La "guerre contre la drogue" est devenue un prétexte pour militariser un filet gigantesque qui cible non seulement les narcotrafiquants mais aussi les sans-papiers et les opposants politiques.
Un charnier contenant 72 cadavres, dont ceux de 14 femmes, a été découvert le 24 août dans l’État mexicain de Tamaulipas, pas loin des États-Unis. Les victimes du massacre, criblées de balles, les yeux bandés et les mains liées derrière le dos, sont les dernières victimes de la stratégie américaine de la militarisation de la « guerre contre la drogue » menée par Washington.
Selon le Los Angeles Times ces migrants, qui venaient d’Amérique Centrale, d’Équateur, et du Brésil et voulaient gagner le Texas, ont été kidnappés et tués par le gang des Zetas. Les Zetas sont des anciens membres de l’élite militaire mexicaine, entraînés par les États-Unis aux tactiques de contre-insurrection et de répression brutale, puis reconvertis en masse dans le narcotrafic. Ils sont associés avec les infâmes Kaibiles du Guatemala, qui ont une histoire similaire. Après avoir servi comme bras armés du fameux Cartel du Golfe de narcotrafiquants, ils se sont séparés et ont formé leur propre cartel. La tentative des Zetas de s’emparer des routes de transport de la drogue vers les États-Unis face à des cartels concurrents qui ont davantage de contacts politiques et d’argent a fait d’eux le plus brutal des gangs mexicains.
La situation économique désespérée dans leur pays d’origine force chaque année quelque 400,000 pauvres à traverser le Mexique pour les États-Unis afin de chercher du travail. Mais Washington concentre son assistance sous forme de matériel militaire et d’entraînement au renseignement et à la sécurité, comme « l’Initiative Merida », le programme de 1,5 milliard de dollars d’aide fournie au Mexique. Et la « guerre contre la drogue » est devenue un prétexte pour militariser un filet gigantesque qui cible non seulement les narcotrafiquants mais aussi les sans-papiers et les opposants politiques des régimes alliés avec Washington (comme en Colombie, où l’entraînement et l’équipement des forces armées sert à tuer des syndicalistes et briser des grèves.)
Au Mexique, la militarisation de cette « guerre » a été un échec total, selon la Commission nationale des Droits de l’Homme mexicaine. Dixit son président Raul Plascencia, « Nous observons qu’il y a aucune amélioration de la situation dans les régions ou il y a eu des opérations militaires anti-drogue » a rapporté récemment le Latin American Herald Tribune. Pourtant, 50,000 militaires mexicains ont été déployés sous « l’Initiative Merida. » Sous le président mexicain Felipe Calderon, qui a mis en œuvre la militarisation de la « guerre contre la drogue » à la demande de Washington voici trois ans, on dénombre à ce jour 17.000 morts liés au trafic de drogue.
Les États-Unis restent le pays qui compte le plus de consommateurs de stupéfiants au monde, mais 57% des Américains qui ont besoin de soins médicaux et de traitements contre la dépendance ne peuvent se les payer. Et dans la stratégie coûteuse de militarisation choisie par George W. Bush et maintenue par Barack Obama, la violence engendre toujours plus de violence, comme en témoignent les cadavres des 72 pauvres migrants découverts le 24 août.
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