Quand le fantasque et génial dessinateur Robert Crumb s’empare de la Bible pour se la ré-approprier, Dieu peut fermer la boutique.
Un joli dicton nous enseigne qu’« Il y a deux choses en Italie qui servent à rien : l’armée et les couilles du Pape ! ». Pour ce qui est de la Bible, elle continue d’hanter les esprits, même de ceux dont l’art n’est pas le foyer de spirituelles rêvasseries.
Regardez Robert Crumb, Pape, bien couillu, de l’underground américain dessiné des années 70. Il louait les sexes velus, les cuisses larges, le cul en farandole et la drogue à la tonne. Il vient de publier sa version de « la Genèse », aux éditions Denoël, dans un bouquin relié comme les vieilles gravures de Gustave Doré. Acte d’apostasie à 65 ans ? Le salut du dessinateur tient en ces mots : « j’ai approché cette entreprise comme un pur travail d’illustration, sans intention de le tourner en dérision ni de faire des gags visuels ». Dit comme ça, pas un vent à décorner les bœufs du jardin d’Eden.
Robert Crumb s’est en réalité saisi du sacré pour en déraciner sa matière première. L’homme. Ce récit n’est qu’à sa gloire. À la chair de l’Humanité, son germe et le précipice originel de ce qu’est la vie. Ici, les mythes bibliques transpirent, suent, suintent sous le crayonné noir épais du dessinateur américain. Un univers habité ou chaque personnage, Adam-Eve-Cain-Abraham-Sarah, est restitué avec précision et âpreté dans cette grande tragédie des origines. On s’anéantit au fil des pages dans ce tumulte possédé de notre histoire collective. Charlton Heston en Moïse avait ouvert la mer rouge, Richard Crumb nous y noie à l’encre noire.
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