Explications alambiquées, excuses et billet gratuit : Guillaume Pepy, le président de la SNCF, tenait à éteindre la mèche rapidement après le retard record de l’Eurostar, qui a mis douze heures, la nuit du 18 au 19 avril, pour relier Londres à Paris. En cause, selon la SNCF, une « erreur du conducteur ». Il a bon dos, le conducteur… Dans un livre paru en 2004, Nicolas Beau, directeur de la rédaction de « Bakchich », Marc Fressoz et Laurence Dequay, journalistes, décelaient la lourdeur des procédures pour les conducteurs. Précisément le nœud du problème.
Trois petits jours. C’est le temps à grande vitesse qu’il a fallu à la SNCF pour mener une enquête-éclair sur les causes du retard de l’Eurostar.
Immanquablement, Guillaume Pepy s’est empressé de mettre en avant la responsabilité du « conducteur [qui] n’a pas été au bout de la procédure de diagnostic de la panne ». Et de préciser : « Si l’analyse de la panne avait été réalisée à bord du train (c’est-à-dire par le conducteur, ndlr), il aurait été décidé d’acheminer depuis Paris une nouvelle rame ». Nul ne saurait remettre en cause les conclusions du rapport d’enquête des plus fins limiers ferroviaires. Le mécano de la générale, sans doute, a tiré le signal d’alarme tardivement. Soit.
La où le bât blesse, c’est que la panne était prévisible. Et prévue. En 2004, Nicolas Beau, journaliste et directeur de la rédaction de Bakchich, avait co-publié un bouquin intitulé « SNCF, La machine infernale ». Dans lequel certains passages trouvent un écho particulier après l’incident du week-end dernier : « L’apprentissage des règles de sécurité fait plus appel au sens de l’obéissance des agents qu’à une prise de responsabilité réelle. Dès son arrivée, tout cheminot se doit d’avaler les douze volumes qui déclinent les consignes de sécurité ». Et l’historien Georges Ribeil de renchérir : « Les principes de la sécurité se présentent comme un maquis d’injonctions enchevêtrées, alternatives ou séquentielles visant à répondre à tous les cas de figure possible ».
Guère étonnant, dans ce contexte, que le conducteur ait tardé à prendre une décision appropriée. Pour remédier à cela, Guillaume Pepy a pris pour les agents une mesure salvatrice : « Un renforcement et un rappel de formation technique intensif pour les procédures de diagnostic et de dépannage des Eurostar ». Un petit gavage supplémentaire, et la boucle est bouclée. Jusqu’à la prochaine fois.
Dès son arrivée, tout cheminot se doit d’avaler les douze volumes qui déclinent les consignes de sécurité
Tout cheminot, je ne crois pas, croyez-vous qu’un vendeur de billets ou un agent administratif aient besoin de connaitre les règlements de sécurité ? De même pour les conducteurs, croyez-vous qu’ils aient besoin de connaitre tous les règlements de sécurité ? non, car par exemple, ce ne sont pas les conducteurs qui assurent la sécurité des personnes sur un chantier.
Les cheminots les plus concernés par les règlements de sécurité sont les agents du transport (ils ne sont pas les seuls à être concernés, évidemment) ; ceux qui travaillent dans les postes d’aiguillage, car ce sont eux qui assurent la sécurité des personnes et des circulations.
Et nul besoin de connaitre les règlements par cœur, sauf pour quelques articles de base. La plupart des volumes sont des documents d’application. En cas de problème, l’agent doit surtout savoir quel document il doit utiliser.
Enfin même s’il est inacceptable et inexcusable d’avoir un train ayant un retard de 9 heures, la principale préoccupation de ceux qui font circuler les trains reste la sécurité.