L’homme-lion Paul Biya a du fil à retordre et de la corruption à justifier avec l’ambassadeur des États-Unis à Yaoundé, Niels Marquardt. Récit d’une lutte en solitaire.
Face à un régime qui distribue les millions et les peines de prison pour contourner le multipartisme qu’il a encore du mal à accepter, l’opposition camerounaise apparaît totalement cramée…Totalement ? Non ! Un soldat solitaire résiste toujours et encore à l’envahissant Paul Biya : l’ambassadeur des États-Unis ! Telle est du moins l’impression qui se dégage quand on observe les faits et gestes de Niels Marquardt depuis son affectation au Cameroun, par George W., en juillet 2004. Derrière les murs épais du bunker climatisé qui sert d’ambassade US à Yaoundé, le diplomate mène une petite guérilla contre le potentat d’Etoudi.
Une guérilla verbale en tout cas, dont la cible première est la corruption endémique qui ronge le pays. Rien de plus banal certes, mais l’ambass’ a le mérite de ne pas y aller par quatre chemins. « C’est avec une grande tristesse que je déplore le fait qu’une culture de corruption bien développée semble avoir pris ses racines au Cameroun ces dernières années, expliquait-il en janvier 2006. Les actes de corruption sont devenus si communs et si banals que certains observateurs se demandent si le sens du mot "corruption" a une connotation différente au Cameroun ». Et d’ajouter : « personne n’est au-dessus de la loi » [1] . La queue entre les jambes, et comme pris la main dans le sac, Paupaul en profita pour sacrifier fissa quelques-uns de ses courtisans [2] .
Mais l’ambassadeur yankee ne compte pas s’arrêter à la « guerre contre la corruption ». Il veut aussi, dit-il, enraciner « la culture démocratique » au Cameroun [3]. C’est ainsi qu’en novembre dernier, au moment même où les militaires mitraillaient le campus de Buea (tuant deux étudiants) [4] , il accordait une subvention de 8 millions de Cfa à… l’Association pour la Défense des Droits des étudiants du Cameroun (Addec), considérée par le régime comme un dangereux foyer de hooligans décérébrés [5] !
L’ambassadeur multiplie donc les pieds de nez et les coups de griffes contre « l’Homme-Lion ». Après avoir boycotté la cérémonie des vœux présidentiels pour l’année 2007 [6], le voilà maintenant qui s’attaque au tabou des tabous de la vie politique locale : la succession de Paul Biya. « Comme vous le savez, a-t-il lancé faussement ingénu lors d’une conférence de presse le 25 février consacrée à la mobilisation des électeurs camerounais, l’élection [présidentielle] de 2011 est très importante parce que votre constitution prévoit un changement à la tête du pays » [7] . Une remarque pas vraiment innocente dans un pays où le mot « constitution » passe généralement pour une plaisanterie et où il n’y a eu qu’un seul « changement à la tête du pays » depuis près d’un demi-siècle…
Les oreilles de Paupaul doivent siffler pendant qu’à Yaoundé l’ambassadeur ricain le pousse vers la sortie ! Ou peut-être pas… Car, comme à son habitude, l’éternel vacancier reprend des forces, dans l’une de ses villas européennes, après son trekking sur les tapis rouges de Cannes et ses chaleureuses poignées de main avec l’ami Chirac. Et déguste, dans sa chaise longue, le publi-reportage qu’il vient de se payer dans Le Figaro : « Cameroun l’ouverture », « Une terre de tolérance », « Un président volontaire », etc., etc. Un conte de quatre pages assurément plus agréable à son oreille que les remontrances du vilain Niels Marquardt.
[1] Mutations, 20 janvier 2006.
[2] Voir : Paul Biya sonne le Ndong, Bakchich#13
[3] Le tout ayant, on s’en doute, pour objectif ultime de faire bénéficier l’économie américaine du potentiel économique camerounais, comme il l’expliquait en mai 2006 à l’American Business Association de Douala : « Ma principale mission ici comme ambassadeur est de faire accroître le flot de ressources des Etats-Unis vers le Cameroun (…). Je travaille toutes les semaines avec des Américains qui veulent investir au Cameroun. Ils veulent construire des ports et des chemins de fer en vue d’améliorer l’accès du Cameroun à l’exportation », etc. (cité in La Nouvelle Expression, 21 décembre 2006).
[4] Voir : Gueule de Buea Bakchich#14
[5] Ce que dément brillamment le premier numéro du Messager des Campus, mensuel prometteur réalisé par les étudiants de l’Addec en partenariat avec le quotidien Le Messager.
[6] Mutations, 9 janvier 2007
[7] La Nouvelle Expression, 26 février 2007. Voir aussi : Paupaul génération, Bakchich#23