Depuis qu’il est revenu de Calais où il s’est fait tabasser à coup de matraque, Mardan, un Afghan de 17 ans, squatte toutes les nuits le porche d’un immeuble, près de l’Hôtel du Nord.
Au petit matin, le long du canal Saint-Martin à Paris, il marche difficilement à cause de ses grosses couvertures pliées dans deux gros sacs poubelle. Mardan Hotak, un Afghan de 17 ans, coupe au bol, veste en tweed un peu large et keffieh vert autour du cou, est à la recherche d’une cachette pour planquer son butin jusqu’à la nuit prochaine.
Depuis qu’il est revenu de Calais, où il s’est fait tabasser à coup de matraque par les flics le jour de la destruction de la « jungle », il squatte toutes les nuits le porche d’un immeuble, près de l’Hôtel du Nord, pour tenter d’y dormir. « Pas facile, reconnaît-il, dans un anglais assez bien maîtrisé. Tous les matins, les flics nous réveillent à 6h pour nous faire déguerpir. » Sûrement pour que le réveil des habitants de boboland ne soit pas trop brutal….
L’arrivée des exilés afghans dans le quartier ne date pas d’hier, depuis la fermeture du centre de Sangatte en décembre 2002, ils sont des « résidents » quasi permanents. Même si le turn-over est régulier : après des semaines à dormir dehors ou avec les SDF dans les centres d’urgence, une bonne partie d’entre eux comprennent le message et se cassent dans le Nord en quête d’un passage en Angleterre, en Allemagne ou en Suède…
Il y en aurait près de 300 en moyenne et la fermeture de la « jungle » ne va pas arranger ça ! « Après 6 mois passé à Calais, j’ai compris qu’il n’y a pas de solution ailleurs. Maintenant, j’ai pris ma décision, je ne partirai plus d’ici, répète Mardan, même si je sais que ça ne va pas être facile. Quand je suis allé voir la Préfecture de Paris pour demander l’asile, elle m’a dit que mes empreintes avaient été prises en Grèce… »
Ce qui veut dire, en clair, d’après le règlement européen Dublin 2, qu’il ne peut pas déposer son dossier en France, à moins d’attendre 6 mois (mais en réalité c’est bien plus), avant de réitérer sa demande. « C’est pas grave, j’attendrais, sourit-il poliment, de toute façon je n’ai pas d’autres solutions, je n’ai plus d’argent ! »
Depuis son départ de Kaboul, il y a 8 mois, il a traversé le Pakistan, l’Iran, « souvent à pied », la Turquie, la Grèce, l’Italie pour arriver en France. Périple qui lui a fait dépenser toute sa cagnotte, soit « 12000 dollars » assure-t-il. Ce qui correspond au tarif moyen pour les jeunes afghans candidats à l’exil.
Là-bas, sa mère et ses trois frères, dont deux très jeunes et un paralysé à cause d’une balle reçue dans le buste par des Talibans, n’attendent qu’une chose : « Que je les appelle pour leur dire que ça va, j’ai mes papiers, je vais maintenant à l’école ».
Quant à son père, ancien général sous le règne de Dr Najibullah Ahmadzai - qu’il appelle « Docteur Najib, the king of Afghanistan » et qui en fait était le président pro-soviétique de 1986 à 1992 - a été enlevé par des Talibans en 1996, après s’être réfugié au Pakistan. « Je ne crois pas qu’il soit mort, même si nous n’avons aucune nouvelle de lui. Ce qui est sûr par contre, c’est que les Talibans veulent faire la peau à tous ses fils ».
A l’abri des représailles à Paris, c’est maintenant l’épreuve de la rue et de l’hiver qui l’attend. Dur-dur, sous la neige. Et dire que Lefebvre et ses amis, après un bon repas chaud joyeusement arrosé, pourraient passer devant lui en se disant que c’est un lâche…