La cohabitation vacille entre le président Bouteflika et les militaires de la Direction du renseignement et de la sécurité.Et les couteaux sont sortis. Hélas pour Boutef, les fins limiers ont tiré les premiers.
En janvier, un séisme a secoué le pouvoir algérien. La destitution et la mise sous contrôle judiciaire de Mohamed Meziane, président de la Sonatrach, et de quatre vice-présidents de la société, sont sans précédent. En Algérie, les hydrocarbures sont un véritable État dans l ’ État (120 000 salariés, 98 % des exportations, 60 % des recettes budgétaires). Personne ne songeait, jusqu’à aujourd’hui, à intervenir dans ce sanctuaire pétrolier. Pas même les barbus, pendant la décennie noire. À travers le président de la Sonatrach, c’est le ministre du Pétrole, proche de Bouteflika, Chakib Khelil, qui est désormais dans le collimateur. À la manoeuvre contre Khelil, se trouve le puissant général Mediene, surnommé « Toufik », le chef du DRS depuis 1990 ( !) et véritable patron de l’Algérie.
C’est sa troupe qui a déclenché l’enquête judiciaire contre le président de la Sonatrach. Le général Mediene avait pourtant soutenu Boutef aux présidentielles de 1999, 2004 et 2009. Un soutien décisif. Alors pourquoi cette déclaration de guerre et pourquoi aujourd’hui ? Ces derniers temps, Boutef a franchi une double ligne jaune. D’abord, le chef de l’État a mis en avant son frère Said, conseiller à la Présidence, comme un successeur possible. « C’était oublier, commente un diplomate français, qui l’a fait Roi ». Deuxième souci, le président algérien a multiplié depuis l’automne les déclarations fracassantes contre la corruption, notamment pour « les postes à responsabilité sensible ». Le genre de déclarations que les militaires algériens n’aiment guère. La réponse n’a pas tardé. Le DRS, via des enquêtes ciblées, s’en prend à des amis de la Présidence. Longtemps, le ministre des Hydrocarbures aura été intouchable. En effet, Khelil entretenait les meilleures relations avec l’administration Bush, et notamment Dick Cheney. Avec l’arrivée d’Obama, tout a changé. La secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, n’a-t-elle pas déclaré que les remugles au sein de la Sonatrach étaient « une affaire purement algérienne » ?
D’autres affaires agitent le microcosme algérois. Ainsi le dossier de l’autoroute est-ouest. Où l’on voit Pierre Falcone, emprisonné en France dans l’affaire de l’Angolagate, se faire l’intermédiaire d’une société chinoise auprès du ministre des Affaires étrangères algérien, un ancien de l’Unesco comme lui, Mohamed Bejaoui. Tandis qu’à Paris, un certain « Sacha », fidèle agent du même Falcone, a désormais disparu. Et où l’on découvre plusieurs militaires rackettant les Chinois, jusqu’à ce que ces derniers balancent tout sur la place publique. À côté d’Alger, les luttes Sarko- Villepin paraissent bien fades.
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