Chaque année, fin mai, reviennent le soleil et le tournoi de tennis de Roland Garros, porte d’Auteuil à Paris. Avec son lot d’étourdissement, évanouissement et autres pamoisons de spectateurs dans les travées. Pour éviter de tels désagréments en ce jour d’ouverture du tournoi, Bakchich vous livre sa petite recette.
Est-ce à force d’être battue ? La terre rouge de Roland-Garros se venge. A la télé, on voit en direct des belles s’écrouler, des plus costauds aussi et le Samu chic, constitué de jeunes gens en pantalon à pli les emporter sur des civières qu’on imagine de chez Hermès. Y a-t-il une malédiction avenue de la porte d’Auteuil ? Même si Roland-Garros est l’inventeur de la mitrailleuse à tirer au travers des hélices, ce n’est pas une raison. Le Bois de Boulogne n’est pas Bagdad. Jean-Pierre de Mondenard, médecin de sport et Hippocrate de Bakchich révèle le mal qui court sous les châtaigniers et le moyen de le prévenir : le coup de chaud. Le remède vaut aussi pour les pécheurs à la ligne ou les amateurs de boucheries taurines, genre « sombra » ou « sol ».
La conscience (penser, se tenir debout, agir, regarder Cauet à la télé) dépend du bon fonctionnement du système nerveux. Donc d’une circulation cérébrale efficace. Si, pour une raison quelconque l’irrigation diminue, même de façon restreinte, le cerveau se met en berne et avec lui toutes les fonctions vitales. La syncope, marquée par un évanouissement, est une perte de conscience, temporaire, qui survient brusquement. En général, le coupable est une diminution de l’afflux sanguin vers le cerveau, donc une raréfaction de l’oxygène. La lipothymie obéit au même mécanisme. Mais se caractérise par un simple obscurcissement de la conscience, on peut donc continuer de regarder Cauet. Ce premier degré de la syncope porte le joli nom proustien d’évanouissement.
Il peut vous suffire, quand le brouillard monte, d’écarter les genoux et placer la tête le plus bas possible entre les jambes pour écarter la perte de conscience. Vous me direz qu’a Roland-Garros, se livrer à une telle contorsion va vous faire remarquer sauf si vient à passer le Dalaï Lama. Tant pis, la santé avant tout. Car tomber dans les pommes peut être dangereux pour les os, la peau, votre beauté. La syncope de Roland-Garros arrive comme les autres syncopes, sournoisement. Avant le chaos, on éprouve un malaise indéfinissable (toujours Proust), qui empêche de prendre conscience de ce qui se passe autour. Commencent les « sueurs froides » et, parfois, une sensation de nausée. La fatigue est intense (genre Vilas-Borg) tandis que le visage pâlit et que ses pupilles se dilatent. La tête commence à tourner avec des bourdonnements d’oreille et la vue qui se trouble. Là, nous sommes au bord du précipice, le « noir » se fait et le milieu ambiant disparaît, les bruits (même les cris des joueuses russes) semblent lointains et irréels et l’homme, la femme, tombe. En dehors d’une cause organique comme l’infarctus du myocarde [1], l’embolie cérébrale, l’épilepsie, c’est le plus souvent un déséquilibre circulatoire qui kidnappe le sang à la périphérie, c’est-à-dire dans les jambes ou sous la peau, au détriment du cerveau [2].
Se trouver mal, tomber dans les pommes, s’évanouir, cette même syncope à plusieurs explications :
La digestion : pour assimiler un repas, l’estomac et surtout l’intestin ont besoin d’une quantité supplémentaire de sang. Imaginez qu’à « Roland », vous partagiez, au village VIP, la table du Pdg de la BNP (vous avez remarqué que je ne me moque pas de vous. J’aurai pu dire « Société Générale »). La langouste, c’est léger mais il y a la mayonnaise. La digestion va durer de 2 h 30 à 3 heures. Si, pendant cette période, vous exposez votre joli corps au soleil, le sang va devoir se rendre au four et au moulin. Le four c’est la peau, que le sang doit refroidir comme le radiateur de votre Porsche Cayenne, le moulin sont les intestins et l’estomac. Dans cette posture, la digestion au soleil, le cerveau qui réclame sa part se trouve en manque. Pas content il vous colle une perte de conscience.
La déshydratation : lorsque le mercure grimpe, le sang, si vous avez suivi la leçon, se déplace sous la peau et la sueur, pas forcément prolétarienne, s’écoule en abondance. En position assise, selon les sujets, la quantité maximale produite varie en moyenne de 600 à 800 millilitres par heure. Cette fuite d’eau fait baisser le volume de liquide disponible pour le cerveau. Puisque même Einstein avait de l’eau dans la tête et que Cauet en a.
