En ces jours d’extrême médiatisation du déploiement policier à Villiers-le-Bel, « Bakchich » se tourne vers le sociologue Laurent Bonelli, auteur du livre « La France a peur » (La Découverte) pour comprendre pourquoi l’insécurité est devenue une obsession médiatique, qui masque les questions sur l’avenir des jeunes défavorisés.
Lire un ouvrage de sociologue, c’est accepter de prendre un risque. On attend une lecture difficile, voire soporifique. C’est vrai tant que l’on n’a pas ouvert la première page. Avec ce livre, le monde devient intelligent. Nos intuitions prennent formes, prennent mots. Et on en sort grandi.
La France a peur, d’abord et surtout parce qu’elle aime se fait peur, que les politiques savent très bien utiliser la force de l’émotion, mise en scène avec brio par les médias – car la peur fait grimper l’audience à tous les coups. La boucle est bouclée.
Quand on dit médias + insécurité, on pense instantanément à TF1… Surprise, la « première chaîne » n’est pas la plus caricaturale. Elle est même une de celles qui utilise le moins cette accroche pour attirer le chaland. C’est « France 2 qui arrive en tête quant au nombre d’émissions consacrées à " l’insécurité " ». Et dans la presse ? Libération bat à plate couture Le Figaro, qui lui même se préoccupe beaucoup moins du sujet que le très influent Le Monde.
Pour nourrir nos fantasmes, les faiseurs d’opinion usent de qualificatifs stigmatisants pour parler des jeunes défavorisés – jeunesse des banlieues –, voire dégradants – des blousons noirs aux racailles, en passant par les loubards et les sauvageons. Ici, l’auteur choisit le terme générique de « jeunesse populaire » qui renvoie au Front Populaire, aux bals éponymes et aux premiers baisers.
Et puis la France a peur, parce qu’elle ne prend pas le temps de comprendre.
Pas le temps de comprendre, par exemple, ce que deviennent au juste les jeunes des milieux populaires après leur scolarité. Tout dépend du capital qu’ils ont pu mobiliser pendant leurs (brèves) études. En fonction de leur personnalité, de leurs parcours et de ses incidents, ils ont mobilisé plus ou moins de compétences économiques, culturelles, ou – on l’oublie trop souvent –, physiques.
Les gaillards les plus « conformes physiquement » auront la chance ( !) d’accéder aux « métiers d’homme » du bâtiment. Plus rarement à ceux de l’acier. Et ce n’est pas avec ArcelorMittal et ses récentes intentions de supprimer 600 postes à Gandrange (Moselle), ni avec le mini-traité sur l’Europe, que cette chance va augmenter.
Les « bohèmes culturelles » n’auront pas accès aux ateliers d’artiste de la ville de Paris. Ils seront animateurs socioculturels, pour un peu plus du SMIC. Les autres, les non conformes, passeront, selon le sociologue, de la bande à la prison.
Peu de gens ont le temps de comprendre l’histoire des grands ensembles. La « ménagère de plus de 50 ans » n’a ni le temps, ni les moyens, puisque personne ne lui donne. Sauf quelques raretés qui continuent de faire leur boulot, dont Laurent Bonelli fait partie.
Je comprends ma peur, je n’ai plus peur.
Grâce à vous je comprends l’inutilité de craindre pour sa fille de 14 ans ou son fils juif qui veux porter la kipa à Villiers-le-Bel. Désormais je ne crains ni pour mes biens, ni pour ma liberté et la qualité de mon cadre de vie. Je comprends la perversité de toutes ses craintes qui suscitent tant d’incompréhensions, de discriminations et de violences gratuites.
Merci Monsieur le sociologue ! :-)
En d’autres temps, des opérations de polices beaucoup plus dicrètes (il n’existe qu’une seule photo) que celle de Villiers-le-Bel, ont annoncé une des plus grande commémoration des classes de CM2.
A cette époque, les responsables français, pour justifier la perte de sens de la population après le défaite contre l’Allemagne, n’avait pas hésité à inventer la notion de "juif apatride" et fait organiser par la police nationale, des rafles en suscitant des dénonciations au sein de la population.
C’était une autre époque, on parlait pas des médias, des banlieues, et des racailles, mais on avait peur quand même.