Jean Glavany poursuit, pour « Bakchich », son carnet de route. Il développe ce qu’il appelle la « théorie des objectifs » de la coalition internationale.
Après 48 heures intenses et passionnantes, nous quittons Kaboul.
La question qui est posée à tous les membres de la coalition militaire qui est intervenue et intervient toujours en Afghanistan est la suivante : pourquoi sommes-nous venus ici ? Qu’y faisons-nous ? Et pourquoi ? Elle se décompose en une réponse militaire d’une part et civile d’autre part.
Au plan militaire, les choses me semblent plus simples que l’on ne le dit : le premier objectif était, en 2001, de renverser le régime taliban : il a été atteint et c’est tant mieux pour le monde. Le deuxième était, et reste, d’empêcher les talibans de reprendre le pouvoir. Franchement, de tout ce que j’entends ici et de tout ce que je vois, il me semble que cet objectif est lui aussi atteint et qu’il n’y a pas de solution à court ou moyen terme pour les talibans de reprendre le pouvoir dans l’état actuel de l’intervention militaire des occidentaux.
Y aurait-il un troisième objectif ? En l’occurrence peut-on envisager d’infliger à Al-Qaïda et à Ben Laden une défaite sur le terrain afghan ? Sincèrement, je ne le préconise pas et je ne pense pas que se soit raisonnable. D’une part, parce qu’aucune puissance militaire n’a jamais remporté une victoire en Afghanistan. Le terrain est difficile et épouvantable, à la fois pour des raisons géographiques (un massif montagneux impénétrable) et pour des raisons sociologiques, cette société tribale est indominable mais c’est aussi parce qu’il est évidemment que ce n’est pas ici qu’Al-Qaïda, Ben Laden et cette clique fondamentaliste détient l’essentiel de ses forces. L’Afghanistan n’est que le terrain qu’ils ont choisi pour combattre l’Occident. Franchement, s’il y a une chose à ne pas faire c’est d’aller les combattre sur le terrain qu’ils ont choisi. Donc d’un point de vue militaire, il me semble que les choses sont relativement claires : il faut maintenir une présence militaire de la coalition à long terme (d’où l’importance du discours sur cette présence à long terme) et, en même temps former dans la durée, l’armée nationale afghane à prendre le relais. Ces choses sont sur des rails, elles prendront le temps qu’il faudra mais ça me parait un objectif relativement réalisable.
Sur le plan civil
D’un point de vue civil, les objectifs sont plus compliqués : nous voulons aider l’Afghanistan sur le terrain du développement, de l’État de droit, et de la démocratie. Très bien. Mais jusqu’où voulons-nous aller vite ? Car la réalité sociologique de la société afghane c’est qu’elle en est au XIIème ou XIIIème siècle selon le point de vue où l’on se place et même peut-être plus en retard encore. Voulons-nous lui faire franchir en quelques mois ou quelques années, ces six ou sept siècles de retard ? Je crois sincèrement qu’il faut nous garder d’aborder le problème afghan avec nos standards occidentaux ou européens et être raisonnables : l’ambassadeur du Canada à Kaboul a dit « Just give them a chance », en français « donnez leur juste une chance » et je pense que c’est une formule pertinente. L’important est de mettre l’Afghanistan sur la voie de la démocratie, du développement et de l’État de droit. Cela prendra le temps qu’il faudra mais si nous voulons brûler les étapes nous risquons de tout déstabiliser et de tout imposer maladroitement.
Et puis ce qui me frappe, en outre, c’est que la communauté internationale déverse sur l’Afghanistan des sommes considérables, sans doute plus de 10 milliards de dollars par an. Et quand on voit l’état dans lequel se trouve la société afghane au plan économique et social, on se demande où va cette aide. Sûrement pas là où elle serait la plus nécessaire, c’est-à-dire dans le Tryptique développement rural – infrastructures – et formation. Mais, comme toujours dans des situations de ce type, dans le financement des organisations internationales elles-mêmes, dans les consultants… bref dans ces gouffres financiers de l’aide internationale qui ne vont pas aux populations elles-mêmes. Il y a là comme une sorte d’appel pathétique à la communauté internationale pour réorienter ces aides vers des destinations où elles sont vraiment nécessaires. De tout cela, nous en reparlerons, bien sûr, à notre retour en France.
4 novembre 2008
Hier, lundi, nous étions là quand l’ambassadeur de France en Afghanistan a appris l’enlèvement de l’un de nos compatriotes, Dany Egreteau, membre de l’association humanitaire Solidarité Laïque qui vient d’être enlevé en plein Kaboul. Comme nous avions pris des engagements de confidentialité sur cette affaire pour ne pas gêner l’action des diplomates français, je n’en avais rien dit en ces pages. Mais ce matin, je découvre que la presse française fait, largement, état de cet enlèvement et je veux y revenir. Non pas, pour donner des détails et rendre plus difficile l’enquête ni même révéler le dispositif mis en place par notre pays dans ce genre d’occasion, mais simplement pour insister sur l’extrême angoisse ressentie par nos diplomates dans cette situation. On oublie trop souvent que le corps diplomatique a un devoir d’assistance et de protection des ressortissants français des pays dont ils ont la charge et dans le cas d’un enlèvement de ce type, c’est pour le corps diplomatique local une épreuve particulière.
Bien entendu, une épreuve moins difficile à supporter que pour ceux qui sont eux-mêmes victimes, mais une épreuve malgré tout. Lundi, j’ai pu constater la réactivité avec laquelle l’ambassadeur de France -à Kaboul- a mis en place une cellule de crise. Il a aussitôt pris contact avec les autorités gouvernementales et le Quai d’Orsay en particulier et, lancé un dispositif de traitement de cette crise aussi adapté que possible. Un dispositif facilité en la circonstance par le fait que dans cet enlèvement un autre coopérant français membre d’une autre ONG, AFRANE, avait pu s’enfuir et donc venir aussitôt donner des détails sur les circonstances de l’enlèvement.
C’est aussi l’occasion pour moi d’insister sur l’extrême tension qui règne à Kaboul, capitale d’un pays en guerre, et peut-être aussi de dénoncer la légèreté de certaines publications touristiques qui font leur miel commercial de ce genre de destination sans avertir les touristes potentiels des risques encourus : je dis cela parce qu’à Kaboul j’ai trouvé un guide touristique Le Petit Futé publié cette année 2008 vantant les beautés de l’Afghanistan et encourageant ce tourisme exceptionnel sans indiquer à quel point il est dangereux de circuler et visiter le pays. Ma préconisation à moi, comme celle de tous les responsables français qui vivent à Kaboul, serait plutôt exactement l’inverse : n’y allez pas, c’est trop dangereux. Mais la France est un pays de liberté, on peut écrire ce que l’on veut sans risque.
Lire ou relire sur Bakchich.info les premiers épisodes du carnet de route afghan de Jean Glavany :
vous rendez vous compte de vos contradictions ?
dans un premier temps vous expliquez que militairement et politiquement les talibans sont completement marginalises, et vous finissez votre article en expliquant qu au coeur de Kaboul la vie est trop risquee du fait des attaques des talibans.
entre ce que les militaires vous disent concernant leur control de la situation, et ce que vous constater de visu dans les rue de Kaboul, vous feriez mieux de faire confiance a vos propres sens.
et ce n est que Kaboul, alors imaginer la situation dans les province eloignees.
decidement difficile de faire taire le politicien quand l homme s exprime. j en conclue donc que vous et vos semblables faite partie du probleme et en rien de la solution.
dommage pour les depenses d un tel voyage.