Un des principaux parrains corses, propriétaire du fort cossu restaurant d’ Aix-en-Provence la Rotonde, et animateur d’un cercle de jeux à Paris, est égratigné par une enquête judiciaire. Son rôle dans l’assassinat en 2006 de trois caïds arabes au « bar des marronniers » à Marseille, lui vaut une double mise en examen pour association et recel de malfaiteurs. Une sorte de lettre de noblesse. Récit de dix-huit mois d’enquête.
21h15, le 4 avril 2006. Une dizaine d’hommes cagoulés et lourdement armés de pistolets, de revolvers et d’un fusil à pompe, investissent la brasserie des Marronniers à Marseille puis ouvrent le feu. Une douzaine de clients sont attablés en train de regarder le match de foot Lyon / Milan. « On a entendu des bruits qui ressemblaient à des pétards et on s’est tous jetés derrière le comptoir pour se protéger », témoignera le gérant du bar devant la police.
Cible principale du commando, Farid Berrahma, né le 26 mai 1966 à Marseille. Le corps criblé de 14 impacts. Pas eu le temps de sortir son pistolet Glöck. Ses deux lieutenants Radawane Baha et Heddie Djendelli écopent respectivement de sept et cinq impacts. Bilan : trois morts. Cette fusillade illustre la guerre que se livrent corses et arabes pour le contrôle des machines à sous clandestines, un business particulièrement florissant. Écarté de ce marché après son exil en Espagne, puis son incarcération, Berrahma s’était fait déposséder de son territoire par un concurrent corse, Roch Colombani. Le 23 mars 2006 Colombani encaissait une rafale de kalachnikov dont il ne devait pas se remettre…
Ce 4 avril le commando prend la fuite à bord de trois véhicules. Une BMW, un break Alfa et une Audi. Les véhicules sont retrouvés carbonisés aux Pennes-Mirabeau, au nord de Marseille. À l’extérieur du bar, la police relève une tache de sang laissant supposer qu’un des agresseurs a été blessé. Par ricochet. À une heure du matin un homme frappe à la porte à la clinique privée Clairval, dans le sud de Marseille. Il présente une plaie au genou, se fait enregistrer sous l’identité de Patrick Siméoni, « Un accident de moto » explique-t-il au personnel rappelé d’urgence pour le soigner. Opéré dans la nuit l’homme disparaît le lendemain sans même prendre le soin ni temps de faire retirer sa sonde urinaire, décrivent fort précis, les documents des flics. Ouille, ouille… Ce pieux garçon abandonne aussi 3 médaillons : un ange, un christ et un masque.
Dès le 13 avril la PJ sait que l’ ADN retrouvé aux Marronniers est identique à celui du mystérieux « Siméoni ». Le 3 mai une première note de la PJ mentionne qu’Ange-Toussaint Fédéricci, dit « ATF », une figure notoire du milieu corse, « aurait été blessé au cours de la fusillade ». Une analyse des communications téléphoniques des cabines proches de l’Audi, un véhicule abandonné par le commando, permet de repérer un trafic intense le soir des faits. De la Corse, vers Paris et vice versa. De fil en aiguille les limiers de la Crim’ remontent ainsi jusqu’à Paul Lantiéri, une personnalité du monde des jeux.
« Lantieri va s’évertuer à contacter plusieurs fois (un) praticien, lequel fera admettre le blessé à la clinique », écrivent les flics de la PJ dans un rapport de synthèse en date du 7 septembre. Un autre témoignage charge ATF. Placé en garde à vue le neurochirurgien qui a accepté de prendre en charge le blessé finit par reconnaître que Paul Lantieri l’a bien contacté dans la nuit du 4 avril.
D’autres « constructions » téléphoniques en Corse vont permettre à la police de tracer ATF. Mais sept mois seront nécessaires à son arrestation. Elle intervient à Paris le 12 janvier 2007 place de la Madeleine à Paris. À la sortie d’un douillet salon de thé, les poulets marseillais assistés de l’Office central de répression du banditisme (OCRB) interpellent Fédéricci en compagnie de figures hautes en couleurs du « milieu » Corse. Jules Filippeddu, Jacques Buttafoghi, et Bernard Pradier. Nouveau coup de filet le lendemain. À Paris et Aix au domicile de Paul Lantieri. Au Rich, le restaurant attenant au Cercle Concorde dont il est gérant les policiers saisissent une importante documentation relative au cercle de jeu parisien. Mais Lantiéri est rapidement remis en liberté, malgré une mise en examen pour recel et association de malfaiteurs. « Ça nous a troué le c… », poétise un poulet du Vieux-Port.
