Qui dit élection dit aussi réactions et interprétations de vote. Ce qu’il y a de pratique avec les chiffres bruts livrés par les urnes, c’est qu’on peut leur faire dire tout… et n’importe quoi. Florilège dans le Nord-Pas de Calais.
Réactions d’élus et interprétations tout à fait personnelles du premier tour des régionales…
Moins de 45% de votants dans la région. En moyenne. Car à Roubaix, on flirte avec les 28,3% de participation. Pour le maire, René Vandierendonck, conseiller régional sortant, et très investi dans cette transcendante campagne (souvenez-vous l’affaire du Quick Halal), on pourrait y voir une sévère déculottée. Mauvais esprit ! Tout faux. Dans Nord Eclair, René Vandierendonck a trouvé une explication fort commode à cette hémorragie d’électeurs. Une abstention en guise de contestation, un défaut de communication de la Région sur son oeuvre (difficile de nier ces deux éléments) et un troisième argument tout neuf, servi par le fin analyste roubaisien : cette abstention est aussi « technique ». Explication livrée dans la foulée : « Avec la rénovation urbaine, beaucoup de gens changent de quartier sans le signaler en mairie. » Moralité, si les gens se sont plus abstenus à Roubaix qu’ailleurs, c’est parce que le maire a bien bossé, a bien mené la rénovation urbaine et que cela foutu la pagaille dans les listes électorales. Fallait l’oser celle-là.
Moins d’un électeur sur deux daignant voter, on serait tenté d’y lire un profond désintérêt pour le Conseil régional. Idée saugrenue ! Heureusement, Dominique Dupilet est là pour remettre les pendules à l’heure. D’après le président du Conseil général du Pas-de-Calais, ce scrutin témoignerait d’un attachement à l’institution régionale. Si si. Parce que ces résultats illustrent un vote sanction à l’encontre de la politique gouvernementale, de ses réformes, et en particulier du projet sur les collectivités territoriales. Petite phrase piquée dans La Voix du Nord : « Ce résultat (…) est un désaveu cinglant pour toutes celles et tous ceux qui, de l’Élysée jusqu’aux candidats de la majorité présidentielle, soutiennent la réforme territoriale, veulent sous prétexte de mille-feuille local mettre les territoires au pain sec, et sont les avocats d’une recentralisation aggravant les inégalités. » Et notre homme persiste et signe, dans un post sur son blog : « Oui, en tous cas ce scrutin a une valeur et j’y vois notamment un appui manifeste au combat contre la réforme des collectivités territoriales. »
On la pensait passée de mode, à force d’avoir été usée et utilisée par tous et à toutes les sauces. Eh non. Pour expliquer sa débâcle (3%) et par la même occasion la faible mobilisation de l’électorat, Olivier Henno, tête de liste du MoDem, nous ressert cette fameuse crise interplanétaire ! Entendu sur le site de La Voix du Nord « cette profonde réflexion » : « La crise, parce que les gens sont en souffrance, aboutit à ce que la participation soit faible. Il y a une désespérance et une radicalisation qui font que le projet humaniste et centriste devient plus difficile. » Ah si c’est la faute à la crise, y’a plus qu’à attendre, et la participation reviendra.
Heure-reux, le député-maire de Dunkerque qui se fend d’un billet sur son blog. Cette élection a porté Daniel Percheron en tête dans sa commune. Merveilleux. Michel Delebarre y voit « la preuve que le travail effectué à Dunkerque porte ses fruits dans chacun de nos quartiers ». Peu importe qu’il s’agisse d’un scrutin régional, on ne va pas se priver d’un petit auto-satisfecit.
Et tandis que beaucoup d’élus se contentent de déplorer l’abstention, sans se hasarder à une explication, Michel Delebarre y va gaiement : « Je déplore toutefois une trop importante abstention due en grande partie à l’épuisement de l’électorat sous les coups d’un gouvernement dont les paroles et promesses ne sont pas suivies d’effet. La raffinerie des Flandres nous procure une illustration. Pendant que les élus locaux de gauche tentent de sauver, avec les salariés, un véritable projet industriel, le ministre de l’Industrie, demeure muet sur les propositions de Total qui, pourtant, de l’avis général, sont insatisfaisantes quant au devenir industriel du site. Quelle est sa crédibilité ? »
Et un petit dernier. « On a gagné » entendait-on dans les QG socialistes de la région. Et la presse du jour relaye volontiers la satisfaction des forces de gauche. Un PS qui se voit en grand vainqueur de ces élections, un PS pourtant seul (enfin il y avait quand même du PRG et du MRC) devant la droite républicaine rassemblée. Oui, ça c’est valable quand on regarde les pourcentages, mais du côté des voix exprimées, le constat est bien différent : 484 798 voix en 2004 dans la région pour le PS, contre 358 185 voix en 2010.
Moralité, 125 000 voix se sont évaporées (26%) dans le giron socialiste. Forcément, dit comme ça, on se demande si il y a réellement un vainqueur dans ce premier tour…
A lire : les élections régionales dans le Nord-Pas de Calais sur DailyNord.fr