Aujourd’hui s’ouvre le procès des manifestants qui se sont soulevés en mai pour tirer leur ville, Sidi Ifni, de la misère. La répression policière a été féroce, la justice risque d’être inique.
Jeudi prochain, le 12 février, s’ouvre devant le Tribunal d’Agadir le procès de Brahim Bara, Hassan Agharbi, Mohamed Ouahadani, Khadija Ziane et dix-huit autres militants du mouvement social de Sidi Ifni, une petite ville de 20 000 habitants au sud du Maroc, sur la côte Atlantique. Douze d’entre eux attendent ce procès depuis plus de six mois dans la prison surpeuplée d’Inezgane tandis que dix autres sont en liberté provisoire.
La situation à Ifni et cet invraisemblable procès illustrent une nouvelle fois jusqu’à la caricature la manière très particulière qu’ont les autorités marocaines de répondre au profond malaise de populations marginalisées depuis des décennies et qui, en désespoir de cause et devant des promesses jamais tenues, ont fini, en mai dernier, par bloquer l’accès du port pour exiger l’examen de leurs revendications et propositions.
Ce procès est d’autant plus déplacé qu’il y a aujourd’hui unanimité au sein du Parlement, de la presse, de la société civile et même du Pouvoir (hormis le pittoresque Premier ministre Abbas el Fassi pour qui « il ne s’est rien passé à Ifni ») pour reconnaître le bien-fondé des revendications économiques et sociales des habitants d’Ifni en vue de stopper le déclin accéléré de la région. Mais aussi la dégradation continue des équipements et services sociaux de la ville et d’apporter des solutions concrètes au chômage, véritable fléau régional.
« La violence et la sauvagerie de la répression qui s’est abattue sur la ville le 7 juin dernier, rappelle ATTAC Maroc, ont suscité l’indignation et la réprobation de l’opinion publique nationale et internationale qui ont immédiatement manifesté leur solidarité en organisant les 15 et 22 juin deux caravanes de solidarité qui se sont déplacées à Ifni pour lever l’état de siège et le blocus dans lequel s’est retrouvée cette petite ville. Mais au lieu de poursuivre les responsables des vols, violences sexuelles, tabassages et tortures infligés aux habitants par les forces de répression venues de tout le Maroc (4000 hommes au total !), ce sont 22 représentants du mouvement social d’Ifni qui sont aujourd’hui inculpés sous de très lourdes charges : “constitution et direction d’une bande criminelle, insultes à fonctionnaires, destruction d’installations industrielles, entrave à la circulation, rassemblement armé, destruction d’installations portuaires et des voies d’accès, etc”. »
Bien entendu, comme à l’accoutumée, l’administration marocaine n’a rien trouvé de mieux que de multiplier les réunions avec des notables locaux totalement déconsidérés aux yeux de la population pour n’avoir pas bougé le petit doigt pour sortir la ville de la misère. Quant aux représentants reconnus de cette même population, ils n’ont pas seulement été victimes de violences policières insoutenables – visibles sur YouTube et auxquels l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a consacré deux CD – mais ils se retrouvent sur le banc des accusés après avoir déjà purgé — sans procès — de longs mois de prison dans des conditions désastreuses d’entassement, de manque d’hygiène et de soins.
La tenue même de ce procès dans ces conditions et la longue histoire des procès politiques au Maroc font naturellement planer les plus grands doutes sur la volonté du Pouvoir marocain de garantir l’indépendance de la Justice et, ce faisant, de parvenir à apaiser le climat de tension dans lequel vit la ville d’Ifni depuis des années. Les accusés risquent de cinq à vingt ans de prison.
