Le travail à la chaîne chronométré, les cadences infernales et les accidents du travail, sont le lot quotidien des ouvriers de Toyota au Japon, dans les années 1970. Depuis, la firme s’est agrandie. Et son modèle a été exporté un peu partout dans le monde. Satoshi Kamata raconte le quotidien de ses ouvriers dans un livre, « Toyota, l’usine du désespoir » (éd. Demopolis).
« J’ai envie de mourir », « Mon seul plaisir, c’est l’alcool », « Si jamais ma femme me quitte, ce sera de leur faute », « Sans m’en apercevoir, je me suis laissé avoir ».
Ses phrases, prononcées par d’anciens ouvriers de Toyota au Japon, datent des années 1970. Mais elles pourraient tout aussi bien avoir été prononcées aujourd’hui, au Japon comme en France ou ailleurs, dans les usines Toyota, où l’on travaille encore à la chaîne, rythmé par des machines, comme des bêtes.
Les méthodes de travail de l’entreprise, connues sous le nom de « Toyotisme », n’ont pas changé depuis les années 1970, quand Satoshi Kamata, journaliste japonais, est employé au Japon comme ouvrier chez Toyota. Il raconte son expérience dans un livre, issu d’un journal personnel qu’il tient à l’époque. La première édition du bouquin date de 1976. Et c’est à la demande des ouvriers de Toyota-Valenciennes (dans le nord de la France) qu’il est aujourd’hui réédité. Afin de faire « entendre notre voix », de « montrer les conditions dans lesquelles on travaille ici, à Toyota-Valenciennes », explique le responsable CGT de l’entreprise. C’est à partir du début des années 1980 que la firme nipponne est importée – telle quelle, avec ses méthodes productivistes – un peu partout dans le monde.
L’ouvrier à la chaîne japonais des années 1970 est bien culotté. Il lui arrive de se plaindre d’être maltraité par ses employeurs. Pourtant, il a la chance d’être logé pour pas cher par Toyota elle-même, dans un bâtiment collectif qui jouxte l’entreprise. Il peut donc profiter à temps plein de la compagnie de ses collègues (41 000 personnes fin 1972 au Japon). L’ouvrier de Toyota est même un peu chauffé l’hiver parfois. C’est pas donné à tout le monde des privilèges comme ceux-là. Bon, c’est vrai qu’il voit peu sa famille.
Et certains se plaignent, en novembre 1972, de ne plus pouvoir rentrer « chez eux ». Lors d’une pause, Shimoyama déclare, sérieusement, à ses collègues : « Si jamais ma femme me quitte, ce sera de leur faute : à cause du boulot, on ne se voit plus ». Ce à quoi un autre ouvrier lui répond : « Moi, j’arrive même plus à baiser, c’est terrible ! » (p. 109).
Mais ces détails importent peu dans le fond. Et s’oublient vite, grâce au fric empoché. Après trois ans d’ancienneté, le petit employé est payé 30 000 yens par mois (environ 245 euros).
Les semaines où l’ouvrier est « de jour », il se lève à 5 h du matin. Pour commencer le travail à 6 h (pétantes). L’heure des braves. Et de 6 h à 11 h, l’activité est ininterrompue, pas le temps de faire une pause cigarette (de toutes façons, fumer c’est mal), pas même le temps d’aller aux toilettes, c’est vrai.
Mais dix heures de travail par jour (ou par nuit, en alternance), ce n’est pas la mort. Enfin il arrive que ça le soit, il y a bien quelques accidents oui – des suicides, des doigts et bras coupés –, c’est inévitable. Ce n’est pourtant pas faute de leur répéter qu’il faut être prudent ; régulièrement, le chef d’équipe demande aux ouvriers de « répéter en coeur les slogans sur la sécurité » : « Travailler en se réservant un peu de temps libre… Pour nous, c’est pas valable, on est pressé ! » Pour son bien, l’ouvrier est encouragé à travailler davantage, et « mieux ». C’est pourquoi la prime de productivité, calculée suivant le nombre de boîtes produites, le nombre d’heures et le nombre d’ouvriers, est 1,2 fois plus élevée que le salaire de base. L’ambiance est extra à Toyota, où petits et gros chefs clament des tas de slogans efficaces, tels que : « Il faut augmenter la productivité », « Il faut que chacun se sente responsable dans tout ce qu’il fait », « Produire bien, penser bien ».
S’il est fatigué, l’ouvrier peut même prendre des jours de congé, tant qu’il prévient trois semaines en avance. C’est un acquis qu’il doit aux syndicats. Oui, des syndicats, à Toyota, en 1972 - 1973 (nommés par les chefs).
Aujourd’hui, rien n’a changé, disent les ouvriers. Mais au Japon, c’est silence radio. Peut-être parce que là-bas, « la firme est le premier annonceur, tous secteurs confondus », avec 700 millions d’euros en 2006, comme le rappelle le spécialiste des maladies professionnelles et auteur de la préface du livre Paul Jobin. Peut-être « cette position de force » inciterait-elle politiques, médias et éditeurs à l’autocensure. Simple hypothèse.
Dans le même temps, Toyota est une réussite en terme de chiffres. La firme est aujourd’hui le numéro un mondial de la construction automobile, sa production (9,5 millions de véhicules) ayant dépassé en 2007 celle de l’américain General Motors. Et en France, « la même année, l’entreprise a vendu plus de 110 000 véhicules, se plaçant au 5ème rang du marché ». En 2006, ses bénéfices s’élevaient à 14 milliards d’euros. De quoi réjouir les patrons et les actionnaires de l’entreprise.
Le secret de Toyota, c’est l’alliance entre capitalisme industriel et capitalisme moderne. Plus « l’esprit de Toyota » que la firme exhibait en 1973 à travers un slogan publicitaire : « Le respect de l’homme, voilà l’esprit de Toyota ».
Un livre sans doute instructif, merci de nous le signaler !
Ce qui est dingue, c’est qu’on apprend aux Terminales Economiques et Sociales que le Toyotisme a permis aux ouvriers de se libérer du Fordisme, du travail à la chaîne. Que le modèle Toyota, c’est le travail en équipe, des salariés responsabilisés, moins de cadences, etc… Vaste foutaise quoi…
combien de foutaises nous sont enseignées à l’école…
l’école est un TF1 à l’école à l’échelle nationale. une usine à blabla.
Dénoncer le toyotisme c’était scandaleux pour un professeur d’économie. C’était être un vilain extrémiste, gauchiste, conspiratio…. enfin tous ces trucs qui se terminent en "iste"
Aujourd’hui c’est la "mondialisation" qui est une "grande réussite" pour les professeurs d’économie
j’en ai eu un qui a même "révélé" que les peuples africains (concernés) avaient vivement souhaité et appuyé la dévaluation du franc CFA….
on aura tout entendu sur cette planète