans un supermarché au rayon fromages. Son objectif était certes de montrer qu’il se soucie des ménagères mais cette visite a tourné au vinaigre lorsque son cameraman officiel a trébuché et fait tomber des boîtes de compote de pommes empilées juste devant le candidat qui les a évité d’un regard irrité. Tout aussi embarrassant, lorsque McCain a commencé son discours improvisé devant les caméras, le son de sa voix a été noyé par une annonce commerciale lancée à grand renfort de haut-parleurs dans tout le supermarché. On nageait en plein grotesque.
Mais les maladresses répétées de McCain soulignent surtout le fait que le bonhomme fait bel et bien ses 72 ans. Au début de la tournée d’Obama à l’étranger, précisément lors de l’étape afghane, McCain l’a attaqué dans l’émission de la chaîne ABC « Good Morning America » (la matinale la plus regardée aux États-Unis), en parlant de « la frontière irako-pakistanaise ». Or, ces deux pays ne sont point limitrophes, comme les médias ont pris soin de le souligner. Quelques jours plus tôt, le républicain septuagénaire s’est égaré à plusieurs reprises sur l’épineux cas de la « Tchécoslovaquie », un pays qui n’existe plus depuis quinze ans ! Et la semaine d’avant, il s’est emmêlé les pinceaux entre la Somalie et le Soudan ! Puis, cerise sur le gâteau, il s’est offert le luxe de disserter dans une interview sur « le Président de l’Allemagne, Poutine ». Voilà qui ne manquera pas d’égayer les Russes.
En trois semaines à peine, les gaffes de McCain ont été si nombreuses que, le 23 juillet, le Washington Post a fini par titrer : « Est-ce que l’âge de McCain se manifeste ? ». La question est d’autant plus fondée que la plupart des lapsus du candidat portent sur des questions de politique étrangère… le domaine où McCain ne cesse de charger son jeune rival pour son soi-disant manque d’expérience. Résultat, ces divagations « mccainiennes » alimentent les comiques qui se produisent à la télévision et multiplient les blagues sur l’âge du bonhomme.
Les attaques de McCain contre Obama se sont donc retournées contre lui. Par exemple, pendant qu’Obama était en Irak, McCain a répété à deux reprises que le sénateur de l’Illinois préférait « perdre la guerre pour gagner l’élection ». Même l’un de ses amis, le sénateur Chuck Hagel de l’État du Nebraska, républicain et lui aussi héros médaillé de la guerre du Vietnam, a estimé le 26 juillet lors de l’émission politique « Face the Nation » de CBS que cette déclaration était « irresponsable ». Mais aussi que McCain marchait « sur des œufs quand il dit “Je suis plus patriotique que vous” et conteste la motivation » d’Obama. Et, comme le pointait un éditorial du Washington Post, « accuser Obama de placer ses intérêts électoraux avant ceux du pays ne correspond point à “la politique de politesse” promise par McCain le mois dernier ».
La campagne du candidat républicain est ensuite franchement devenue risible lorsque, pendant la tournée d’Obama, les équipes de McCain ont dépensé une fortune pour irriguer les télévisions avec une publicité affirmant que la hausse fulgurante du prix de pétrole était la faute du candidat démocrate. Rien que cela ! Oubliée l’avidité des spéculateurs, la hausse de la demande globale en pétrole, la politique de l’OPEP, le goût immodéré des Américains pour les SUV, la guerre en Irak, les problèmes au Nigeria, et on en passe. Cette publicité était tellement ridicule qu’un comique, comme pour souligner la perte du crédibilité du républicain, n’a pas pu s’empêcher de grincer que « bientôt McCain accusera Obama d’être responsable de l’effet de serre, de la perte des cheveux et de l’obésité ! »
La raison pour laquelle Obama était censé être responsable du prix du pétrole, selon la pub de McCain, est qu’il s’oppose aux forages offshore. Or, dans sa campagne, le septuagénaire a fait du offshore le fer de lance de son plan pour abaisser le prix de l’essence, au risque de gâcher son autoportrait d’écologiste bon teint construit pendant de longs mois. Bon nombre de commentateurs ont alors rappelé que, lors de sa campagne présidentielle de 2000, McCain s’était résolument opposé à ce type de forages. Du coup, la vilaine étiquette de « flip flopper » (celui qui retourne sa veste) que les républicains ont tenté de coller à Obama semble aussi convenir à leur candidat septuagénaire.
Toutes ces dérives expliquent sans doute pourquoi le stratège en chef de la campagne présidentielle de McCain en 2000 (il a échoué contre Bush lors des primaires), son ancien conseiller John Weaver, a déclaré dans le Washington Post du 27 juillet que « McCain a perdu toute la semaine précédente. (…) Il ne peut plus se permettre une semaine comme celle-ci ».
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