Rappelons que Sidi Ifni est restée plus longtemps que les autres villes marocaines sous administration coloniale espagnole et n’a été rétrocédée au Maroc qu’en 1969. Ville alors florissante, elle connait depuis un processus de marginalisation et de paupérisation. Administrativement déclassée et rattachée à la province d’Agadir en 1970, Sidi Ifni ne bénéficie pas des mêmes subventions que les villes voisine et elle vivote aujourd’hui de tourisme, de la pêche encore concédée et de l’argent envoyé par ses émigrés. Le taux de chômage actuel y dépasse les 30%. L’absence de perspectives incite nombre de jeunes à s’embarquer clandestinement vers les Canaries voisines pour 28 heures d’une dangereuse traversée.
En revanche, les ressources halieutiques de la région attisent les convoitises de lobbies économiques extérieurs à la ville, ayant de très fortes connexions avec l’appareil sécuritaire du Royaume. Ifni voit passer le poisson mais n’en récupère pratiquement plus aucun bénéfice et même les postes de travail du port bénéficient essentiellement à une main d’œuvre extérieure à la région.
Cela explique pourquoi, exaspérée par les promesses non-tenues et l’absence de réponses à ses demandes, un groupe de jeunes et de chômeurs a décidé, à la fin mai 2008, de bloquer l’accès au port, ce qui a déclenché en retour, à partir du samedi 7 juin, une répression d’une rare violence menée par les plus hautes autorités sécuritaires, celles-là mêmes qui exerçaient tout au long des « années de plomb » et qui se trouvent avoir des intérêts directs dans le secteur de la pêche dans la région.
Le fait nouveau à Ifni est que la violence de la répression n’a pas eu raison de la colère des habitants. Cinq jours après le « samedi noir » du 7 juin, une manifestation de plusieurs centaines de femmes en noir reprenait possession de la rue. Le 15, c’est une marche monstre de 12 000 personnes qui sillonne pendant plusieurs heures les rues d’Ifni. L’opération est rééditée le 22 juin.
Depuis, inlassablement la population se mobilise dans les quartiers populaires et continue à présenter ses revendications et à réclamer l’ouverture de réelles négociations, avec comme préalable la libération des prisonniers, l’arrêt des poursuites pénales et la reconnaissance publique des exactions du 7 juin.
Le mouvement qui se déroule à Ifni constitue un test tant pour le mouvement social que pour le gouvernement. Il pose des questions qui débordent largement le cadre de ce petit port naguère un peu assoupi et s’insèrent non seulement dans un mouvement social qui s’étend dans tout le sud marocain, mais aussi dans le débat qui parcourt le mouvement altermondialiste international.
Pour ceux que les drames sociaux du Maghreb intéresse, le collectif Maghreb solidarité organise un débat intitulé « Maghreb des luttes sociales : de Gafsa A Sidi Ifni ». Rendez-vous le jeudi 12 février, à 18h30, à la Bourse du travail de Paris (3 rue du Château d’eau).
A lire et relire sur Bakchich.info :
Et aussi la BD du grand Khalid Gueddar sur le roi du Maroc
moi ce qui me gratouille à chaque fois que je lis un article ’engagé’ comme ça sur bakchich, c’est cette soudaine et si intense inquiétude que ressentent et veulent transmettre les ’journalistes spécialistes’, auteurs de ces articles ’courageux’, et dont personne n’a jamais entendu parler comme journalistes spécialistes du maroc !! c’est pour dire qu’on s’etonnera pas qu’à bakchich des journalistes se fassent payer à la pige par des ’intérêts’ particuliers et hostiles au maroc de toute façon. j’espère que vous aurez le courage de publier ce commentaire !
donc à l’attention du journaliste qui a écrit cet article.. on s’en fout que ça fasse l’affaire des ’indépendantistes’ ou des ’voisins’ crapuleux ! car vous en faîtes pas, on a un problème que nous sommes les premiers à reconnaître ; y a pas que nos ’provinces du sud’ qui soient marginalisées. nous avons un problème de marginalisation vis à vis du citoyen en général que ce soit à sidi ifni ou au coeur de rabat ou casa, et la cause n’est pas nécessairement à un état ’non démocratique’, ou ’aux profiteurs qui ont des actions dans la sardine’, chose qui ne sert qu’a nous rabattre les oreilles car la faute est attribuable à un système de perception collective, de gestion administrative et économique calqué sur celui de la france qui a pourtant échoué lamentablement en france et partout ailleurs ou il a été reproduit !
