Alors que la commission Copé sur l’audiovisuel public finalise ses travaux, elle rencontre, ces derniers jours, les pires difficultés. Après avoir été lâché par les membres socialistes de la commission, Jean-François Copé vient d’être désavoué par le président. Le non catégorique de Nicolas Sarkozy à une hausse de la redevance TV est perçu comme un torpillage à l’adresse du patron des députés UMP. Mais pourquoi tout ce cirque ?
Les occasions de constater l’opportunisme tout terrain du politique ne manquent pas. Mais en matière de tombé de pantalon, de retournements de vestes, de postures grotesques et d’experts en toc, l’affaire de la « nouvelle télévision publique » et l’hémorragie qui frappe en ce moment la fameuse commission Copé censée en tracer les contours, constitue un cas d’école. Un serpent de mer aussi, mais qui se mord la queue, si l’on se souvient que dans les années quatre-vingt, les uns pensaient rigoureusement ce que pensent aujourd’hui les autres, lesquels tentent aujourd’hui de démontrer qu’ils n’ont pas changé d’un iota. Et vice versa. Je renvoie ici chacun aux extraordinaires contorsions rhétoriques d’une gauche contrainte de défendre, au nom de la qualité du service public (sic), des tunnels de pubs abrutissantes, et à une droite qui, au fond, ne rêve que de faire le deuil d’une pétaudière peu rentable et politiquement hostile. Au nom d’un principe aussi redoutable que finaud – Sarkozy, c’est le Mal / Sarkozy propose quelque chose / Ce quelque chose est donc mal (Cqfd) – la gauche a donc décidé de quitter en bloc les commissions gouvernementales, dans l’espoir de restaurer une unité de façade, atomisée par les querelles internes, la profession de foi libérale de papy Bertrand, l’ascension du Che Besancenot et les photos bigote de la Royal agenouillée dans une église parisienne.
À droite, Copé tente de maintenir en vol sa horde sauvage pendant que, depuis sa tour de contrôle élyséenne, son cher Président, à coup d’annonces radicales, l’envoie droit dans le mur. Cela dit, comment, en pleine crise de pouvoir d’achat, Copé a-t-il pu penser qu’une augmentation de la redevance serait acceptable ? Mais revenons à l’origine du problème, au noyau dur des débats, au principe irréductible au nom duquel partisans et pourfendeurs de la pub font mine de s’étriper.
Au fond, de quoi avons-nous peur, que les chaînes du service public se transforment, faute de moyens, en télés du Tiers-Monde ? À l’inverse, craignons-nous qu’elles finissent par s’aligner sur le Grand Autre, ce secteur privé que la majorité des téléspectateurs regardent mais dont ils pensent tous beaucoup de mal ? Depuis quand la qualité d’un programme ou d’une fiction dépend-elle essentiellement de son budget ? Les grosses comédies franchouillardes valent-elles vraiment mieux que les films plus modestes de Depleschin, de Dumont, de Noe ou d’Assayas ?
Pour commode qu’elle soit, la description du service public actuel appartient au territoire du fantasme, relève de la stricte fiction idéologique, et une petite semaine de visionnage comparé et assidu entre les programmes du Big Brother privé et de l’Instituteur public devrait suffire :
A : à calmer les ardeurs des uns et des autres.
B : à se convaincre de la ressemblance objective entre les deux offres.
C : à réaliser que l’ORTF, c’est fini, la guerre Froide et la BBC aussi, et que l’offre pléthorique du câble, de la TNT, de Canalsat (et bientôt d’Orange), sans compter la métamorphose des pratiques des néo-téléspectateurs, composent un paysage médiatique éclaté de moins en moins concerné par la bipartition public/privé.
D : à reconnaître que l’à priori d’un « service public de qualité » ne décrit pas un paradis cathodique que l’on risquerait de perdre mais une utopie dont on – les plus idéologues, les plus âgés, les moins téléspectateurs - délire quotidiennement la réalité.
