La presse marocaine et internationale est largement sollicitée par le Royaume chérifien pour faire passer le message : tout va bien !
Plus que jamais, le Palais royal se livre à son exercice favori : l’autosatisfaction. A en croire la presse aux ordres, tout irait pour le mieux dans le plus beau des royaumes enchantés. A cette euphorie, une raison entre autres : la croissance est bonne, autour de 7%, grâce notamment à une bonne pluviométrie et des récoltes record.
La production agricole va atteindre un niveau plus qu’honorable, juste derrière les années particulièrement fastes. Reste que la croissance de la production, une fois ôtée l’agriculture, ne dépassera pas 3%. Et que le chômage dans les villes tourne autour de 15 % (dans les campagnes, pas de problèmes, vu qu’à force d’exode rural on manque de bras).
Autre motif de satisfaction, les investissements de l’étranger sont bons notamment grâce à un regain d’intérêt des pays du Golfe pour le Maroc. Un bémol là encore, ces investissements vont privilégier l’immobilier et l’hôtellerie peu créateurs d’emplois. Surfant sur ces bonnes nouvelles, le Palais a développé une nouvelle stratégie de communication d’un Roi au-dessus de la mêlée qui multiplie les bains de foule et les activités caritatives. Normal, le royaume s’apprête à entrer en période électorale avec les élections législatives prévues pour 2007. Ainsi, la vénérable agence de presse officielle MAP n’hésite pas à embaumer sa grâcieuse majesté au travers de dépêches intitulées « Le Maroc de Mohammed VI : un nouveau souffle de réformes pour un progrès-socio-économique solide ».
Bien en cour, le journal Jeune Afrique ne pouvait guère manquer cette occasion inespérée de donner un petit coup de main au staff communication de sa Majesté. Et comme on pouvait s’y attendre, c’est François Soudan qui s’y colle dans un article tout à la gloire de M6. On pouvait par exemple y lire : « le social et l’humanitaire sont les deux passions d’un roi persuadé que ce qui menace le plus l’avenir du royaume c’est, justement, son déficit béant en la matière (sociale). Et puis, le peuple, le contact, les mains que l’on touche, M6 aime ». Ou encore « Dans la capitale congolaise, le propriétaire de l’hôtel Olympic se souvient encore de l’avoir vu débouler un soir, pour lui emprunter sa voiture. Suivi par une cohorte affolée de gardes du corps (…) qu’il s’est amusé à semer, Mohammed VI s’est ensuite perdu dans Poto Poto et Makelekele, obligé de demander son chemin à des quidams, dont certains étaient peut-être des malfrats en goguette ! »
Mais le clou du reportage de l’envoyé très spécial de Jeune Afrique reste cette anecdote où l’on y découvre qu’alors qu’il se baladait dans une verdoyante forêt, une jeune fille accosta le bon roi pour lui déclarer : « Majesté, je n’ai rien à vous demander pour moi. (…) Mais ma ville de Taza se meurt. Alors, s’il vous plaît, venez nous rendre visite et tout va changer ». De là à ce que le peuple se mette à voir le profil de M6 se refléter sur la lune, il n’y a qu’un pas.
Bref, c’est beau, c’est mièvre, ça prend les lecteurs pour des imbéciles mais surtout la nouvelle stratégie de communication du Palais répond à des objectifs bassement politiques. Alors que les islamistes ont méthodiquement occupé le terrain social laissé à l’abandon par Hassan II et la gauche bien trop occupée à cirer les babouches de feu Sa Majesté, alors que les conseillers de M6 ne se cachent même plus pour reconnaître que les élections de 2007 seront (une fois de plus) bidouillées en amont, il devenait urgent d’élever le monarque au-dessus du commun des mortels… La tâche qui l’attend maintenant pour redresser le pays et le sauver dans les prochaines années des griffes acérées des barbus relève effectivement du surnaturel. Bon courage M6 car il va en falloir !