Victime d’une fièvre d’égalitarisme, le gouvernement veut supprimer les régimes spéciaux. Une méthode qui hérisse les ultra-libéraux de l’OCDE qui rêvent d’une mise en concurrence des différends fonds.
Les régimes spéciaux de retraite sont le fantasme de la droite. Depuis 1995 et les grèves qui ont paralysé Paris et détruit Juppé, elle cherche sa revanche. Le cheminot est devenu pour la droite décomplexée à la Sarkozy ce que fut en son temps le mineur pour Margaret Thatcher. Il faut détruire sa combativité sociale dans un affrontement victorieux pour montrer où est désormais le vrai pouvoir et limiter ensuite toute velléité de résistance syndicale aux réformes du secteur public. Certains soulignent parfois qu’il serait ridicule de prolonger les carrières à la SNCF ou à la RATP alors que l’on cherche à en réduire les effectifs, rappelant que si les cheminots avaient été basculés en 1995 au régime général, ils seraient aujourd’hui dans des formules de pré-retraite en tout point semblables à leur retraite actuelle. Cela n’ébranle guère la détermination de la majorité présidentielle. Le plus déterminé est le malheureux François Fillon. Cela correspond en fait à son nouveau statut de gardien du programme. Statut ingrat car il a déjà dû en rabattre. Il n’a cessé de rappeler que les engagements de la campagne présidentielle conduisaient à ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique. Las, il est resté fort dépourvu quand la décision fut venue, puisque ce fut un sur trois…
Assez paradoxalement, les interrogations sur la fin des régimes spéciaux ne sont pas le fait exclusif de la gauche syndicale. L’Ocde, qui a, à plusieurs reprises attiré l’attention des dirigeants français sur la nécessité de mieux préparer le vieillissement de la population, affirme que les multiples caisses qui existent à l’heure actuelle sur une base professionnelle, pourraient devenir l’embryon d’un réseau concurrentiel. Il ne s’agirait pas de supprimer les différents régimes mais de les mettre en concurrence. Par ailleurs, cette organisation rappelle que dans les entreprises publiques, l’incorporation de la retraite dans la carrière des employés obéit à une logique de revenu permanent chère aux ultra-libéraux de l’école de Chicago : en bref, les avantages accordés aux retraités du secteur public seraient la compensation de salaires moins importants pendant la période d’activité que ceux du secteur privé. Quant à Danièle Karniewicz, la présidente CGC de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, elle préférerait rester à l’écart de toute cette agitation. Pour elle, le mieux serait que les nouveaux recrutés rejoignent le régime général, et que tout reste en l’état pour ceux qui sont en place.
Grand absent de tous ces débats, le Conseil d’orientation des retraites : on ne sait pas s’il a quelque chose de spécial, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’a rien de spécial à dire. Il va au passage disparaître, probablement avant la fin de l’année. Et sans que personne ne se mette en grève… !!