Difficile de dater l’origine du mouvement ou d’en retracer la genèse. C’est comme la rumeur, on ne la repère que lorsqu’elle se met à circuler et à empoisonner les esprits. S’agit-il du moment où il est parti fêter sa victoire au Fouquet’s ? De ses vacances sur le yacht de Vincent Bolloré ? De sa réponse fleurie à un quidam du Salon de l’Agriculture ? De ses SMS envoyés à la barbe du pape ? À moins que cela ne remonte plus loin encore, au moment de la campagne peut-être, du coup du Karcher ou de la racaille ? Mais peu importe. Le mouvement existe et s’est amplifié à vitesse grand V au point de constituer un sport national dûment pratiqué par la majorité des commentateurs dits « politiques ».
C’est ce que l’on appelle le style de Sarkozy, nouvelle marotte et angle d’attaque favori dont nous débattons à longueurs d’ondes et d’articles. L’homme sait-il occuper la fonction ? Est-il digne de sa charge ? Ne montre-t-il pas trop de signes extérieurs de vulgarité ? Comment le monde regarde-t-il cet homme qui fait l’accolade aux chefs d’états et que Bush a récemment comparé au Elvis dernière manière ? Le temps n’est-il pas venu que le petit Nicolas se re-présidentialise ? C’est plutôt confortable, sans danger, distrayant, beaucoup plus pop qu’un décryptage laborieux de sa politique, et, d’un point de vue moral, fortement rémunérateur. Rien de tel qu’un billet anti-Sarko pour se refaire une petite santé journalistique, l’homme est un puits sans fond. Pourquoi ne pas y tremper sa plume ?
Voilà quelques semaines, ils résonnaient partout : les deux corps du Roi étaient devenus le sésame ouvre-toi d’une énigme sarkozyste tenace, la version haute d’une analyse pipaule du bonhomme qui finissait par s’affadir, un concept repris en cœur par des hordes d’éditorialistes politiques qui, un beau matin, se sont réveillés en pensant tout seuls à la même chose que tous les autres. Magie de la pensée politique. « Tu sais, le problème de Sarko, c’est ce qu’on appelle les deux corps du Roi… ». « On », c’est Ernst Kantorowicz, historien allemand et auteur d’une somme éponyme publiée en 1957, théorisant d’après ce que j’en sais, le statut et les pratiques des rois au Moyen-Âge. Je rappelle rapidement la thèse : un roi (ou un chef d’état), ne possède pas un corps mais deux : un corps dit « profane » qui se situe du côté de la jouissance, des plaisirs de la chair et de la Grande Bouffe, et un corps dit « sacré », dépositaire de l’aura de sa charge, d’un temps historique.
C’était Mitterrand lorsqu’il gravissait la roche de Solutré, menton relevé et démarche de momie, solennité du bonhomme et de ses disciples comme s’ils gravissaient le Mont Sinaï. Le problème de Nicolas Sarkozy donc, c’est que son corps profane engloutit son corps sacré. Chez lui, pas de Jekyll, que du Hyde. Guronsan plutôt que Prozac. Résultat : un beauf excité à la tête de l’État, élu par 53% de citoyens qui, si j’en crois les sondages, allaient vite regretter la posture altière de nos anciens présidents.
L’autre vendredi, sur France 2, les « esprits libres » de Guillaume Durand abordent librement et pour la nième fois le style de Sarkozy. Est-il fou ? Narcissique ? s’interroge-t-on autour du plateau, Zébulon ? avance même le patron de Libération, qui quelques mois après s’être fait humilier par le Président lors de sa première conférence de presse, sort un livre qu’il espère réparateur. Libération qui, le 27 mars dernier, publiait un article de fond sur le voyage du couple Sarkozy en Angleterre. Son titre : « un cortège de tics à Windsor » et, en guise d’introduction, une problématique lourde : « Dans ce monde merveilleux de l’anti bling-bling, Nicolas Sarkozy et son épouse Carla, en visite d’Etat deux jours au Royaume-Uni passaient un test. Avec quel résultat ? Une parfaite génuflexion pour la révérence de Madame à la reine mais pour Monsieur… ».