En début de semaine, volée de bois vert réflexe des attachés du service public qui viennent d’apprendre les premières rumeurs du mercato cathodique et des conséquences d’une télé publique sans pubs. Horreur : Patrick Sabatier, Julien Courbet et le gluant Jean-Marc Morandini débarqueraient sur France Télévisions, le deuxième à la place de Ruquier, le troisième pour un magazine d’analyse des médias (ce qu’il fait déjà sur Direct 8, mais sous l’angle mort). Deux lectures possibles : ou bien le Service public rend les armes et se compromet gravement en hébergeant des présentateurs dépositaires des « valeurs » du privé. Ou bien, leur arrivée apporte la preuve d’une solubilité totale du privé dans le public et par conséquent, démontre rétrospectivement leur équivalence. Autrement dit, c’est parce qu’il n’y a plus de réelle différence entre l’un et l’autre que Sabatier et consorts peuvent désormais franchir le pont.
Moins conforme à la vision commode d’un service public caviardé par les têtes de gondoles d’un populisme télévisuel, l’arrivée probable du très bon Nicolas Demorand (pour un magazine consacré à l’industrie culturelle) est à peine commentée. De même que le salaire du Zorro de TF1, 30% plus bas que celui de Ruquier. Levée de bouclier classique et éternel retour du même cliché : au privé, le commerce et l’asservissement des foules, au public, son émancipation et son éducation. Si cela pouvait être vrai. Et surtout désiré : c’est l’un des paradoxes de notre rapport à la télé. Sondés, les téléspectateurs n’hésitent pas à dire tout le bien qu’ils pensent d’Arte. Mais lorsque leur écran s’allume, étrangement, on y voit plutôt Qui veut gagner des millions ? Comme le vote Le Pen.
1. Dans quelle émission, supportons-nous régulièrement les témoignages obscènes et/ou soporifiques de quidams flanqués de perruque grossières, de lunettes de soleil ou d’un surplus de poids devant un présentateur qui les confesse devant un public recueilli ? Ca se discute, l’indéboulonnable et le très coûteux Jean-Luc Delarue. France 2, service public.
2. Dans quelle émission de variété sirupeuse le barnum de la machinerie télévisuelle se déplace-t-il dans une ville de Province afin d’en célébrer la joliesse, la « générosité » et les « talents » devant un maire endimanché et un public péquenotisé ? Tenue de soirée, Michel Drucker, service public.
3. Quelle chaîne produit P.J, série policière handicapée à peine digne d’un soap-opera brésilien ? France 2, service public.
4. Qui connaît Jour de fête, grande émission culturelle de France 2 encore, consacrée (paraît-il) au cinéma, entre incitation promotionnelle, chroniqueurs insipides et torrents de bandes-annonces ?
Sélection partiale me direz-vous puisque Frédéric Tadéi officie sur France 3 et qu’Esprits Libres est diffusé sur France 2. Certes, mais M6 produit Zone interdite et Capital, dont le style est devenu la norme de n’importe quel magazine de société, et TF1, Ushuaïa, pendant de Thalassa sur France 3. À TF1, le Sidaction, à France Télévisions, le Téléthon, ses mêmes vedettes et ses mêmes déluges compassionnels. Et puis, quelles différences réelles entre le JT de PPDA et celui de Pujadas ? Certes, Jean-Pierre Pernaud reste sur TF1, comme le dernier mohican, ou plutôt l’ultime résidu d’une vulgarité propre à la chaîne de Bouygues, une volonté de viser le plus petit (et le plus bas) commun dénominateur mais qui a d’ores et déjà contaminé ses principaux concurrents.
Mais, au fond, tout cela est-ce bien grave ? Ce combat ante diluvien entre le public et le privé a-t-il encore un sens à l’heure du zapping, d’Internet et des dizaines de chaînes câblées (et souvent très estimables : LCP, Public Sénat, Historia, iTV, Discovery Channel, toutes les chaînes ciné…) ? Vivons-nous vraiment dans ce monde orwellien que fantasment les politiques entre soumission à des punitions publicitaires (qui ne zappe pas pendant la pub ?) et obligation de choisir entre cinq chaînes ? Il faut croire que cette vision délirante arrange un peu tout le monde : les biens pensants culturels qui se légitiment en défendant un fonds de commerce (parfois aveuglément) subventionné, les politiques qui ressuscitent un clivage idéologique identifiable et rassembleur, et les commerçants qui se targuent d’offrir au public ce qu’il demande, contrairement à « ceux d’en face » et leur sinistre posologie du savoir.
