Suppression d’un quart des conseils de prud’hommes, chronométrage des jugements, suppression d’indemnités repas, la réforme « Dati-Bertand » met la justice prud’homale sous pression. Est-elle applicable ?
Déja sous pression, la justice prud’homale risque de souffrir de la réforme initiée au printemps par la Garde des sceaux, Rachida Dati et le ministre du travail, Xavier Bertrand. Sur 271 conseils de prud’hommes répartis un peu partout en France, 62 devraient être supprimés.
Au quotidien, le travail des représentants des salariés et des employeurs sera désormais chronométré : trente minutes pour la rédaction d’un procès-verbal, une heure pour préparer une audience de référé, de trois à cinq heures pour la rédaction d’un jugement (pour dépasser ce temps, les présidents de chambre devront obtenir une autorisation spéciale) .
« En contrepartie, les conseillers prud’homaux ont obtenu une revalorisation de 17% de leur taux horaire de vacation », précise Guillaume Didier, porte parole de Rachida Dati. Mais sur le terrain, de nombreux responsables prud’homaux jugent la réforme inapplicable et menacent de bloquer le système. Enquête sur des conseils de prud’homme au bord de la crise de nerfs.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Pourquoi ne pas appeler un chat un chat ?
Avec un taux d’absention de 75 %, les prud’hommes ne sont plus reconnus en France.
Plus grave, pour ceux qui ont eu l’obligation d’y passer, ils verront que les juges ne lisent pas les documents, que les décisions sont prises en général par le syndicat du juge prud’homal, que les greffiers fonctionnaires font de véritable fautes dans la transcription. Et que pour obtenir gain de cause, il est indispensable d’attendre 3 ans en moyenne pour qu’une affaire soit jugée par un juge professionnel en appel. Il s’agit d’une juridiction du moyen age. Dirigée par certains syndicats qui font la une de "l’argent noir des syndicats"
Le débat sur la suppression des petits conseils ne va pas très loin. C’est plutôt leger. L’argument selon lequel les gens ne viendront plus réclamer les salaires si le tribunal est plus loin .. bof, bof. L’allusion aux petites maternités est bof aussi puisque le risque de jugement boiteux est plus importants dans les petites juridictions où il a peu de juges tout comme le nombre d’accouchements "à risque" est plus important dans les petites maternités qui pratiquent peu.
Pour le chronométrage, il est parfaitement vrai qu’au moins 50 % des affaires ne nécessitent pas 3 heures de reflexion-rédaction. Je suis désolé de le dire mais le droit qui doit être appliqué aux prud’hommes, c’est raze-moquette …
Pour étayer un peu plus le débat
1. Réforme de la carte judiciaire :
Bernard Coçut de la CGT s’étonne. L’argument défendu par les pouvoirs publics selon lequel le choix s’est fait en raison d’une désertification industrielle voire économique ne tient pas. La CGT aurait fait la proposition d’installer plusieurs tribunaux dans des lieux de concentration comme à la Défense ou à Roissy en Ile de France, histoire de décharger des tribunaux comme celui de Bobigny, toujours plus surchargé… Refus des pouvoirs publics.
Jean-Luc Touly, juge prud’hommale à Paris et co-auteur de L’argent noir des syndicats (Fayard) s’étonnait aussi du "silence des grands patrons syndicaux" comme " Mailly, Thibault, Chérèque". A la suppression des 62 tribunaux, il est vrai que des manifestations ont été orchestrées mais essentiellement par des élus aux prud’hommes (et aussi par les élus municipaux des villes concernées). Les leaders syndicaux " n’ont pas mis la gomme sur ce sujet, comme pour d’autres d’ailleurs… 35 heures, retraites… ". L’autre co-auteur du livre, L’argent noir des syndicats, le journaliste d’investigation Roger Lenglet précise que "la base des syndicalistes s’est sentie abandonner par leurs fédérations au moment de la réforme de la carte judiciaire". Pourquoi un tel silence ?
2. Chronométrage
Je renvoie aux vidéos de Rue 89 qui donne la parole à Gilles Soetemondt, président (CFDT) du Conseil des prud’hommes de Paris qui fait le parallèle avec un "reportage fait en deux minutes" et de la présidente (CGT) de la section commerce qui a entamé une guerre de tranchées, sur le mode de la "désobéissance civile". Meriem Hamlaoui refuse d’appliquer le forfait horaire. Les vacations ne sont donc pas contresignées par le greffe.
Juste une précision. Le Ministère a avancé qu’"il n’y a pas de minutage" "on peut bien sûr déroger à la règle des trois heures si les affaires le demandent". Bernard Coçut, de la CGT, ne le voit pas du même oeil… Il faut que tous les conseillers, le Président, le Vice-Président soient d’accord. Il faut donc que les conseillers représentant les employeurs soient d’accord. "Ce qui n’est pas le cas à Paris", a-t-il avancé. Objectif selon lui : "Nuire à la qualité des décisions des Prud’hommes qui ne sont frappés que de 20% en appel." "Pourquoi changer ?"