Et burqa pas ?

Depuis le Québec, Francis Desharnais s’est attaqué avec courage et constance (pendant quatre ans) au sujet de la burqa. Pas facile quand on sait à quel point le sujet est sensible, en France comme ailleurs. Nous en avons encore eu la preuve récemment. L’idée du projet lui est d’ailleurs venue alors qu’il séjournait à Paris en 2003, en pleine polémique du port du voile dans les établissements scolaires. Dans l’introduction de son album, il indique qu’ « un débat similaire sur les accommodements raisonnables secoue depuis plus d’un an le paysage médiatique et politique au Québec ».

Burquette de Francis Desharnais

© Éd. Les 400 coups

Pas de doute, même si les occidentaux sont unanimes pour condamner cette pratique, le sujet continue de poser problème. Dans une tribune de Libé, publiée vendredi 18 juillet, Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux et ancienne personnalité qualifiée du Conseil français du culte musulman, a beau saluer la décision du Conseil d’État qui a refusé la nationalité française à une femme marocaine portant la burqa, elle reproche à la République de laisser « les intégristes définir l’islam » et pense que « relier la burqa à une pratique de l’islam c’est valider la définition de l’islam des intégristes et renforcer le pouvoir ». Hum, pas simple donc.

Mais revenons à nos vignettes. Ou plutôt à nos strips, une forme de bande dessinée très répandue en Amérique, façon Calvin & Hobbes [1] pour le Nord ou Mafalda [2] pour le Sud. Dans Burquette, Alberte, ado de 14 ans, désole son père qui rêve de la voir devenir une grande intellectuelle. Malheureusement, la petite s’intéresse plus à Justin Timberlake et à la dernière Une de Vogue qu’à Diderot et Sartre. Mais le papa n’a pas dit son dernier mot. Pour éveiller le sens critique de sa fille, il va lui imposer de porter la burqa pendant une année. A l’école, dans les booms, les concerts… « Dans un an tu vas être un chef-d’œuvre de profondeur humaine » lui explique-t-il avec conviction.

Strip Burquette

© Francis Desharnais, Éd. Les 400 coups

Alberte

© Francis Desharnais, Éd. Les 400 coups

Le début est enthousiasmant. Drôle d’idée après tout qu’un père lambda impose la burqa à sa progéniture. Mais la suite est un brin décevante. L’histoire part dans tous les sens et on perd un peu de vue l’objectif de départ : traiter de manière comique et détournée le port de la burqa. Alberte se retrouve à l’affiche d’une émission de télé-réalité, prise dans le flot médiatique, elle croise son père en boîte en train de draguer une jeunette de 18 ans, elle fugue retrouver sa mère strip-teaseuse, etc… Difficile de suivre et de ne pas trouver que l’auteur s’égare. Seule libération pour Alberte ? Quand cette dernière envoie balader son père et finalement lui échappe en allant vivre avec sa mère. Plus de joug masculin. Mouais.

On a quand même retenu quelques épisodes cocasses. Si la burqa est un parfait déguisement pour la traditionnelle fête d’Halloween, plus difficile pour le bronzage. Mieux vaut la marque camionneur que la marque grillage ! Et quand Alberte tombe amoureuse de son petit voisin algérien Kader, les deux ados s’amusent à jouer aux intégristes : « En plus, mon collier de barbe me donne vraiment l’air d’un extrémiste ! » Précise Kader avec trois poils au menton. Allez, sans rancune.

N.B : Francis Desharnais a plus d’un tour dans son blog.