Pour Ange-Toussaint Fédéricci, 47 ans, unique membre du commando à ce jour arrêté dans le cadre de la tuerie du bar des Marronniers, la situation est certes préoccupante mais pas totalement désespérée. Cet habitué des cours d’assises du sud-est de la France a la réputation d’être un « taiseux » : « Vous me montrez une photo de ma mère, je ne la reconnaîtrai pas », prévient-il en 1999 lors d’un procès pour une série de hold-up. Mis en examen pour homicide volontaire en bande organisée, tentative d’homicide volontaire en bande organisée et association de malfaiteurs, cet enfant de Venzolasca (Haute Corse) peine à expliquer sa présence sur les lieux d’un triple assassinat, scientifiquement démontrée par son ADN retrouvé dans une flaque de sang sur la scène du crime. S’y ajoute son hospitalisation sous une fausse identité le soir même, pour une blessure par balles…. Et sa fuite précipitée de la clinique.
Autant de questions délicates auxquelles cet éleveur présumé de brebis , fiché au grand banditisme, a certainement eu le loisir de cogiter entre le 4 avril 2006, date des faits et son arrestation dans un salon de thé de la place de la Madeleine le 12 janvier 2007. Neuf mois de gestation pas inutiles au regard de son audition devant le juge Tournaire en date du 8 mars 2007 : « J’avais rendez-vous dans ce bar vers 21 heures, déclare-t-il benoîtement, la personne avec qui j’avais rendez-vous n’était pas là, j’ai pris une consommation, j’ai jeté un coup d’œil au match, je ne m’intéresse pas tellement au foot. Soudain deux hommes cagoulés sont entrés dans le bar et se sont mis à tirer, j’ai reçu une balle dans la jambe. Les deux individus sont repartis. Je suis resté figé puis j’ai quitté le bar… »
Fédéricci justifie ensuite son hospitalisation sous une fausse identité puis sa cavale : « je ne voulais pas que mon nom ressorte. J’ai un passé et je ne voulais pas être mêlé à cette histoire. J’ai donc demandé de ne pas donner mon vrai nom et dire que je m’appelai Siméoni ». Restent les déclarations du patron de la brasserie des Marronniers et des autres consommateurs présents ce soir là. La photo de Federicci n’évoque chez eux aucun souvenir. Petit florilège : « je n’ai jamais vu cette personne de ma vie, je vous confirme qu’il n’était pas dans le bar ce soir là », « je ne me rappelle pas de ce visage », « je n’ai pas vu d’autre blessé sortir du bar » etc.
Personne ne se souvient de la présence de Fédéricci comme client. Interrogé le 6 avril 2006, par les enquêteurs moins de 48 heures après les faits Tahar Aggoune, le patron du bar, est alors catégorique. Il évoque une douzaine de clients, tous des habitués, quelques turcs notamment. Question : « Étiez-vous sûr que personne d’autre ne se trouvait dans votre établissement hormis celles citées ? » Réponse : « Oui, je suis formel, il n’y avait personne d’autre ».
Le 16 mars 2007, le gérant des Marronniers est de nouveau entendu : « sur les photos que vous me présentez, je ne reconnais personne sur votre album ». Errare humanum est, sed persevare diabolicum (Se tromper est humain, mais persévérer est diabolique). Il faut ainsi patienter jusqu’aux auditions du 11 et du 12 juillet 2007 pour que le patron du bar se souvienne (enfin ?) de la présence de Fédéricci… « Je suis formel, l’individu sur les photos était parmi les turcs ». Singulier retour de mémoire dont il n’est pas certain que même un spécialiste de la maladie Alzheimer soit à même de déterminer l’origine.
