Le royaume de Thaïlande est en ébullition. Des manifestants exigent la démission du Premier ministre. Et la reine Sirikit manœuvre pour transmettre la couronne à son fils, le prince Vajiralongkorn.
Le Royaume de Thaïlande n’a pas attendu le krach financier pour entrer en récession économique et verser dans une crise de régime carabinée. Les troubles sociaux et manifestations qui durent maintenant depuis plusieurs mois ne se calment pas. Loin de là ! Des manifestants occupent toujours le siège du gouvernement à Bangkok, contraignant les ministres à se réunir dans le salon d’honneur de l’ancien aéroport de Don Muang.
La crise politique a déjà coûté son poste au Premier ministre issu des élections de fin 2007, Samak Sundaravej, reconnu coupable par la Cour suprême thaïlandaise d’avoir continué à recevoir des émoluments d’une chaîne de télévision pour son émission hebdomadaire de cuisine. Quant au nouveau Premier ministre, Somchai Wongsawat, élu par le parti majoritaire PPP (People Power Party), il a connu les pires difficultés le 7 octobre dernier pour prononcer son discours d’investiture au Parlement. Des manifestants ont tenté d’occuper les lieux et sont parvenus à y couper l’électricité. La violence des affrontements avec la police s’est en outre aggravée dans la rue : les dernières manifestations ont déjà fait deux morts et environ 400 blessés.
De son côté, la Maison royale est en ébullition et la reine Sirikit à la manœuvre. Son obsession ? Assurer la montée sur le trône de son fils, le prince héritier Vajiralongkorn. La reine-mère sait pertinemment que son rejeton est détesté du peuple tandis que son père, l’actuel souverain Bhumidol, bientôt 81 ans et très fatigué (c’est un euphémisme), jouit d’une adoration confinant à la dévotion.
Et comme par hasard, les opposants à l’actuelle majorité parlementaire regroupés au sein d’une coalition assez hétéroclite, l’alliance du peuple pour la démocratie (PAD), viennent de tomber les masques : ils réclament ouvertement un changement du mode de désignation des parlementaires. Leur objectif ? Mettre un terme aux majorités populistes proches de l’ancien Premier ministre Taksin Shinawatra (renversé par un coup d’Etat militaire en 2006 et aujourd’hui en exil à Londres), qui gagnent régulièrement les élections depuis 2001 en s’adonnant largement à l’achat de votes dans les provinces pauvres du nord et du nord–est du royaume. Concrètement, ces opposants veulent faire coopter une partie du Parlement sur des critères socio-professionnels, afin de « mieux refléter la société civile ». Si cette pratique n’a rien de démocratique, elle devrait leur permettre de s’assurer la loyauté de représentants acquis à la monarchie qui ne voteraient pas son abolition. L’entourage de la reine Sirikit soupçonne en effet Taksin et ses partisans de ne pas faire de la pérennité de la monarchie leur priorité absolue…
Selon une source proche de la Cour thaïlandaise, la reine-mère a en tête le cas du Népal, royaume où, au printemps 2008, la monarchie a tout simplement été abolie suite au vote sans appel d’une assemblée constituante élue. La reine Sirikit, qui entretenait d’étroites relations avec l’ancienne famille régnante népalaise, n’a pu s’empêcher de dresser un cruel et ô combien fondé parallèle : à Kathmandou, avant l’abolition, un monarque très impopulaire avait succédé à un roi respecté… Du coup et de façon tout à fait exceptionnelle, Sirikit n’a pas hésité à assister aux funérailles de l’une des manifestantes tuées lors de heurts avec la police. Le roi Bhumidol de Thaïlande, à la santé flageolante, très affecté par le décès de sa sœur, s’est retiré dans une pagode de province où il passe le plus clair de ses journées à méditer et n’accorde plus guère d’importance aux tristes réalités de ce monde. Son épouse ne peut donc rien attendre de lui pour faciliter l’intronisation de son fils Vajiralongkorn. L’impopularité du personnage, le mépris avec lequel, en privé, les Thaïs parlent du prince héritier, ne laissent pas présager un long règne tranquille. S’il parvient à monter sur le trône.
Pour comprendre le pourquoi du comment en Thaïlande, un très long très bon article toujours d’actualité. "Les suites du coup d’état : une spirale sans fin ?" "Développement capitaliste sans révolution démocratique"
vendredi 27 octobre 2006 par SANUK Jean, SABAI Danielle
Le lien :
http://alternatives-international.net/article393.html ?var_recherche=thailande&lang=fr
re : dans tous les pays du Sud-est asiatiques, le souverain est un dieu ⇒ farpaitement
re : le roi du Népal a pu monter sans problème sur le trône il y a quelques années, après qu’il ait simplement assassiné lui-même au cours d’une crise de folie deux douzaines de membres de sa famille
⇒ pas du tout : onze personnes au total et la commission d’enquête a tranché le 15/06/01 : La famille royale népalaise a bien été victime du prince héritier. Dipendra était le responsable du drame. La commission enquêtant sur le massacre de la quasi-totalité de la famille royale népalaise, le 1er juin 2001, a officiellement confirmé que le [fils] prince héritier Dipendra était responsable de la tuerie… et non Gyanendra, le petit frère du roi, qui a lui succédé selon la tradition.
re : tous les non thaïlandais savent pertinemment que Bumidol est un fantoche et ce que je crains surtout c’est que les manifestants qui s’agitent devant les médias occidentaux soient en fait instrumentalisés par l’armée qui rêve évidemment de reprendre les rênes.
⇒ Le roi Bhumibol Adulyadej est tout sauf un fantoche ! Les fêtes célébrant sont anniversaire à travers tout le royaume le 05/12/08 en seront la preuve éclatante.
⇒ Après le coup d’état du 19/11/06 et pendant les 18 mois passés à la tête du pays, les dirigeants militaires se sont complètement discrédités. Je ne pense pas qu’ils aient envie de renouveler l’expérience, à moins qu’il y ait une vacance du pouvoir et qu’ils s’y recollent par défaut Entre la peste et le choléra…
Vous oubliez quelques détails qui sont assez importants pour comprendre un peu mieux ces événements exotiques.
D’abord, dans tous les pays du Sud-est asiatiques, le souverain est un dieu et, par exemple, ça explique en grande partie les carrières assez extraordinaires de Sihanouk. Ca explique aussi le fait que le roi du Népal ait pu monter sans problème sur le trône il y a quelques années, après qu’il ait simplement assassiné lui-même au cours d’une crise de folie deux douzaines de membres de sa famille ; la disparition de la monarchie était un peu prévisible …
En ce qui concerne le chaos thaïlandais, tous les non thaïlandais savent pertinemment que Bumidol est un fantoche et ce que je crains surtout c’est que les manifestants qui s’agitent devant les médias occidentaux soient en fait instrumentalisés par l’armée qui rêve évidemment de reprendre les rènes.