Fin juin 1970, le bouillant Jean-Jacques Servan-Schreiber emporte à la hussarde un siège de député à Nancy. La victoire de ce trublion centriste, fondateur de l’Express, auteur en 1967 d’un best-seller le Défi américain, intrigue la Maison-Blanche, qui se demande si ce JJSS est capable de bousculer la France post-gaulliste. Le conseiller Henry Kissinger, qui seconde le président Richard Nixon, demande donc une note au Département d’Etat sur le cas JJSS.
Le mémorandum « confidentiel » que nous reproduisons, adressé à Henry Kissinger, est daté du 3 juillet 1970.
Les diplomates américains s’amusent que l’élection surprise de JJSS donne aux Français un sujet de conversation dans une climat politique plutôt « terne ». Ils évoquent les clés de son succès, alliant « sa conduite, le charme, l’argent, et un don remarquable pour l’auto-promotion ». Ils soulignent que ses idées neuves sur la décentralisation et l’Europe, et sa « virtuosité littéraire » ont prévalu sur son comportement passé, souvent erratique et « parfois irresponsable ». Prudents, les diplomates estiment que seul le temps dira s’il s’agit juste « d’un flash » ou « la première ligne d’un nouveau chapitre de l’histoire politique française ». La carrière politique de JJSS, ministre de Giscard durant quelques jours en mai 1974, sera brève. Son histoire avec les Etats-Unis ne faisait pourtant que commencer.
Servan s’envole avec armes et enfants vers les Etats-Unis en 1985, après un échec retentissant. Placé à la tête du centre mondial pour l’informatisation et les ressources humaines, une entreprise attalo-mitterrandienne, l’ancien éditorialiste y a laissé un fatal gouffre financier. Accueilli à Pittsburgh, il y préside le comité international de l’Université Carnegie Mellon, avant de revenir en France au milieu des années 90.
JJSS est décédé le 7 novembre 2006.