Cinquième épisode du carnet de route de Jean Glavany. Il s’interroge sur la condition des femmes et sur l’explosion du nombre d’écoles coraniques au Pakistan.
mercredi 5 novembre - impressions du Pakistan
Nous sommes dans le bureau du Secrétaire Général du ministère des Affaires Étrangères, quand Barak Obama, officialisant sa victoire à l’élection présidentielle, intervient pour son premier discours de Président élu à Chicago. Formidable moment passé avec ce haut fonctionnaire pakistanais, qui nous demande s’il faut éteindre la télévision, et à qui nous répondons qu’il n’en est pas question, et que s’il en est d’accord, on pourrait écouter ce discours ensemble. Quart d’heure d’émotion partagé avec un homme que nous ne connaissions pas avant d’entrer dans son bureau et qui commente ce discours par une succession d’exclamations : incrédible !
Nous sommes reçus par la Présidente de l’Assemblée Nationale, Madame Mirza, amie intime de Benazir Bhutto assassinée un an plus tôt. Le mimétisme avec son amie disparue est total. Même élégance, même voile délicatement posé sur des cheveux bien tirés en arrière, même maquillage, même élégance… Je suis frappé de voir comment, dans ce pays, la place faite aux femmes relève souvent de la barbarie (combien d’entre elles sont aspergées d’acide ou, tout simplement enterrées vivantes quand elles sont suspectées coupables d’adultère !…) Comment ce pays donc, peut à la fois traiter la femme dans la société d’une manière si arriérée et en même temps, régulièrement, offrir des places de premier choix à des femmes pour les premiers rôles dans la république. Un paradoxe ? Une contradiction ? Que sais-je ?
Je poursuis mes réflexions d’hier sur le FMI (Fonds Monétaire International). Pour moi, celui-ci, je l’ai dit, exige un certain nombre de contreparties et de contraintes de la part du gouvernement pakistanais. Et, en particulier sur une réduction de son train de vie. Le même jour, nous apprenons qu’un remaniement ministériel fait passer de 30 à 56 le nombre de ministres du gouvernement pakistanais. Le moins que l’on puisse dire est que le signal est détestable en terme de rigueur budgétaire…
Depuis plusieurs jours, nous sommes intéressés par un phénomène inquiétant et manifestement au cœur de la problématique afghane et pakistanaise : l’explosion du nombre de madrassas, c’est-à-dire de ces écoles coraniques qui fleurissent dans l’ensemble du Pakistan et en particulier dans la zone frontière du nord-ouest pakistanais avec l’Afghanistan. : elles étaient 145 en 1947, elles sont plus de 20 000 aujourd’hui, de toute taille. Depuis la plus petite, dans un petit village, regroupant quelques enfants, jusqu’aux plus grosses – regroupant des centaines voire des milliers d’enfants dans des villes comme Peshawar. Ces écoles ne sont pas toutes des « fabriques à terroristes ». Mais elle sont assurément des lieux de bourrage de crâne pour les enfants de la région par des intégristes musulmans sans vergogne. Et ce sont dans ces madrassas que le fondamentalisme se répand de manière fulgurante. Comme toujours, ces écoles coraniques se sont répandues, se sont multipliées, et ont connu ce développement exponentiel sur les ruines de l’enseignement public ou de l’éducation par les Etats afghans et surtout pakistanais : et c’est quand les Etats ne remplissent pas ou plus leur rôle à l’égard de la jeunesse que les fondamentalistes s’engouffrent dans la brèche. Et comme ici, à cette frontière, ce sont plusieurs millions de réfugiés afghans qui vivent soit dans les camps de réfugiés (il n’en reste que 73), soit dans ces villages et ces villes frontaliers surpeuplés, le « Pérou » est d’une fertilité sans limite. Faut-il s’étonner du fait que les intégristes aient cultivé ce terrain ?
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Décidémment, ce qu’il y a de bien dans les tribulations d’un solfériniste chez les barbus, c’est qu’on y apprend des choses qu’on n’a jamais lues, vues, entendues ailleurs. Incroyable mission parlementaire. Bref…
Cependant, il est bien dommage que Glavany ne creuse pas un peu plus le rapport entre sainte Benazir Bhutto et les madrasas. Il risquerait de découvrir que c’est bien la même dame au foulard si doux qui, Premier ministre, contresigna la décision militaire et politique d’envoyer les talibans à l’assaut de l’Afghanistan en 1996. Talibans étroitement formés par l’ISI (précisément dans les madrasas des camps de réfugiés afghans au Pakistan) et encadrés pour assurer la "profondeur stratégique" du Pakistan.
Glavany n’a pas besoin d’aller au Pakistan, voyage payé par les contribuables, pour regarder Obama à la télé.
C’est curieux que cela soit moi, de France, qui lui ouvre la première page d’un quotidien d’Islamabad, "The News" :
MIRANSHAH : At least 13 people were reportedly killed Friday in five US missile strikes in North Waziristan.
According to sources, US drones fired several missiles in Jankhel area of North Waziristan.
According to sources, several missiles struck a suspected Al-Qaeda hideout in North Waziristan and initial reports say 13 militants were killed.
Pourquoi notre député, en mission, ne va-t-il pas constater sur le terrain, dans la vallée de Swat, par exemple, les dégâts occasionnés par la "War against Terror" ?
Peut-être parce que cela ruinerait ses a-priori sur le Pakistan et les talibans.
Car ce ne sont pas des chefs terroristes d’al-quaeda que les missiles US détruisent, à coups de missiles, au Pakistan mais le peuple pakistanais.
Il y a déjà un million de réfugiés pakistanais, dans leur propre pays, à cause de cette guerre, déclenchée par l’Otan.
Et Glavany nous parle des "madrassas"… Cibles de prédilection pour les drones américains…