Le président Robert Mugabe et le Mouvement pour le changement démocratique de Morgan Tsvangirai devraient signer un accord de principe ce lundi 21 juillet, selon le ministre zimbabwéen de la justice Patrick Chinamasa. Retour sur les non dits concernant la situation du Zimbabwé : Mugabe, un dictateur qui a bon dos.
C’est une affaire réglée. Robert Mugabe est un dictateur qui affame et terrorise son peuple. De plus, ayant décidé de durer son temps et celui de ses petits-enfants, il refuse de céder la place au sommet de l’État, et semble considérer que le Zimbabwe lui appartient. Mais est-on sûr qu’il soit le seul coupable ? Entendons-nous bien, il ne s’agit surtout pas de prendre la défense de l’homme ni du système qu’il a mis en place. Tout a été dit ou presque sur les violences et les manquements aux droits de la personne humaine dont ces derniers se rendent quotidiennement responsables. Sans oublier le fait qu’ils ont provoqué la faillite économique de ce qui fut l’une des perles agricoles de l’Afrique australe. Faut-il rappeler que l’inflation y dépasse actuellement les 100.000 % et encore, il ne s’agit que du chiffre officiel, les comptes rendus habituels avançant celui de 400.000% ?
Je n’ai nulle intention de plaider la cause de Mugabe. Pour moi, il n’est qu’un membre de la kyrielle de tyrans qui, du nord au sud de l’Afrique, ont confisqué la liberté de leur peuple et trahi les idéaux qui fondèrent les luttes pour l’ indépendance et la dignité. Pour autant, il y a des moments où les mécanismes souterrains qui conditionnent - voire qui fabriquent - l’opinion publique, m’exaspèrent. C’est toujours la même chose. Pour des raisons dont personne ne parle, le Nord ou l’Ouest se découvrent soudain un méchant à désigner du doigt. Les médias embrayent et se déchaînent pour vendre une histoire manichéenne, sans nuance ni véritable explication de fond.
Ne cherchez donc pas à comprendre : on vous dit et répète que Mugabe est un vilain dictateur et qu’il porte seul l’entière responsabilité de la crise politique qui secoue son pays. De fait, nous sommes bombardés de tonnes de reportages et d’analyses qui tissent un lien invisible mais tellement évident entre le président zimbabwéen et ceux qui l’ont précédé sur l’autel de l’infamie mondiale.
Partant, la moindre tentative de réflexion est assimilée à de la compromission voire à de la trahison. Mais, heureusement, il arrive que des journalistes dérogent à la règle et rappellent quelques bonnes vérités. C’est le cas de Chris McGreal, reporter britannique qui est considéré comme l’un des plus grands spécialistes de l’Afrique australe. Dans un article récent publié dans le quotidien The Guardian et traduit en partie par Courrier international, il rappelle que le gouvernement britannique ainsi que les fermiers blancs du Zimbabwe portent aussi une grande responsabilité dans la crise [1]. Il s’agit de deux éléments importants de ce dossier, pourtant ils sont le plus souvent passés sous silence.
Contrairement à ses engagements pris lors de l’indépendance du Zimbabwe en 1980, le gouvernement britannique s’est toujours refusé à financer la redistribution des terres des fermiers blancs. À chaque fois que Mugabe s’est adressé à Londres pour obtenir gain de cause sur cette question, une fin de non-recevoir lui a été opposée tandis que le ton montait de part et d’autre.
Il faut dire que, contrairement à une idée reçue, l’indépendance du Zimbabwe en 1980 n’a pas modifié le statut des Blancs de l’ex-Rhodésie du Sud, État raciste par excellence. En accédant au pouvoir, douze ans avant la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, Mugabe ne les a pas chassés pas plus qu’il n’a nationalisé leurs terres. Ces derniers, rappelle McGreal, n’ont pour autant guère modifié leur manière de vivre et surtout leur manière de traiter leur personnel noir dont la situation matérielle a peu évolué en vingt-huit ans. C’est un peu comme si l’Algérie indépendante avait admis que les gros colons demeurent sur son sol et qu’ils continuent à faire suer le burnous du khemmas. Pourquoi Mugabe a-t-il permis ce statu quo ? Les explications sont nombreuses.
Certains y voient une véritable vision politique soucieuse de ménager l’avenir à l’image de ce qui s’est passé plus tard en Afrique du Sud après la libération de Mandela. D’autres rappellent que Mugabe ne pouvait rien faire d’autre que de garantir la tranquillité des fermiers blancs sous la pression de l’ancienne puissance coloniale.
Le rôle politique des fermiers blancs est trop souvent passé sous silence. Bénéficiant de soutiens importants en Grande-Bretagne, qu’il s’agisse de nostalgiques de l’Empire ou d’influents cabinets de relations publiques, ils ont organisé la défense de leurs intérêts en œuvrant à la diabolisation et la chute de Mugabe. Quand on constate l’incroyable couverture médiatique dont bénéficie le Zimbabwe dans les médias britanniques, on devine aisément que des attachés de presse et des lobbyistes ont beaucoup activé dans l’arrière-scène.
