Ben Ali est un nom vendeur, gage de qualité, d’efficacité et de bons rapports avec toute la « haute » de Carthage à Sousse. Une valeur sûre parieraient les financiers de la place. Une niche prometteuse assureraient les marketeux. Hayet Ben Ali, la sœur du vénéré président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, l’a bien compris, elle qui en use et abuse sans modération.
Ainsi, la société E.H.B.A., comprendre l’Établissement Hayet Ben Ali, se permet, sans complexe de petitesse, d’adresser une lettre des plus impératives, ressemblant à s’y méprendre à un ordre d’achat, à monsieur le ministre de la Défense tunisienne. Quoi de plus naturel : le directeur de cet établissement se nomme étrangement Akram Ben Ali, le fils d’Hayet justement, dont il a adopté le précieux patronyme. Certes, dans certains pays comme l’Espagne, la femme garde son nom de jeune fille qu’elle accole à celui de son mari, les enfants portent alors le nom des deux parents et possibilité ensuite à eux de choisir. Mais au pays des Trabelsi, Zarrouk, Mabrouk… même si la famille est sacrée et rime souvent avec business, rien de tel n’est spécifié dans la législation. Au contraire, la mariée, en plus du pire et du meilleur, doit se farcir le nom de l’heureux élu. Il n’y a donc aucune raison pour que le fils de la soeur du président porte le nom de sa mère.
En plus d’un ton limite autoritaire, le sceau Ben Ali permet d’éluder le problème des appels d’offre. Cette missive, signée habilement « votre frère », rapporte que E.H.B.A. « peut intervenir auprès du ministre de la Défense en cas de problème d’entretien [des avions C130] ou d’intervention urgente ». Et en cette qualité de membre de la famille présidentielle et de « représentant de la société Hammer Emirates qui est actuellement responsable de l’entretien de 200 voitures de l’armée nationale », il est instamment demandé que « Monsieur le ministre, [évalue] la possibilité que la société Gamco obtienne [son] accord pour l’entretien des avions et la maintenance des pièces détachées. »
L’usurpation de nom remplace avantageusement une consanguinité finalement bien désuette.