Alors que commence ce jeudi le Conseil européen qui marque la fin de la peu flamboyante présidence slovène de l’UE et qu’ainsi approche la présidence française, les Allemands se montrent à la fois de plus en plus pressants sur la politique économique française et de plus en plus agacés par Sarkozy.
Mme Merkel trouve que le président français, depuis la signature du traité de Lisbonne, s’est trop désintéressé des réalités européennes. Ses prises de position sur le problème des pêcheurs, qui ignorent à la fois la réalité de la procédure et du mode opératoire sur ce dossier et qui se traduiraient, si elles débouchaient, sur d’authentiques baisses de la fiscalité sur le gazole par une nouvelle augmentation du déficit budgétaire français, ont provoqué une véritable tempête à Berlin. Pour les Allemands, à peine a-t-on réussi à déminer le tortueux et bien étrange projet d’Union Euro-Méditerranée que Paris invente une nouvelle usine à gaz autour des pêcheurs sans paraître le moins du monde se soucier de ses partenaires européens. Et sur le plan plus directement politique, les Allemands trouvent que le soutien des Français au gouvernement irlandais dans l’opération de référendum sur le nouveau texte institutionnel a été plus que minimal.
Le prochain point de friction attendu porte sur la lutte contre l’inflation et la politique de la BCE. A Berlin, on s’interroge très sérieusement sur l’idée que, comme l’affirment les ministres français au sein de l’Euro-groupe, « la plupart des économistes français considèrent que la BCE devrait baisser ses taux ». Le ministre allemand de l’économie a demandé, lors de la dernière réunion, qui étaient les économistes en question et quelle crédibilité ils pouvaient avoir. Au sein de la BCE, le membre allemand du Directoire, Jurgen Stark, fait le même genre de remarques et n’hésite plus à déclarer que les positions monétaires défendues à Paris n’ayant aucun sens, il convient de ne plus s’en soucier. A Bercy et à la Banque de France, on insiste désormais auprès du gouvernement sur le fait que le vice-président de la BCE, le Grec Papademos, un économiste reconnu qui fut longtemps à la tête de la Banque centrale grecque, après avoir fait preuve de modération au sujet des positions françaises, ne trouve désormais plus de mots assez sévères pour condamner la France à la fois pour ses déclarations sur la politique monétaire et pour sa pratique budgétaire.
Dans ces conditions, JC Trichet, qui semblait favorable au maintien du taux directeur de la BCE jusqu’à l’automne, affiche qu’il n’aurait aucun état d’âme à le porter à 4,25 % en juillet. Il met en avant le taux d’inflation − 3,6% − et le rebond de la croissance allemande – près de 6% en rythme annuel en ce moment –, chiffres qui montrent que l’économie européenne a besoin de limiter l’expansion du crédit. Evidemment, la croissance française n’est pas du même niveau, malgré les enthousiasmes gouvernementaux récents. La remontée du taux de la BCE provoquera les habituels cris d’orfraie parmi les politiciens de Paris et les économistes en cours, mais ces cris ne sont plus entendus ni à Berlin ni à Francfort. A Bruxelles, un des commissaires européens a déclaré récemment devant quelques amis que ce qui menaçait l’Europe, ce n’était pas une dispute franco-allemande, mais une indifférence franco-allemande, chacun jouant de son côté en maintenant un discours artificiel d’accord et d’amitié. Sarkozy lorgne vers Londres et Berlin vers… Berlin devenu la référence économique et politique de la plupart des membres.