Les moines sauvageons, soutenus massivement par la population, amplifient la contestation non-violente de la dictature militaire birmane.
Les généraux birmans, claquemurés dans leur nouvelle et ruineuse capitale Pyinmana, ne parviennent pas à contrôler une situation de plus en plus volatile. Depuis une semaine, leurs méthodes habituelles de répression : sanglant matraquage des manifestants et arrestations systématiques de tous ceux qui ont l’apparence de leaders, sont mises en échec. Dans une dizaine de villes, des moines, en robe, marchent chaque jour par centaines – parfois par milliers – dans les rues en récitant des paroles de Bouddha.
Les bonzes demandent à la population, qui les acclame, de ne pas s’exposer et de les laisser seuls, pour le moment, « combattre pacifiquement l’injustice ». Des parades sont visiblement préparées par la junte, de nombreux témoins font état de miliciens aux crânes fraîchement rasés – afin de pouvoir se déguiser instantanément en moines – prépositionnés dans des camions aux endroits stratégiques, qui pourraient être lancés dans des actions violentes pour discréditer le mouvement et/ou molester les vrais moines… Des pressions de toute sorte s’exercent sur la hiérarchie religieuse, pour qu’elle fasse rentrer les moines dans leur monastère, mais chaque jour de nouveaux groupes de religieux descendent dans la rue.
Les leçons de la féroce répression de 1988 (une dizaine de milliers de morts par balles, des dizaines de milliers de réfugiés hors de Birmanie etc.) ont été tirées par une société civile désarmée. En 20 ans, les 55 millions de birmans ont acquis la certitude qu’il n’y avait aucune évolution à attendre d’un régime militaire brutal, incompétent et corrompu. Toutefois, malgré le profond sous-développement du pays, le progrès technologique fait sentir ses effets, et permet de suivre, quasiment en temps réel, l’actualité à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Une diaspora birmane composée d’ex-étudiants, a lancé, et fait fonctionner des sites internet performants, une radio onde courte reçue sur tout le territoire, et même une télévision, la dvb (democratic voice of Burma), qui dispose d’un vaste réseau de correspondants anonymes.
La Birmanie n’est plus ce trou noir de l’information dans lequel feu le général Ne Win l’avait plongée de 1962 à 1988. Un gouvernement en exil, issu des élections de 1990, se fait entendre. Il vient d’organiser, dans plusieurs capitales, des manifestations devant les ambassades chinoises, rappelant ainsi que la junte birmane n’aurait jamais survécu à son abyssale incompétence sans le soutien multiforme et massif que lui apporte Beijing.
Est-ce vraiment un hasard si les deux régimes les plus ubuesques d’Asie – la Corée du Nord et la Birmanie – sont limitrophes de l’organisateur des Jeux Olympiques de 2008 ?