Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
CULTURE / CHRONIQUE BOUQUINS

George Steiner, maître à lire

Littérature / lundi 10 mai 2010 par Jacques-Marie Bourget
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

Cet écrivain, philosophe et critique publie un recueil de ses chroniques parues dans le très exigeant magazine américain New Yorker, entre 1967 et 1997. Un esprit libre et moqueur qui vise juste.

Ce cher Daniel Cohn-Bendit devrait s’intéresser à George Steiner. Cet écrivain appartient à une espèce plus menacée que le grand Tatras. Le dernier rapport de notre bureau de vérification, chargé de mesurer l’épaisseur du talent, comme le publicitaire Jean-Louis Étienne le fait pour la couche de glace de la banquise, nous indique que Steiner est le dernier de son espèce. Allons-nous le cloner ?

Combattant littéraire

Dans Bakchich, je vous ai encouragés à lire Doris Lessing, 90 ans… Puisque Steiner n’en a que 81, remarquez que ma gérontophilie se calme. Comment faire entrer Steiner dans une boîte, comme ces femmes que scient les illusionnistes au music-hall ? Pas commode, surtout sans égoïne. Ce qui tombe bien puisque ce George est un homme sans ego, ni en «  ine » ni en « isme ». Si ce dernier Mohican était un appartement, on dirait qu’il est de plain-pied : on peut entrer dans ses pensées sans frapper à la porte. Ce Franco-Anglo-Américain est, officiellement, un spécialiste de « littérature comparée et de théorie de la traduction ». ça n’a pas manqué, le parcours du combattant littéraire l’a conduit au coeur du fourneau de la nature humaine, là où les mots peuvent se changer en philosophie.

Dans la collection « Arcades », Gallimard publie une sélection des chroniques adressées de 1967 à 1997 par Steiner au magazine, pur intello américain, le New Yorker. Un hebdomadaire dont on ne publiera jamais l’équivalent en France, par la faute du choc des ego, de la résonance des chapelles vides et de l’importance des passages chez Giesbert ou Ruquier.

Slalom géant

Athée, mais issu d’une famille juive, Steiner respecte la culture et les traditions de cette religion. Hanté par l’Holocauste, il dénie à Israël le droit de se constituer en un pays militaro-policier : « Il serait, je crois, scandaleux (mot de provenance théologique) que les millénaires de la révélation, d’appels à la souffrance, que l’agonie d’Abraham et d’Isaac, du mont Moriyya à Auschwitz, aient pour dernière conséquence l’instauration d’un État-nation, armé jusqu’aux dents, d’un pays livré à la Bourse et aux mafiosi, comme toutes les autres terres. » Voyez si ce sage est compliqué.

Pour ceux qui suivent encore la piste de mon slalom, et qui veulent quand même découvrir le pur penseur, lisez Errata que Steiner a publié en 1998, bouquin plein d’idées paradoxales : « Tout au long de ma vie, j’ai essayé de jouer les agents doubles ou triples, cherchant à suggérer à une grande langue et à une grande littérature la nécessaire présence de l’autre. »

Comme le dirait Gaston, Steiner est un berger. Son slalom à lui, dans son livre de chroniques, est géant : Antony Blunt, Webern et Vienne, Albert Speer, Orwell, Karl Krauss, Brecht, Céline, Malraux, Nabokov, Russell, Lévi-Strauss… Cela vous suffit-il ou dois-je ajouter la tare, pour faire le poids, Foucault, Soljenitsyne ?

La pensée est de première main, tel un témoin questionné par TF1 face à l’auto victime du verglas, Steiner a assisté à tous les accidents de l’histoire, et ses bonheurs aussi, il a connu les hommes dont il parle. En vingt-cinq pages, il passe Orwell dans l’un de ces scanners qui ornent maintenant les aéroports de la peur, et termine par une question : « L’homme peut-il tuer le temps sans attenter à l’éternité ? » Orwell a tenté de « tuer » son temps, celui de la barbarie. Le prix à payer est que sa guérilla l’a éloigné de la beauté durable : 1984 ne sera jamais l’Éducation sentimentale.

Dessin de Pakman - JPG - 34.3 ko
Dessin de Pakman

Dans Céline, Steiner qui « préfère un SS cultivé à un garçon de plage », décèle trois personnages. Le plus important est Bébert, le chat, l’autre est Céline, le nouveau Rabelais ; quant au Dr Destouches, postillonnant antisémite, il le laisse « pourrir en rayons ». Malraux, qui n’est plus celui du début mais le ministre qui fait de Paris une Alger, ville blanche, n’attire pas Steiner : le «  Malraux sur l’art, la mort, l’esprit immortel de l’homme ou l’esthétique du pouvoir n’est que rhétorique ». Malraux est comme Céline, ce qu’il y a de meilleur en lui, c’est le chat.

------

Lectures, par George Steiner, éd. Gallimard, 404 pages, 18 euros.

AFFICHER LES
1 MESSAGES

Forum

  • George Steiner, maître à lire
    le dimanche 9 mai 2010 à 09:44
    Le grand Tétras ( coq de bruyère) pas le grand Tatra, ça c’est une marque de voiture ou le nom d’une chaine de montagne…
BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte