Certaines mesures ont le résultat inverse de celui escompté. Il en va ainsi de l’interdiction du séminaire « Pour la Paix, la Vérité et la Conciliation » sur le sort des disparus, organisé par cinq associations, que les autorités algériennes ont interdit le 7 février 2007, à l’hôtel Mercure d’Alger.
Ironie du sort, c’est le lendemain de la visite à Paris du Ministre d’État et Ministre des Affaires Étrangères, en mission pour parapher la Convention Internationale contre les disparitions forcées, que cette petite sauterie s’est vue annulée. Alors même que M. Bedjaoui se félicitait d’avoir fait le déplacement pour prouver, s’il en était besoin, l’importance que revêt cette question des disparitions forcées pour le gouvernement algérien.
Même si personne n’est dupe, il n’aura pas fallu 24 heures pour que les véritables intentions des autorités algériennes justifiant cette interdiction apparaissent au grand jour.
7 février au matin, les « dignes agents » de l’État sont sur le qui-vive, prêts à empêcher les familles de disparus de la décennie noire et les associations de victimes du terrorisme à tenir le séminaire. En uniforme ou en civil, qu’importe, les agents de la sûreté nationale et des renseignements généraux, sous le haut commandement du commissaire général et du chef de la sûreté d’Alger, bloquent l’entrée de l’hôtel et interdisent les invités déjà présents d’accéder à la salle de conférence. Face au refus d’obtempérer des organisateurs, les autorités jettent les participants dans l’obscurité, en les privant d’électricité. Métaphore facile qui illustre à merveille l’opacité qui règne en Algérie…
Le « premier anniversaire » des décrets d’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, sonne le glas, pour les familles de disparus, des procédures donnant droit à réparation. Surtout que les indemnités promises (dont Bouteflika vantait la gratuité alors que les procédures judiciaires sont toutes payantes) n’ont pour l’instant été accordées qu’à une poignée de familles de disparus, sur des critères obscures et sans aucune cohérence. De plus, cette "manœuvre" a l’objectif inavoué d’en finir avec ce dossier des disparus, puisque les familles bénéficiant d’une indemnité financière (après avoir obtenu un certificat de décès du proche disparu) sont ensuite dans l’impossibilité d’exiger la vérité sur le sort réservé au disparu. La plupart des familles ayant entamé ses démarches (parce qu’elles vivent dans une situation matérielle intenable) ont été victimes de leur propre ignorance et surtout de la mésinformation des autorités.
Si les journalistes qui ont réussi à investir les lieux sont priés de remballer leurs appareils et caméras, les RG eux ne sont pas faits prier pour photographier et filmer à souhait, histoire d’enrichir un peu plus leurs fichiers, au cas où. Audacieux, les organisateurs et les orateurs s’installent tout de même à la tribune et arrachent les premières interventions à la lueur des bougies. La scène ressemble étrangement à une veillée mortuaire, en l’honneur des milliers (entre 6.000 et 17.000 selon les sources) de disparu(e)s du fait des agents de l’État à partir de 1992, et de toutes les victimes du terrorisme (assassinées ou enlevées par les Groupes Islamistes Armés).
Mais, fort de leur persévérance, les forces de sécurité ont raison des cris des mères, épouses et enfants de disparus, qui réclament depuis une décennie que lumière soit faite sur le sort des disparus. L’assemblée donc, bon gré mal gré, se dirige vers la sortie. Les « folles d’Alger » [1] ont déplié leur banderole et sorti la photo des leurs, scandant des appels à la vérité à l’attention du gouvernement. Dans le hall luxueux du grand hôtel, les joueurs de foot libyens, en tong, ne sont pas en reste à la découverte de ce visage inattendu de l’Algérie, avant la rencontre amicale qui les opposera le soir-même, au stade 5 juillet d’Alger, à l’équipe nationale algérienne.
Récupérant sur leur passage les malheureux toujours cantonnés à l’extérieur, les invités prennent le chemin de la Maison de la presse pour dénoncer les atteintes aux libertés fondamentales dont ils sont derechef victimes. Mais il faut croire que le sort s’acharne, étrangement, sur les organisateurs. Les responsables de ce pseudo temple de la liberté d’expression leur refusent l’accès. C’est donc à l’air libre, dans la cour de la Maison de la presse, que la conférence s’improvise, rassemblant autour des porte-parole, journalistes et photographes (les vrais cette fois).
Avec l’arrêt du processus électoral et au lendemain du coup d’État de janvier 92, le « pouvoir invisible » mais pourtant bien réel orchestre une répression brutale. Sous couvert de l’État d’urgence, les services de sécurité facilement manipulables procèdent à des arrestations, ratissages, exécutions et perquisitions de masse sans la moindre preuve légale. Des milliers de jeunes sympathisants du FIS (Front Islamiste du Salut) et d’Algériens qui n’étaient pas forcément des militants islamistes sont arrêtés, torturés, liquidés ou envoyés dans des camps d’internement au Sud (première vague d’arrestations en 1992) ou dans des centres de détention secrets (dans les années 94 et 95). Les personnes arrêtées -sans mandat cela va de soi- n’ont pas de contact, ni avec leur famille, ni avec quelque avocat et n’ont jamais été appelés à comparaître devant le "justice" algérienne.
