Alors que la commission Attali remet son très orthodoxe rapport au président de la République, le conseiller Henri Guaino doit se sentir bien seul à l’Élysée. Tiendra-t-il longtemps ?
Le premier coup de feu est parti d’Eric Le Boucher le chroniqueur économique du Monde et surtout membre de la commission Attali. Dans sa dernière chronique, datée du 19 janvier, il invite le président de la République à plus de cohérence. Et en conclusion il l’exhorte à « écarter (s)es conseillers qui l’égarent » ? Malgré le pluriel de politesse, la cible est claire : Henri Guaino. L’étau se resserre autour de l’hétérodoxe conseiller du Président.
Quelles sont les forces en présences ?
A l’Elysée, il est isolé, mais pas encore condamné. La libérale assumée, Emmanuelle Mignon, aimerait bien être la seule oreille du président. Mais la « conseillère de talent » selon Le Boucher, est assez rouée pour ne pas trop faire sentir son courroux. Elle n’en pense pas moins. Elle se passera sans problème de son rival. Guéant ne l’aime pas plus que ça. Ce dernier, surnommé le « vice premier ministre » réprouve le goût du conseiller spécial Guaino pour la joute oratoire. Mais cet homme d’ordre, cet ultra-légitimiste, n’interviendra pas. Il le soutiendra même si ce sont les ordres. Tant… Tant que son patron le supportera. Et ensuite…
Les Séguinistes – autant que ce mot ait encore un sens - sont absents. D’abord parce que Philippe Séguin, actuellement rangé comme premier président à la Cour des comptes, ne soutient personne, soit par goût de la solitude, soit par respect des institutions républicaines et du suffrage universel. Reste Fillon. Mais quelqu’un se souvient-il qu’il a été un proche de Seguin ? Lui essaie de le faire oublier. Avec succès. L’homme est assez souple, assez patelin pour le faire sans se renier. Un peu comme si c’était naturel de passer de la République au Marché. Comme si les deux boutiques avaient des murs mitoyens.
Guaino n’a quasiment aucun allié dans le groupe UMP de l’Assemblée Nationale. Les libéraux le détestent. Ils le jugent archaïque, voire anachronique. Guaino, nostalgique de la planification et des grands programmes, passe pour un crypto communiste. Ceux qui n’ont pas cette finesse d’analyse le tiennent pour un fou. Les gaullistes à la fibre sociale, s’ils en restent, et dans ce cas ils ne seraient plus très nombreux, l’ignorent superbement.
Les patrons d’administrations centrales lui en veulent tous. Ils pensent qu’il est à l’origine des piques contre « les lourdeurs administratives », et autres gentillesses de ce genre qui, presque quotidiennement, rythment les discours du président. Les plus politiques pensent qu’un homme aussi isolé ne fera pas long feu et se montrent distants. Pour finir, les grands corps ne l’aiment guère. Il ne fait pas partie du sérail et il occupe un poste que certains estiment leur revenir. S’ils ne l’aiment pas, la réciproque est vraie. Le conseiller spécial, au moment de son passage au plan, a mal vécu le cynisme et le manque de coopération de certaines administrations.
Mais le pire ennemi d’Henri Guaino, n’est ce pas Henri Guaino ? L’homme est sans concession. Un ego assez prononcé. Une certaine fierté. Une pensée radicale, qui peut l’inciter à multiplier le nombre de chômeurs au nom de la vérité, comme il l’a fait, quand il était au plan. Cet ex-chevènementiste aime le panache. Il ne cesse de dire que si son patron changeait de politique, il partirait. Et ses amis disent qu’il a assez de cran pour le faire.
Donc, le seul soutien à Henri Guaino, c’est Nicolas Sarkozy. Le président sait qu’il lui doit sa victoire. Mais ce n’est pas tout. L’isolement de son conseiller le rend sympathique. Il le renvoie à ses origines, à son histoire. Le raisonnement moins normé, plus humain, le rassure. Et au moment où les élites commencent à prendre leurs distances, le président doit se sentir de proche de « ce conseiller qui l’égare ».
Un seul soutien, c’est peu, même quand c’est celui du président.
Contrairement à ce que croit thomas, Henri Guaino n’aura pas fait longfeu et c’est bien normal, puisqu’en quelques mois, il aura grillé toutes les allumettes en fourguant n’importe quoi dans son poêle, pourvu que cela soit joli à voir. Il aura encouragé, chez un Sarkozy déjà prédisposé à l’agitation, une pensée politique désordonnée réduite à des effets de manche. Cela fonctionne pour une campagne électorale, mais dès qu’il est question de gouverner, ça craint.
Ni fleurs ni couronne