Ca promet, et le meilleur. La suite (une double page) se résume à une longue litanie des « tics » du président, de son allure (forcément gauche), de ses expressions (forcément grotesques), de ses gestes (forcément maladroits), que la journaliste politique relève avec gourmandise, telle une police des convenances prête à désigner violemment du doigt celui qui tente de se fondre dans une foule non autorisée, de l’abuser. Vieux truc du suspense cinématographique, ambiance Bienvenue à Gattaca et froid dans le dos. Florilège : « Nicolas Sarkozy descend, s’avance vers la reine et, hop, premier tic d’épaules » / « Son visage se crispe, se relâche. Il serre les dents, se tord la bouche ». « Il gigote, tourne partout la tête ». « D’où toujours plus de tics. Et c’est maintenant une main passée à la volée dans celle de Carla. C’est pourtant défendu ! ». Comme s’il était enfin pris la main dans le sac, comme s’il allait enfin payer pour son physique trop disgracieux, ses goûts trop triviaux, ses talonnettes trop hautes, sa démarche trop lourde et ce stylo piqué à Angela Merkel. Délit de faciès ? Racisme social ? Non, juste une technique d’opposition, entre guerre totale et tradition satirique : après tout, la fin (abattre Sarkozy) justifie tous les moyens. Pourquoi pas ?
Cela dit, quoi de plus amusant que de voir les promoteurs de Mai 1968, les infatigables défenseurs de son esprit libertaire et irrévérencieux, se transformer aujourd’hui en défenseurs pointilleux du protocole sous toutes ses formes ? On les retrouve ainsi en sentinelles de la bonne tenue, en gardiens des codes d’une éthologie aristocratique et du respect des règles de bienséance, traquant les fautes de pas du roturier Sarkozy. Afin de noircir le tableau (décidément, Sarkozy n’est pas des nôtres), on ressort même De Gaulle, ce soixante-huitard si longtemps oublié par la gauche, et Chirac dont on loue l’élégance, sa façon de dévorer avec classe des tranches de saucisson ou d’éconduire en anglais des gardes du corps israéliens. Les leçons de Nadine de Rostchild seraient-elles devenues le manifeste de la contestation politique ?
Pourtant, j’imagine qu’il y a 40 ans, cette façon de passer outre la raideur protocolaire aurait ravi ses contempteurs d’aujourd’hui, de même qu’ils auraient sans doute applaudi des deux mains les mauvaise manières de ce gosse dévergondé moquant partout les apparats du monarque et tapant des textos en plein cœur du Vatican, haut lieu de l’émancipation et des valeurs 68. Mais les temps changent et les chiens (aucune référence ici au mot de Mitterrand suite au suicide de Bérégovoy) ont pris le parti du jeu de quilles, raillant à la moindre occasion la mauvaise éducation du Président. Coupable de ne pas savoir se tenir en public, accusé de dévoyer la fonction présidentielle.
Le style de Sarkozy, soit la restauration d’une nouvelle lutte des classes, entre ceux qui savent utiliser les bonnes fourchettes et ceux qui mangent avec les doigts, entre les heureux bénéficiaires des manières bourgeoises et les autres, prolos de l’élégance (nouveaux riches, parvenus ou toujours pauvres, peu importe) qui n’appartiendront jamais au cercle des éduqués. Sarkozy, c’est le juif pied-noir Roger Hanin dans Le Grand Pardon d’Arcady qui, en dépit de tout ses efforts d’intégration, s’entendra toujours dire par un flic (ici Jean-Louis Trintignant), « vous puez l’huile ».
Y a-t-il un pilote dans l’avion France !
Qui peut croire, un seul instant, que ce triste sire va "perdurer" encore quatre ans !
Les leurres, boniments et écrans de fumée à jet continu, sont épuisés…
Il est en surrégime… Son moteur a des remontées d’huile… Il pollue grave…
La fin est proche !
Article sacrément de mauvaise foi.
On peut pas débarquer à 23h chez les gens et les traiter de racailles. C’est pas du snobisme, c’est universel. Quand quelqu’un vous parle, vous avez le respect de l’écouter. C’est pas du snobisme, c’est universel.
Le problème de comportement de Sarkozy est symptomatique d’un irrespect total pour autrui. Il ne se soucie guère d’outrer ses interlocuteurs, quels qu’ils soient. La seule raison qui explique qu’il ne s’en est pas encore mangée une sévère, c’est qu’il est tellement atteint par son égocentrisme, que ça ne servirait à rien … et qu’accessoirement, son service d’ordre veille.
Quant à sa politique, pas besoin de faire un dessin, vous prenez le pire des 63 dernières années, vous mélangez bien et ça vous donne le sarkozysme.