Les témoignages concordants des familles révèlent que ces arrestations sont le fait des forces de l’État : policiers, gendarmes, militaires, forces combinées, des services de renseignement ou encore des "patriotes" fraîchement armés pour défendre la "patrie". Même si les témoignages permettent d’identifier certains coupables, aucun bien sûr n’a jamais eu à répondre de ses actes en Algérie… et le pouvoir invisible encore moins.
Face à l’obstination des familles à connaître la Vérité sur le sort de leur(s) disparu(s), le gouvernement a mis en place un mécanisme spécial confié à Me Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH (Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’homme). Encore une duperie, cette commission qui a tout juste reconnu 6.146 cas de disparitions forcées (alors que les ONG de défense des droits de l’homme estiment que 18.000 individus ont été victimes du phénomène) est dépourvue de mandat qui lui permettrait d’enquêter et de donner enfin aux familles des éléments sur les circonstances de la disparition et de la mort (s’il n’y a pas du survivants) des disparus.
La Charte pour la paix et la réconciliation nationale a imposé en 2005 une paix trop fragile pour être vraie et a décrété l’amnésie en même temps que l’amnistie des repentis. Elle conditionne aussi les indemnités auxquelles ont droit les familles de disparus à leur renoncement dans leur quête de vérité.
Solidaires, pour une fois, et bravant les interdits de l’article 46 de l’ordonnance de la Charte pour la paix et la réconciliation [2] , les journalistes algériens ont presque unanimement condamnés ce déni des libertés les plus fondamentales.
Les plus virulents n’ont pas hésité à dénoncer les méthodes employées par les autorités qui rappellent celles du « bon vieux temps ». La polémique ne désemplit pas au fil des jours, suscitant la réaction de parties prenantes comme le versatile Me Ksentini, président de l’honorable CNCPPDH (comprenez Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme), alliée ou ennemie des familles de disparus selon le climat ambiant.
À défaut d’avoir pu tenir leur conférence normalement, les victimes de tout bord de la pudiquement nommée « tragédie nationale » (comme s’il s’agissait d’une catastrophe naturelle) ont déployé leurs efforts dans une contre-offensive médiatique. Les grands quotidiens étrangers répondent à l’appel et dénoncent à leur tour la supercherie des autorités algériennes. Il faut reconnaître qu’en signant la veille, à Paris, la Convention internationale contre les disparitions forcées, ces dernières ont offert sur un plateau d’argent à toute la presse, nationale et internationale, l’opportunité de titres insolents à leur encontre. Si d’ordinaire les médias occidentaux s’enquièrent peu des problèmes intérieurs algériens, et encore moins des intimidations dont ont récemment été victimes les avocats des familles de disparus, cet épisode aura rendu un grand service à la cause. D’autant que les autorités ont déjà donné un bon coup de pouce aux organisateurs dans cette campagne de dénonciation, en refusant aux invités étrangers de ce séminaire, comme l’éminent avocat chilien et défenseur des droits de l’homme, Roberto Garrétón, le droit de se rendre sur le territoire algérien pour participer à la rencontre [3].
Certes les discussions sur l’établissement éventuel d’une Commission vérité en Algérie n’a pas avancé d’un iota, mais l’épineux dossier des disparus reprend du terrain.
Il convient donc de remercier chaleureusement les autorités pour ce coup de théâtre qui a permis au séminaire -avorté- d’avoir le retentissement escompté. À défaut d’avoir sapé les associations organisatrices, cette interdiction a réaffirmé les soutiens dont elles jouissent et au lieu d’avoir d’avoir eu raison de leur détermination, elle n’aura fait que l’accroître.
[1] Nom donné aux mères et femmes de disparus qui se rassemblent chaque mercredi matin à Alger devant la CNCPPDH (Commission Nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’homme) pour demander vérité et justice quant au sort des milliers de disparus.
[2] « Est puni d’un emprisonnement de trois à cinq ans et d’une amende de 250.000 DA à 500.000 DA, quiconque, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État ou nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international" ».
[3] Combattant de la dictature de Pinochet, Ancien Ambassadeur du Chili aux Nations Unies et envoyé spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo, Roberto Garretón a reçu de l’Ambassadeur d’Algérie au Chili lui-même l’interdiction d’entrer en Algérie, alors même qu’il venait de recevoir son visa.
Bouteflika appelle ,dans un message à l’UGTM , à sortir l’Algérie du " marasme et du mal vivre " .
Tiens , tiens , quelle perspicacité , Monsieur le président !!
Oui UGTA
faut pas lui en vouloir, c’est un marocain qui ne sait plus ou il habite.
Si le curieux a envie de participer à la dictée de Pivot, il devrait faire attention à la marge et répondre là où il est interpellé. Je ne suis pas la Rédac, mais pour se faire comprendre, il doit aussi aérer son écriture en faisant attention à la ponctuation et mettre les majuscules là où c’est demandé.
Il y a à boire et à manger dans les dépêches de la MAP concernant l’Algérie. En attendant qu’elles soient crédibles et honnêtes pour être reprises ailleurs, contente toi de repérer les coquilles "vides" au propre comme au figuré.