La chronique judiciaire de Fédéricci est néanmoins riche de tels retournements de situation. En 1997, devant la Cour d’assises de Haute-Corse, l’avocat général avait requis 20 ans de réclusion criminelle contre lui pour une fusillade en Corse qui fit un mort et un blessé grave, le 17 janvier 1994. Laissé pour mort, le survivant Patrick Diaz avait mis en cause Federicci comme son agresseur. Le témoin retenu par d’autres préoccupations n’avait toutefois pas pu venir déposer devant la Cour d’assises. Selon le compte-rendu fait à l’époque par Nice matin, Roland Mahy, l’avocat général avait alors imploré les jurés. « Ne donnez pas une formidable prime à la peur » et dénoncé « l’influence constante subie par les témoins ». En moins d’une heure de délibération, les jurés décidaient d’acquitter Fédéricci.
La correspondante de Nice Matin notait, le 22 octobre 1997 : « Pour avoir assisté à l’intégralité des débats, on est à même de dire que les jurés populaires du procès de Fédéricci ne semblaient pas sous l’emprise de la peur ; à en juger par les questions pertinentes que les uns et les autres (homme ou femme) ont posées, d’une voix assurée, aux experts et aux témoins… »
D’une voix assurée…
Soudain deux hommes cagoulés sont entrés dans le bar et se sont mis à tirer, j’ai reçu une balle dans la jambe. Les deux individus sont repartis. Je suis resté figé puis j’ai quitté le bar… »
Alors ils étaient 3 tueurs + 2 chauffeurs soit 5 dans le commando ?
Un homme a été assassiné la clinique Casamance d’Aubage : 2 tueurs il s’agit Peut-être des mêmes ? le troisième étant absent pour cause d’incarcération
ça doit être terrible de sentir ses os pourrir dans une cellule durant trente longues années, quand d’autres se reposent…
"Mais Lantiéri est rapidement remis en liberté, malgré une mise en examen pour recel et association de malfaiteurs. « Ça nous a troué le c… », poétise un poulet du Vieux-Port".
Peu de temps, après cette affaire, le juge "XXX"" qui n’a pas incarcéré Paul Lantieri ,malgré la demande du juge instructeur a eu droit à "une promotion professionnelle" …
Oui les cartes ont été redistribuées à Paris, mais les corses sont dans de grosses opérations (les casinos, l’immobilier, le tourisme et bientôt le sport business).
Et tout compte fait je préfère avoir a faire à Jean Do Fratoni qu’aux Gitans.
J’ai guidé un parain de Los Angeles (un pieds noir), en 1977 qui venait visiter qui ? Pasqua et Chirac à Cannes pour leur remettre une valise, ensuite ce cher homme (très cher selon ses dires) est rentré sur Monaco.
pour Ribelli : les corses ne contrôlent plus rien dans la came à Paris, et c’est le même constat dans le sud. Ils sont pas fini mais la nouvelle génération c’est pas les corses c’est les cités, ils se sont imposés dans la came de A à Z, y’en a même certains qui traitent directement au Vénézuela et en Colombie avec les gros producteurs, et pour le shit ça fait 10 ans voir plus qu’ils contrôlent l’ensemble du trafic.
Quand aux machines à sous c’est un bizness qui est en train de couler, ça c’était le grand truc des années 90 mais ils sont de moins en moins nombreux à faire là-dedans
Et dans le sud corses et arabes marchent main dans la main, suffisait de voir qui y’avait à Aix en Provence pour la réouverture du bar la Belle Epoque, que du beau linge de tout horizons
pépé Dominique,
Une promotion bien mérité pour ne pas avoir incarcéré Paul Lantieri mis en examen pour recel de criminels ?
Elle fait un peu tâche à ce jour la promotion de ce juge !
Paul Lantieri en cavale pour
une affaire de blanchiement d’argent sale impliquant
le banquier suisse Michel Rouge incarcéré , Antoine Lantieri frère du maire de Boniffacio impliqué voire incarcéré Roland Cassone et Venturi incarcéré, 800 000 euros d’argent saisie, le cercle concorde fermé, 20 arrestations, de nombreuses incarcération,
Tu as raison une promotion bien méritée…