La situation actuelle de l’audiovisuel français mériterait autre chose que cet article stupéfiant mêlant à peu près et non sens. Encore une fois le gros bon vieux discours de comptoir entre le jojo aviné et le VRP de passage à la cravate tachée de jaune d’oeuf… Agrémenté à la vulgarité rigolarde, propre du bobo parisien qui veut se la jouer populaire.
Vouloir comparer aujourd’hui France deux, trois d’un coté et TF1, M6 de l’autre est une absurdité. France deux et France trois tels que nous les connaissons maintenant sont le résultat de dizaines d’années de survie souffreteuse sous le règne de l’Audimat… Les politiques successifs ayant demandé aux chaînes publiques de faire de l’audience, de concurrencer les privées.
Le résultat est sous nos yeux. Pour faire de l’audience à coup sûr et à très court terme (qui est le temps des politiques) il n’y a pas trente six méthodes : il faut faire ce qui marche très bien ailleurs. C’est une règle d’or de l’économie valable quel que soit le “produit“ considéré. France deux et trois se sont donc alignées sur TF1, prouvant au passage que la “saine concurrence“ ne provoque pas une diversification de l’offre mais l’uniformisation des contenus.
Oui, c’est vrai, le service publique utilise les mêmes grosses ficelles que le secteur privé. Mais s’il le fait c’est justement parce qu’on le lui a demandé, s’en indigner aujourd’hui relève de l’escroquerie.
Et si on essayait de sortir de cette pseudo polémique sans objet qui ne déshonore au final que celui qui l’a signée ?
L’avenir de l’audiovisuel français mérite un véritable débat car nous sommes tous concernés : spectateurs, professionnels, citoyens. Il s’agit rien moins qu’un enjeu de démocratie.
Avons nous assez rit de ces pauvres Russes soumis sur toutes leurs chaines de télé à la propagande d’état… Ce que nous les plaignions de devoir subir c’est ce que nous voulons imposer à nos enfants ? Nous n’avons pas assez de Bouygues 1 et d’Albert Frère 6 ? Il nous faudrait aussi du Lagardère 2 et du Murdoch 3 ? Pour quoi faire ? Le matraquage à l’idéologie commerçante et sécuritaire manquerait-il de canaux ?
Il est de notre devoir de rêver à ce que pourrait-être l’audiovisuel public de demain. Un espace d’affirmation de notre culture en liberté. Un espace de dialogue et de citoyenneté. Une télévision dynamique, lucide, variée, à l’image du peuple de France, de la jeunesse de France…
Nous serons responsables de nos choix actuels devant les générations futures. L’article de monsieur Thoret, qui trouverait plus naturellement sa place dans les colonnes de Bolloré soir, est la pire façon de lancer l’indispensable débat.
Abélard.
PS : Je viens de recevoir des nouvelles de Madame BBC. Figurez vous qu’elle n’est pas morte du tout, elle va même très bien. Elle produit des programmes de grande qualité qu’elle vend dans le monde entier, ce que TF1 est toujours incapable de faire. Monsieur Thoret, atteint sans doute par le syndrome “Pascal Sevran“ voudra bien démentir son décès ?
Merci d’avoir donné votre "indispensable avis" sur la question.
Personne ne vous le demandait. Mais, bon….
La prochaine fois, vous pourrez essayer de donner des infos, peut-être ?
Personnellement, çà m’intéresserait plus.
mouais sous prétexte que tout se vaut acceptons la médiocrité ? j’avoue partager le sceptcisme à l’égard de France Télé mais les conclusions manifestent un relativisme assez éhonté ;
un service public audiovisuel ce serait un JT non calé sur TF1, un JT des faits et pensées et pas des petites phrases, une tribune aux pensées alternatives dans des formats regardables, un retour d’ASI etc.