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Enfants de la Révolution

théâtre / mardi 10 février 2009 par Renaud Chenu
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« Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue », une pièce de théâtre hallucinante.

Ronan Cheneau, David Bobee et De LaVallet Bidifono n’ont pas peur des enfants. Ils n’ont peur de rien, sauf de ne pas être entendus. Leur théâtre est terriblement politique : il trouve sa source dans un regard lucide sur la violence des rapports humains et s’enracine là où la vérité puise ses exigences. Un propos percutant, révolutionnaire, servi par des danseurs magnifiques venus nous dire une chose simple : la danse contemporaine est aussi congolaise, Brazzaville est un creuset de création. Mélangez-ça avec des danseurs et un acrobate flippant de talent, et vous obtenez une création scotchante, frisant les moustaches de la perfection. L’utilisation du son et de l’image se passe de commentaires : tous les sens sont sollicités en permanence, maestro la régie !

« Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue » est une réalisation magistrale, une merveille de justesse. Cette pièce prend aux tripes, nous tenant dans un état de tension jubilatoire du début à la fin. La salle debout, cinq rappels, les cris, les sifflets de bonheur, les regards brillants, les sourires illuminés, ma voisine qui chiale tout en hurlant « bravo ». Le kiffe total.

Une France à qui on peut dire merde

La peur. Laquelle ? La peur construite par l’antiterrorisme comme mode de gouvernement qui nous habitue aux mitraillettes portées par des petits gars à l’air hagard dans les halls de gare et criminalise une jeunesse dont le seul tort est de grandir dans des ghettos. Ce flic, plus vrai que nature, annihilant toute joie de vivre. Toujours là, comme toujours, dans son idiote et nécessaire brutalité sans laquelle l’ordre ne serait rien.

L’amour. Refuge de l’humanité pour que la vie puisse être belle quel que soit son environnement. L’amour filmé dans sa plus simple expression, entre elle et lui, découvrant mutuellement leurs corps transis d’émotions. Entre elle et lui se caressant avec une douceur confondante. Les premières flammes qui embrasent chaque parcelle de l’être jusqu’à l’explosion des sens. Un pur moment d’érotisme, fin et délicat.

L’identité. La sienne, ce trésor qui nous différencie du végétal et de l’animal et qu’un ministère voudrait administrer et régenter pour nous. On y va, « il est là le mur », « identité nationale », quel est le message ? La marseillaise. Jamais, depuis Gainsbourg, elle n’a été aussi bien interprétée. La troupe a inventé un nouveau style : la techno martiale, ou un truc approchant, servie par une sirène superbe déployant avec frénésie son corps parcouru de spasmes semblant hurler « La Patrie reconnaissante »…

Cris de liberté

La liberté. L’actrice dont on ne peut que tomber amoureux est la liberté. Elle déchire le tableau de David et lui donne vie dans un cri de lumière éphémère, pour sombrer dans le vacarme des mitraillettes de la peur. Les tirs réalisant le seul travail qu’ils savent faire au nom des grandes idées nationales : faucher la vie, la jeunesse, la beauté… Parce que l’individu n’est rien quand la cause l’exige. Mais la mort ne triomphe jamais totalement et la guerre ne tue que ceux qui n’y survivent pas. De nulle part, des corps ressuscitent de cadavres débordant soudain de vie, délurés, délirants… Et la passion arrogante, la folie des corps brûlants de désir s’imposent dans une scène qui, d’abord frappante, nous tétanise puis fait exploser le public de rire. On y est, on tient là le sel de l’existence. L’amour c’est ça ? Pas le temps de répondre. « National », « on y va là », « il est là le mur », il s’est érigé devant nous. Et sa révolte se cache dans ses muscles, dans la violence de ses mouvements, dans la puissance d’une chorégraphie qui vaut mille discours.

Un pays est une idée, est-ce que ça vaut vraiment le coup de mourir pour une abstraction ? L’homme est au-dessus des idées qu’il produit. Elle, calme, le dit simplement dans son micro, dans une langue claire, sourdement énervée… Et Platon ? Elle l’emmerde !

Et après ? En sortant de la salle, le public se prend à croire que tout est possible. Il y en a un avant et un après la signature d’une grande oeuvre.

« Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue », une pièce de Ronan Chéneau, mise en scène par David Bobee. Chorégraphie : De LaVallet Bidiefono. Au théâtre 2Geneviliers, 41 avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers.

Pour tout renseignement sur la pièce : http://www.theatre2gennevilliers.com/content/view/125/


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