Quand le Financial Times publie une pleine page de publicité pour mettre en cause Mugabe ou quand The Economist publie en Une un portrait photographique effrayant du président zimbabwéen avec ce titre « how to get him out » (comment le faire partir), on se dit, si l’on est naïf, que les démocrates au Zimbabwe ont de la chance d’être si bien défendus, contrairement à leurs homologues dans d’autres dictatures africaines. En réalité, tout cela dépasse le cadre de la démocratie. Il s’agit des intérêts d’une petite minorité qui n’a pas réussi à trouver un accord avec Mugabe et qui a décidé d’avoir sa peau, quitte à mettre le Zimbabwe à feu et à sang. Et c’est bien le drame du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai.
Le premier opposant à Mugabe n’a pas su, ou voulu, différencier son combat de celui des fermiers blancs, lesquels n’ont qu’une seule chose en tête : garder leurs terres et ne rien changer à la manière dont ils les gèrent depuis des décennies. Sans s’en rendre compte, Tsvangirai est devenu leur caution à la fois politique - c’est un démocrate qui réclame avec raison le départ de Mugabe - mais aussi raciale puisqu’il est noir. Du coup, le pouvoir zimbabwéen joue sur du velours en accusant le MDC d’être à la solde des fermiers blancs.
Encore une fois, rappeler tout ce qui précède n’exempte pas Mugabe de son écrasante culpabilité. Mais cela permet d’être moins dupe vis-à-vis du concert d’indignations auquel on assiste en Europe et plus particulièrement en Grande-Bretagne.
Lire et relire sur Bakchich :
[1] « Mugabe coupable mais pas responsable », Courrier international, 3 juillet 2008
Quand l’ONU, la SADCC, l’Union Europeenne et tant d’autres (et meme Barak Obama !) condamnent toutes les exactions au Zimbabwe et que vous persistez a parler de neo-colonialisme, et de "gros colons" (NB : il ne reste plus que 20,000 blancs (270,000 avant l’independance) au Zimbabwe, dont 150 fermiers (6000 avant l’independance) sur une population de 13 millions), on se demande qui s’est enferme dans un discours archaique et une vision manicheenne (et raciste) de l’Afrique post-coloniale ?
En outre, vous oubliez que c’est l’ensemble de la population zimbabweenne (donc, noire) qui souffre des violences, de la malnutrition (devinez de quelles fermes provenait les produits alimentaires desormais disparus des marches ?) du plus fort taux d’inflation du monde.
Un tiers de la population a fui le pays (dix fois plus que pendant la guerre d’independance)
Ce pays, dont le president Diouf du Senegal, arrivant a Harare au lendemain de l’independance, predisait qu’il serait developpe en l’an 2000, a un PIB passe de 10 milliards U$ en 1998 a 400 millions U$ !
Le corolaire avec l’Algerie est revelateur (de votre part) mais mal choisi : on sait aujourd’hui que les "gros colons" etaient, en fait, peu nombreux. Un mythe. On sait aujourd’hui que l’agriculture de l’Algerie (faite surtout, a l’epoque de petites exploitations europeennes) ne s’est jamais remise de l’etatisation des terres. On sait aussi que, tot ou tard, les europeens ("pieds noirs") auraient eux aussi, fait l’objet d’un nettoyage ethnique (ou religieux) "a la Zimbabwe"(cf. la rebellion islamiste sanglante en cours depuis les annees 90)
Ce qu’a fait Mugabe (un milliardaire, mais aussi un marxiste non reforme) au Zimbabwe, c’est ce que fit Staline en Russie dans les anneees 20 et 30 en eliminant les Koulaks et en provoquant une famine qui tua (a dessein) des millions de personnes.
En croyant preserver les principes et les valeurs d’une lutte legitime et relativement "pure" pour la liberation de l’Algerie ou du Zimbabwe, vous tombez malheureusement dans la solidarite ethnique et/ou ideologique, aveugle, irreflechie et, donc, destructice de progres et de tolerance.
Quelque soit les criteres de jugement, ses bourreaux ou ses victimes, une dictature est une dictature. Et blamer les blancs, les indiens, les juifs ou les libanais - et peut-etre bientot meme les chinois - pour l’effondrement d’une economie africaine n’a plus prise sur une population simple, mais pas stupide, peu instruite mais pleine de bon sens. Et comprenez egalement qu’un blanc, dont la famille est au Zimbabwe depuis 3 generations, est tout aussi zimbabween qu’est francais un "beur" ou "black" meme de la premiere generation.
Heureusement, la grand majorite des pays et des peuples africains ont bien compris cela. Alors, de grace, epargnez-nous cette apologie de Mugabe et ces attaques contre Morgan Tsvangira qui est, lui, un homme d’un courage exemplaire.
Excellent article, heureux de l’avoir lu sur Bakchich ! Enfin une réflexion équilibrée sur la question du Zimbabwé.
Pour mémoire, un principe fondamental du journalisme est l’équilibre : c’est à dire de donner la parole aux différents protagonistes. Relisez les articles sur Mugabe : un seul point de vue est relayé… (idem le plus souvent sur l’Iran, la Chine etc.)
Je propose une petite évaluation de l’hyperinflation du Zimbabwe, sur mon blog, pour ceux que ça intéresse, afin de compléter cet article… à plus !
http://renovationetpragmatisme.blogspot.com/2008/07/la-stat-du-mois-focus-sur-le-zimbabwe.html