A la direction de la SNCF, on confiait lundi que la grève de jeudi serait « carrée » : entendre, le mouvement ne déborderait pas et s’arrêterait comme convenu, jeudi soir. Mais mardi, le ton a évolué dans les couloirs. Sans être droite ou ronde, la grève n’est plus carrée. La faute à la CGT, qui va durcir le ton et l’action…Histoire d’en imposer autant à l’extérieur, qu’à l’intérieur de la grande maison.
Car le régime spécial des seigneurs du rail de la SNCF et de la RATP- la retraite à 50 ans pour les roulants, à 55 ans pour les autres - ne compte pas beaucoup de défenseurs dans l’arrière-boutique de ces deux belles maisons.
Entre les seigneurs du rail et les nombreux sous-traitants invisibles, chargés du sale boulot, la lutte des classes n’a jamais été aussi vraie. Généreuse dans son discours, l’armée des syndicats ne s’émeut pourtant pas beaucoup du sort des précaires : ceux qui s’agitent la nuit pour nettoyer les trains, les gares, les stations de métro, effectuer les travaux sur les voies. Une situation installée depuis des années.
L’illustration la plus caricaturale de ce régime à deux vitesses a été fournie lors de la longue opération de rénovation des voies de la ligne Paris-Lyon. L’affaire qui s’est achevée il y a peu a consisté à changer des centaines de kilomètres de rail et de ballast. D’un côté des cheminots, divisés en deux groupes de nuit chargés de surveiller le chantier. De l’autre, une équipe de tacherons d’entreprises privées deux fois moins nombreux que les cheminots et qui passent la nuit pelle et pioche en main. Pour les premiers, une base spécialement construites avec chambre, réfectoire, douche, laverie, salle de jeu. Pour les seconds, des caravanes sur un sordide terrain vague et un salaire de misère. Commentaire des syndicats cheminots : « Notre but n’est pas d’abandonner nos avantages, mais qu’ils deviennent la norme ».
Quant au secteur du nettoyage, il incarne une autre forme d’esclavage moderne, avec un main d’œuvre souvent immigrée, peu au fait de ses droits et payée au lance pierre. Des conditions qui contrastent avec les sommes considérables des contrats confiés par la SNCF et la RATP à leur sous-traitants, la Cour des comptes ayant dénoncé les “surprofits“ réalisés sur fond d’entente dans le métro par ces industriels du balais et de la serpillière. « C’est curieux, mais la défense des droits dans ce secteur n’intéresse pas beaucoup les syndicats classiques », constate la CNT, le syndicat anar qui tente de s’implanter. Il est vrai que les grosses boîtes savent y faire. Témoin ce luxueux « répertoire social et économique de l’Ile de France 1999-2000 » de la CGT : on y trouve six pages de pub payées par des sociétés de nettoyage. Sans doute un moyen de « fluidifier le dialogue social », comme dirait le Medef…
Dire que le secteur n’intéresse pas les syndicats classiques n’est pas tout à fait vrai. Dans les années 90, un ancien trésorier de la CFDT Ile-de- France, Jean Paul Sbeghen a fondé une boîte, DPS, devenue sous-traitant pour le nettoyage du métro et du RER. Une entreprise à vocation sociale, installée sur le filon de la réinsertion. Un statut en or qui lui a permis de bénéficier d’un côté de tarifs 15 à 20 % plus élevés que la moyenne pour corriger, explique l’entreprise, « la faible productivité » du personnel. Et de l’autre, d’empocher en permanence des subventions publiques, étant entendu que la boite a vocation à faire tourner les contrats temporaires peu rémunérés et non à embaucher. Une entourloupe dénoncée par le CNT.
Le social, un art subtil…
Vous voulez dire que les syndicats (et les syndiqués) devraient prendre en charge les non-syndiqués, lesquels ne feront probablement pas grève ? Vous avez un truc pour l’expliquer aux syndiqués ?
En d’autres termes : choisir de ne pas se syndiquer entraîne un partage des avantages des syndiqués ? C’est dans quelle histoire ça ? Dans toutes les histoires mais vu par un autre côté : grévistes et briseurs de grèves, le patronat a toujours joué là-dessus et ça ne date pas d’il y a si longtemps que pour l’oublier.
Certes : je penserai à emporter une tartine de la cantine (payée) pour donner à celui qui a faim. J’ai hébergé à deux reprises des personnes à la rue. Mais que fait le patronat ? Conclure des marchés publics au rabais au point d’exploiter la main-d’oeuvre (parfois au noir, bonjour en cas d’accident) ? Rien de neuf, à part le décor "moderne et pragmatique", on se croirait certains jours en plein Germinal…
Oui c’est encore et toujours la lutte des classes mais de laquelle parlez-vous ?