L’alcool : voilà le piège de la BNP. Sous les tentes VIP, on ne suce pas que de la glace. Et l’alcool favorise la dilatation des vaisseaux sous-cutanés, et réalise, comme la digestion et la chaleur, un « hold-up » sanguin au détriment de la commande cérébrale.
Varices : lors d’une exposition solaire, la dilatation veineuse des jambes augmente, a fortiori pour ceux qui ont une mauvaise circulation ou des varices. Mais je n’ose évoquer ce chapitre. Comme si sueur et varices étaient des valeurs admises au Cac 4O de Roland ! La chaleur, la position assise détermine une accumulation importante de sang vers les membres inférieurs. Le résultat ? Vous avez assez d’UV (au sens études de médecine) pour comprendre tout seul : l’apport veineux vers le cœur se réduit, le débit cardiaque ralentit, la pression artérielle chute, et ce sapristi de flux sanguin oublie le cerveau. Et Pschitt.
Un choc émotionnel est malvenu dans la fournaise de Roland. La chute ou le triomphe du favori peut être fatal. Rêvez, par exemple, que Richard Gasquet gagne un jeu ! Cette situation émotionnelle (restons dans Proust et restons à l’ombre des jeunes filles en fleurs) déclenche un brutal ralentissement cardiaque. C’est l’excitation excessive du système parasympathique, dont le rôle est de faire baisser le rythme cardiaque, qui provoque le plongeon dans les pommes.
Des vêtements trop serrés : comme corsets, guêpières, larges ceintures, ce n’est pas bon non plus. C’est vrai que les guêpières sont de plus en plus rares sous les marronniers de la porte d’Auteuil. Mais cette cause était celle des femmes évanouies à la fin du XIXe et début du XXe autour des courts. Elle qui expliquait les syncopes de Wimbledon et de Forest Hills, Les femmes du peuple, qui ne portaient pas de tels sous-vêtements, étaient rarement exposées à ce type d’évanouissement.
Certains médicaments sont susceptibles de perturber la régulation de la tension artérielle. Un étourdissement peut se manifester lorsque, pour applaudir un point exceptionnel, comme Nadal montant au filet, on passe brutalement de la position assise à la position debout. Certains médicaments (antidépresseurs, diurétiques) peuvent entraver les mécanismes de régulation de la tension artérielle, qui en temps normal, au moment d’un changement brutal de posture, provoquent instantanément une constriction des veines afin de faciliter le retour du sang vers le cœur et le cerveau.
Porter des vêtements et un couvre-chef blanc.
Avoir son litre d’eau à portée de la bouche. En consommer régulièrement par petites gorgées
Protéger ses jambes (surtout si l’on a une mauvaise circulation ou des varices !)
Manger léger et limiter l’alcool avant d’aller vous asseoir dans les gradins.
Si la partie doit se prolonger, profiter des changements de côté pour contracter les muscles des pieds, des jambes et des fesses en faisant, debout, quelques élévations sur la pointe des pieds. Imaginez que vous êtes Béjart.
Quand on se sent défaillir :
Desserrer les vêtements au niveau du cou et de la taille, la poitrine.
Rester assis, écarter les genoux et placer la tête entre eux de façon que le sang afflue librement au cerveau
Maintenir cette position tant que « ça tourne »
Essayer de se lever dès que l’on se sent mieux, mais reprendre immédiatement la station assise si l’impression de malaise persiste.
En attendant le médecin :
Allonger l’évanouie à l’horizontale, la tête tournée sur le côté, les pieds légèrement surélevés,
Dénouer les liens, ceinture, boutons (encore !), tout ce qui peut empêcher la libre circulation du sang,
Ecarter les gens, témoins inutiles.
Placer un linge imbibé d’eau froide sur son front,
Ne lui donner à boire qu’après son retour à la connaissance.
Généralement « le malade » refait assez vite surface. Mais, le mieux, est de se rassurer auprès du médecin qui règne sur la santé de la foule de « Roland ».
Punition : Ceux qui ont rigolé pendant le cours auront l’air malin quand leur connaissance se sera enfuie par une porte dérobée.
[1] Une étude suédoise a recensé 50 décès de sujets plus ou moins cardiaques qui suivaient à la télévision la finale de Wimbledon. Il ressort de cette enquête que si l’on est tout à la fois cardiaque et passionné de tennis, il vaut mieux regarder les matchs en différé.
[2] Autres causes : hypoglycémie, insolation, coup de chaleur qui explique ces chutes qui nous transforment en statuts de Saddam recyclées par Bush
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