tiens, vous y avez pensé une fois ? des communes, des des provinces et des wilayas dont les responsables, walis, maires ne sont à leurs postes que pour transposer ou enraciner une administration centralisée et dont la vision est archaique, uniforme, et insouciante des particularités locales… foirant ainsi tout efforts de décentralisation ou indépendance de gestion des réalités locales.. ou des besoins des citoyens ! au point que toutes les politiques aujourd’hui sont devenues contradictoires, obsolètes et ont atteint leurs limites !
les ressources existent, la volonté existe, les compétences existent, mais le plus important n’existe pas ; et c’est repenser l’administration de A à Z et stopper l’envoi de marocains faire des compléments d’études administratives et juridiques en france pour retourner au maroc avec des idées et des shémas préconçus et imcompatibles avec le décollage d’un pays en voie de développement !
c’est pas réaliste vous me direz.. et je vous dirais que vous avez hélas raison ! car avec un maroc qui se dit ouvert sur le monde alors qu’en réalité il n’est ouvert que sur la france ! la france par ci, la france par là et la france qui le tient par les c… et ne veut pas le lâcher tant qu’il lui rapportera et tant qu’il parlera sa langue de politique ’africaine’.. bref, même si le roi veut s’en debarrasser, changer les choses, les armées de fonctionnaires payés à ne rien foutre lui diront que c’est une grave atteinte à la ’démocratie’… plutôt une grave atteinte à leurs réseaux de corruption ! et on se demande d’ou vient la corruption !
je ne vous donnerais raison que sur la question des droits de l’homme qui bien qu’elle soit elle aussi reliée à cette gestion sécuritaire et archaique sur un modèle français ’adapté au terroir’, doive inquiéter les marocains et les encourager à dénoncer ce genre d’interventions policières brutales et violentes, ou ces prisons moyen âgeuses. le maroc aurait dû offrir les milliards qu’il a consentit à Thales pour la conception des cartes biométriques… au groupe Bouygues pour construire des prisons modernes et respectueuses des détenus… s’il tient vraiment à ses relations ’françaises’ exceptionnelles !
la france ’bureucratique’ est le modèle qui finira par achever ses ex colonies ! soyons au moins clairs là-dessus !
Les mêmes crapules criminelles du temps de HASSAN II continuent de sévir.
Démocratie, démocratie chantent les niais ou les complices
Bastonnades, rafles sauvages, délit de faciès, viols, vols, emprisonnements furtifs ou arbitraires et enfin jugements hâtifs, et justice bâclée et aux ordres comme de coutume font la démonstration que rien ne change au Maroc confisqué par le colonialisme alaouite et ses suppôts serviles et cupides……………………………..Mais à la fin, vous verrez également que comme de coutume, histoire de démontrer la clémence du roi, il y aura une amnistie des condamnés. L’on fera tout, y compris par la dissuasion et le harcèlement pour que les malheureux oublient leur misère et s’estiment heureux de leur sort sinon…………………………………
L’union européenne a accordé a l’hunanimité un statut d’association au Maroc . Le Maroc est le seul pays de la région a avoir ce privilége . Les critéres d’adhésion sont trés sévéres tous y est pris en compte : droits de l’homme , stabilité politique , démocratie , économie , immmigration …. ETC .
Question : croyez vous que l’union européenne ,démocratique et sévére , aurait accordé ce statut au Maroc s’il ne le méritait pas ???
Le polisario et l’algérie ont d’ailleurs dénoncé le statut accordé au Maroc .
Les chiens aboient et la caravane passe ….