« Bakchich » revient sur les déclarations polémiques de la dircab de Sarko à propos des sectes, considérées comme un « non problème ». En réalité, dès 2002, la surveillance des sectes a été allégée sous le règne du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. En 2004, Cécilia a fait venir à Bercy Tom Cruise, la star de la Scientologie. Coauteur du livre « Cécilia, la face cachée de l’ex-Première dame », (éd. Pygmalion, paru en janvier), Laurent Léger, rédacteur en chef à « Bakchich », nous raconte l’attirance de Cécilia pour l’ésotérisme et l’occultisme, pose la question de son influence auprès de Sarko.
La polémique créée par Emmanuelle Mignon, la dircab de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, n’étonne guère ceux qui observent la politique de Sarko depuis que ce dernier a laissé son empreinte au ministère de l’Intérieur, où il est nommé en 2002. Selon l’amie Mignon, les sectes seraient un « non problème » et il y aurait trop de « bla-bla » sur la question.
Embarrassé, le Président a gentiment recadré sa collaboratrice, allant même jusqu’à affirmer : « En ce qui concerne les sectes, ma position a toujours été claire : les activités sectaires sont inacceptables, inadmissibles, il faut faire preuve de la plus grande fermeté ». Ah bon ? Cela n’a pas toujours été le cas.
Co-auteur avec Denis Demonpion journaliste au Point, du livre (Cécilia, la face cachée de l’ex-Première dame, éd. Pygmalion), l’auteur de ces lignes s’était interrogé sur l’éventuelle influence de sa femme d’alors sur celui qui était ministre de l’Intérieur.
Comme l’a révélé notre enquête, Cécilia fait preuve depuis toujours d’une fascination envers l’ésotérisme. Elle a été versée dans le spiritisme, faisait tourner les tables, consultait les voyants. Longtemps, elle a eu sur sa table de chevet le livre d’un gourou, inconnu des libraires français, seulement disponible en Espagne : El Poder de la Voluntad, (le Pouvoir de la volonté). Des rudiments d’ésotérisme mâtinés de « développement personnel » et de méthode Coué, indispensables pour atteindre l’harmonie et maîtriser ses sentiments et ses émotions.
L’auteur, William Walker Atkinson, est un maître de la « New Thought », la « Nouvelle Pensée », sorte de « New Age » avant l’heure. Né en 1862 aux Etats-Unis, il est à la fois prof de magnétisme, avocat, philosophe, franc-maçon, et a pondu des dizaines d’ouvrages sous son nom ou sous les pseudos de Yogi Ramacharaka ou de Magus Incognito. Atkinson a même publié La doctrine secrète des Rose-Croix. Avec sa fascination pour l’ésotérisme, l’occultisme, le spiritisme, Cécilia n’a-t-elle pas les yeux de Chimène pour ce qu’on appelle les « nouveaux mouvements spirituels » - une gentille façon de parler des sectes ?
Quoi qu’il en soit, le livre d’Atkinson, de l’aveu même de Cécilia, a « changé sa vie ». A-t-il également influé sur son mari alors ministre ? A partir de 2002, ministre de l’intérieur et des Cultes, « au nom de son credo en faveur des libertés individuelles en matière de croyances, une thèse largement en vogue aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy décrète de changer d’approche à l’encontre des « mouvements spirituels nouveaux ». Il assouplit la surveillance policière des sectes, au grand dam des associations de lutte contre les mouvements sectaires. Aux yeux de ceux qui combattent l’endoctrinement, l’escroquerie et parfois la violence sur les personnes auxquelles se livrent certaines sectes, les choix de Nicolas Sarkozy suscitent des interrogations, voire l’incompréhension », écrivons nous dans le livre.
Selon notre enquête, Cécilia a organisé le fameux rendez-vous entre Tom Cruise, le porte-drapeau de la scientologie, et Sarkozy, en 2004 à Bercy. Une rencontre ultra-médiatisée, dont la secte a alors tiré profit, comme le reconnaît dans le livre sa porte-parole, Danièle Gounord : « Nous étions les premiers surpris de voir Tom Cruise chez le ministre. Mais c’est vrai que ça nous a donné de l’espoir sur le phénomène religieux. Sa venue a favorisé les vocations ». La secte lui dit : Merci Sarkozy !
(Voir, ci-dessous, la vidéo de l’extrait de l’émission 90 minutes de Canal + sur Tom Cruise, la Sciento, sa visite aux Sarkozy)
Coïncidence ? Les flics ont, dès 2002, du lever le pied sur le dossier pourtant sensible des mouvements sectaires. Extrait de l’ouvrage :
« Par petites touches, les policiers chargés des « sectes » voient leur zèle freiné par la hiérarchie. Un jour, on refuse qu’un fonctionnaire expérimenté se libère quelques heures pour donner une formation à l’Ecole de police des officiers, sous prétexte d’un manque d’effectifs. Une autre fois, on stoppe la coopération des RG à la journée organisée à l’attention des jeunes juges à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). Les notes des fonctionnaires de police sur le dossier ne sont transmises qu’exceptionnellement aux supérieurs (…)
« Autant les Renseignements généraux ont eu le vent en poupe sur les sectes à une période, notamment après le massacre de l’Ordre du Temple Solaire, en 1994, autant, à partir de 2002 le sujet n’intéresse plus le sommet de la hiérarchie et le cabinet du ministre », relève un policier qui a longtemps suivi ce secteur sensible. Le directeur central des RG, Yves Bertrand, reçoit même dans son bureau, au ministère, un émissaire de la Scientologie. Nul ne s’en alarme ».
On demande alors à un jeune policier, spécialiste de la Sciento, jugé trop offensif, de débarrasser le terrain. En parallèle, le gouvernement Raffarin remplace la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), chargée d’analyser les dérives et d’inciter les pouvoirs publics à combattre les sectes, par une structure au champ d’action élargi : la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), dont la mission de se pencher sur les « seuls actes et comportements contraires aux lois et règlements troublant l’ordre public ». Un glissement vers un objet plus fourre-tout qui a son importance.
Dans son livre, La république, les religions, l’espérance, publié en 2004, Nicolas Sarkozy est sans équivoque. « Le mot ”secte” est parfois utilisé abusivement contre des mouvements spirituels nouveaux, mais qui ne posent pas de problèmes en matière d’ordre public », écrit-il alors. « Si les gens ont envie d’être Témoins de Jéhovah, c’est tout à fait leur droit. Tant que leurs activités ne sont pas contraires à l’ordre public, je ne vois pas au nom de quoi on le leur interdirait ».
Tout est dit, et le rétro-pédalage de ces dernières heures a peu de poids par rapport aux convictions qui semblent bien ancrées chez Sarkozy.