"Sutures" de l’Américain David Small, la chronique sombre et sensible d’une enfance maladive.
Elle peut être la pierre au cou du noyé, elle aura donné des ailes à l’art de David Small : l’enfance malheureuse. À Detroit, dans les années 50. Comme tant d’autres dessinateurs américains. Il Suture (éditions Delcourt) ses plaies de gamin dans une autobiographie en noir et blanc. Point par point. Le crayon trempé dans la sève des souvenirs de l’âge. Sur 350 pages. Un huis clos familial dans l’Amérique de l’après-guerre.
Avec le regard mûr d’un général à cheval qui se cabre en peinture sur ses fragiles petites années. De 7 à 15 ans. Il n’eut de cesse de mettre ses pas, sa carrière durant, dans les souliers du petit David. Il en a tiré sa notoriété. En tant qu’auteur et illustrateur de livres pour enfants. L’ouvrage se lit comme on pénètre un jardin secret où fleurissent des malédictions enracinées. Par les femmes d’abord. Grand-mère folle et revêche, mère lointaine et perdue. Par la maladie, ensuite, d’un corps fragile et d’un esprit habitué à la seule rumeur de sa solitude ; l’indifférence de ses parents face à cette fragilité.
L’adulte qu’il est devenu jette un regard tendre et amèrement amusé du fiasco des débuts. Le ton est vif et rythmé. Les dialogues réduits au silence des murs quiets. On les connaît, ces gamins- là, qui ornent l’imaginaire du malheur d’être mal né : OliverTwist, Peter Pan ou Le Petit Chose de Daudet. David Small allie cette intelligence, d’avoir porté sur le pessimisme de son enfance l’optimisme de l’art sur la vie. Cicatrisé !