Panique dans la classe politique ivoirienne ! L’ accord conclu début mars entre le président Laurent Gbagbo et le chef des « rebelles », Guillaume Soro pour sortir de la crise a brouillé les cartes. Personne ne sait de quoi demain sera fait.
Tout tourne autour de Guillaume Soro. Il a 33 ans. Il est ambitieux, il a de l’argent, du temps devant lui, un embryon d’armée, et un carnet d’adresses épais comme un annuaire téléphonique. Le dilemme de cet homme un peu grassouillet est simple : il rêve de devenir président de la République mais il est encore un peu vert. La constitution impose un âge minimum de 35 ans. « C’est pas le problème. L’accord de Linas-Marcoussis dit que tous les signataires peuvent se présenter à la présidentielle quel que soit leur âge. Donc je peux me présenter. Mais j’ai décidé de ne pas être candidat cette fois », affirme-t-il à ses visiteurs à Bouaké, la « capitale » de la rébellion.
Alors, comment durer à l’heure où l’odeur de la poudre ne fait plus rêver personne en Côte d’Ivoire ? Pourquoi pas en négociant un pacte avec le président Gbagbo dont il fut l’allié dans les années 1990 avant de le combattre les armes à la main. L’accord serait le suivant : en échange de sa neutralité à la présidentielle, Gbagbo le sexagénaire s’engagerait à faire de Soro son dauphin la fois suivante.
L’idée paraît saugrenue. Elle ne l’est pas et les barons du régime y croient dur comme fer. Patron du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan est convaincu que « le Jeune », comme on surnomme Soro, a opté pour un renversement d’alliance sans le dire. « Il est passé de l’autre côté », explique-t-il. À l’écouter, Soro sera le prochain chef d’un gouvernement ou les anciens « rebelles » et le FPI se partageront les postes stratégiques. Aux autres, c’est-à-dire au PDCI, l’ancien parti unique du temps du « Vieux », Félix Houphouët-Boigny, et au RDR du nordiste Alassane Ouattara, les portefeuilles techniques. L’actuel premier ministre, Charles Konan Banny, désigné avec la bénédiction de Paris et de l’ONU, partage l’analyse de son adversaire du FPI. En privé, le chef du gouvernement et ses proches collaborateurs admettent que Soro a trahi son camp et rejoint Gabgbo. Et que lui, le premier ministre adoubé par la communauté internationale, est menacé d’être débarqué dans les prochains jours. « Je ne me laisserai pas humilier », lance régulièrement Konan Banny un homme dont l’humilité n’est pas la qualité première. « C’est pourtant ce qui lui pend au nez. Il ne veut pas comprendre qu’il a fait son temps », observe le chef du FPI.
Les éléphants politiques de la Côte ivoirienne ne sont pas davantage rassurés. Patron du PDCI, Henri Konan Bédié, « le bouddha », est parti chercher l’inspiration à Daoukro, son village natal. Quant à Alassane Ouattara, il s’est fendu d’un communiqué pour rappeler que ça n’était pas les armes qui donnaient la légitimité, mais les électeurs par leurs bulletins de vote.
C’est vrai qu’on avait tendance à l’oublier. Cela dit, un tandem Gbagbo - Soro à la tête de la Côte d’Ivoire serait intéressant à observer. Entre le politicien madré et démagogue et le rebelle qui n’a jamais travaillé de sa vie, on peut redouter le pire pour la Côte d’Ivoire. Le pays est mal en point. Nos apprentis sorciers risquent de l’achever.