Horizon Noir en Russie

En 2005 et 2006, 843 attaques xénophobes ont été enregistrées dans le pays dont 86 mortelles, selon le centre analytique indépendant SOVA… « Les Africains de Russie ont eu à déplorer 5 morts, et au moins 4 invalides », souligne Désiré Deffo, vice-président camerounais de l’Union Africaine. Lors des procès d’assassins, les juges nient généralement la préméditation raciste. Cette ambiance et le silence des autorités sur la question encouragent les agresseurs. L’assassinat le 7 avril 2006 de Samba Lampsar Sall, un Sénégalais de 28 ans membre actif de l’Union Africaine, a fait légèrement bouger les choses : il intervenait dans les établissements scolaires en donnant des cours contre la discrimination et le racisme. Pour cela, il était passé par l’entremise des « Nashi », (« Les Nôtres »), les jeunesses du président Vladimir Poutine.

Il peut sembler curieux que l’Union Africaine ait pris liens avec une organisation aussi officielle que les « Nashi », alors même que la société civile est mise au pas par le régime Poutine de démocratie blindée. « Impossible de combattre directement les nazis : ils ont trop de soutien dans un pays foncièrement raciste, explique Désiré Deffo. La seule alternative, c’est le travail d’influence et d’éducation avec le gouvernement : « les « Nashi » se targuent d’avoir une approche positive d’intégration et de tolérance ; nous profitons de l’occasion pour passer dans les écoles. Leur politique ne nous intéresse pas. »

Deffo et ses amis comptent beaucoup sur le désir de la Russie de se donner une meilleure réputation dans les structures internationales, au moins du point de vue de la lutte contre le racisme. « Résorber l’image d’un pays marqué par le racisme et la discrimination est de leur intérêt. Les rapports d’ONG internationales aident beaucoup à une certaine prise de conscience et influencent d’une manière ou d’une autre les instances du pays ».

Le gouvernement de Saint-Pétersbourg a récemment financé un « projet de tolérance » sur trois ans de l’Union Africaine concernant la jeunesse, mais aussi des fonctionnaires régionaux, de la ville et de la police. Le projet appuie sur la problématique du multi et de l’interculturel, par le biais de conférences, de projections de films, de tables rondes, dans les médias, dans les écoles, à l’université : « Nous ne démarrons pas de nulle part, précise Désiré Deffo ; j’ai été nommé expert auprès du Conseil des Jeunes au Parlement municipal en charge des problèmes de tolérance. J’ai également été professeur 3 mois à l’école de police et j’ai vu défiler 3000 élèves. Si quelques dizaines ont compris mes cours, c’est déjà un succès ».

Cette symbiose avec les organes de l’Etat n’est pas bien vue par tout le monde, mais il est difficile de jeter la pierre aux militants de l’Union Africaine. D’autres s’en chargent… au sens propre.